Manger du cheval ?

Un message d'internaute nous ordonne de ne pas manger de cheval.

« NON ! UN CHEVAL CA NE SE MANGE PAS ! »

Fort bien. On peut approuver cet appel à ne pas manger de viande. En voyageant, j'ai trouvé des autocollants en anglais précisant que manger de la viande est un meurtre. En France, je n'en ai pas vu.

Les animaux sont des êtres vivants capables d'émotions et de souffrances. Nous leur sommes semblables et l'on n'est pas loin du cannibalisme.

Pourtant, ici, il s'agit du seul cheval : « un cheval, ça ne se mange pas !»

donc on peut manger les autres animaux...

Pourquoi faudrait-il épargner le seul cheval ? Bien évidement, il s'agit d'un fait culturel :

« la plus noble conquête de l'homme ». Tous les enfants admirent les chevaux, leur allure, leur vitesse, leur utilité. Tous les enfants ont joué au cavalier et même au cheval.

En revanche, personne n'a joué à la vache ni au cochon, ni au lapin dont on fait la promotion pour la viande en ce moment. Pourtant, il n'y a pas plus placide qu'une vache et plus utile qu'une vache. En échange d'un peu d'herbe, elle donne du lait régulièrement qui est un aliment riche et directement utilisable, elle fait un veau par an qui peut être mangé. Personne ne se soucie du veau sacrifié pour sa viande blanche et tendre. Or, il n'y a pas plus innocent qu'un bébé et le veau est un bébé.

Pire, notre culture méprise la vache. C'est une insulte courante à l'encontre de certaines femmes enrobées et mêmes des policiers. On désigne comme « vache » un salaud parfait. Jacques Prévert l'a dit mieux que moi. Quand on veut insister sur l'arriération des campagnes, on ne manque pas de signaler qu'il « y a encore des vaches » ou qu'il « n'y a que des vaches ».

On se moque des hindous qui sacralisent les vaches sans se demander pourquoi. Les Français, convaincus de posséder la meilleure connaissance du monde, méprisent volontiers ces peuples lointains et leurs coutumes ridicules. En plus, ils n'ont même pas bénéficié des Lumières de la colonisation française. Ils ont donc persisté dans l'obscurantisme.

Pourtant, si l'on savait que les hindous ne tuent pas un animal qui a du lait parce qu'il pourrait être sa mère, on n'opposerait pas un tel dédain. Personne ne tuerait sa mère. Le lait est le premier aliment qu'on absorbe. C'est une bonne raison pour ne pas tuer les vaches. On rappelle que la viande dite de bœuf provient des vaches car il n'y a plus de bœufs depuis longtemps.

Et puis, concernant au cheval, il faudrait ne pas le manger parce que c'est un animal « noble » et d'une beauté admirable ? Est-ce à dire que s'il était moche, gros et petit on pourrait le tuer et le dévorer ? Est-ce à dire qu'on peut tuer et manger les autres animaux sous prétexte qu'ils ne sont pas beaux ? Et si l'on étendait cette règle aux humains ? D'ailleurs, au siècle dernier, certaines idéologies l'ont prétendu.

Ce tabou culturel autour du cheval est répandu. Ici, on ne mange pas de cheval parce que c'est un animal « noble ». On ne mange pas non plus de chien, le plus fidèle compagnon de l'homme. Dans certains pays asiatiques où l'on méprise volontiers le chien -animal inutile qu'on ne va pas en plus nourrir -on n'a aucun scrupule à capturer les chiens et à les manger. En revanche, on ne touchera pas au chat qui débarrasse les maisons des souris même si l'on venait à manquer de lapins.

L'hypocrisie autour de la viande et des animaux de boucherie est telle qu'on se mobilise volontiers contre l'abattage des bébés phoques pratiqués à coup de gourdins et laissant une tache de sang sur la neige. Et si l'on introduisait une caméra dans un abattoir ? Si l'on filmait les animaux affolés, conduits au poste où ils vont être exécutés ? Si l'on filmait les rigoles par où le sang est évacué ?

On dit que les animaux pressentent la mort. C'est possible mais, surtout, ils sont décontenancés par cet environnement confiné, bruyant, l'odeur, la promiscuité, la fatigue du transport. Une information que je n'ai pu vérifier indique que tous les abattoirs de France sont compatibles avec les règles hallal. Si c'est le cas, ça signifie que les vaches sont égorgées et agonisent plusieurs minutes avant de mourir.

Autre hypocrisie tout à fait caractéristique de notre époque, c'est le fait que peu de jeunes veulent exercer le métier de boucher. En revanche, la consommation de viande atteint des sommets et les nouvelles précautions sanitaires, les labels de bon goûts lèvent les réserves de ceux qui hésitent.

En résumé, si l'on est sensible à la souffrance des animaux, si l'on pense que la viande n'est que la chair d'un animal tué, alors, on ne mange pas de viande du tout.

En revanche, sélectionner les animaux qui méritent d'être abattus et mangés et ceux que la morale doit préserver est une monstruosité. Elle dénote d'un état d'esprit capable de décider que, par naissance, des êtres vivants peuvent être exploités, maltraités, tués, mangés quand d'autres doivent être respectés et épargnés.

Maintenant quelques références:

il faut six protéines végétales pour produire une protéine de poulet (viande bon marché)

il faut quinze protéines végétales pour produire une protéine de bœuf (viande chère)

En d'autres termes, on peut s'affranchir d'étapes intermédiaires et manger directement des protéines végétales qui ont l'avantage de se renouveler quand aucun être vivant ne peut être remplacé par un autre.

Si j'en appelle à lutter contre la corrida, ce n'est pas pour encourager la consommation de bœuf plutôt que de cheval.

http://lanternediogene.canalblog.com/archives/2010/07/28/18689107.html

également sur les antagonismes culturels et religieux concernant les tabous autour des viandes :

http://lanternediogene.canalblog.com/archives/2010/06/16/18306904.html