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la lanterne de diogène
26 juillet 2011

Le Masque & la Plume au Festival d'Avignon

 

Vraiment, quand on écoute le Masque & la Plume pendant le Festival d'Avignon, on est à la fois déconcerté et abasourdi.

 

Déconcerté parce qu'on n'a pas l'impression que tous les critiques réunis autour du micro parlent du même spectacle. C'est une tendance forte qui s'affirme un peu plus chaque année. Or, désormais, elle s'étend à l'ensemble de la saison et même aux autres sujets couverts par l'émission, à savoir le cinéma et la littérature et n'est plus circonscrite au seul Festival. En fait, chacun voit dans un spectacle ce qu'il y apporte lui même. Chacun voit ce qu'il a envie d'y voir tandis que d'autres (peu nombreux) donnent de la voix pour se faire remarquer.

 

Abasourdi dans la mesure où l'on a, malgré la confusion qui règne quant à la teneur réelle d'un spectacle, de moins en moins l'impression qu'il s'agit de théâtre ou de tout autre art de scène. Les textes connus et repris n'ont plus qu'un lointain rapport avec ce qu'on en connaissait. Il semble que sur scène, les mouvements, les effets spéciaux, les images « choc » tiennent lieu d'art dramatique. Les metteurs en scène sont de plus en plus omniprésents. Lorsqu'on évoque « un spectacle élitiste », il faut comprendre que, précisément, il n'y a rien à comprendre mais qu'on va payer cher « l'élitisme » et « l'avant-gardisme » ou le nom du metteur en scène. Déjà que le théâtre est cher, on ne va surement pas réconcilier le grand public avec la scène. On a ironisé pendant longtemps sur la prétention de certains spectacles à faire « passer un message ». Il y avait souvent à boire et à manger mais, au moins, il y avait un message c'est à dire quelque chose qui apportait du sens.

 

Comme chaque année, on invoque les mânes de Jean Vilar, le fondateur du Festival et du fameux TNP. Seulement, lui et sa troupe pouvaient se vanter d'être populaires, de faire « peuple » en proposant des tarifs avantageux, des abonnements, des accords avec les comités d'entreprises. Il montrait des mises en scènes sobres qui mettaient en valeur les acteurs et les textes qu'ils servaient. Tout le contraire de ce qu'on peut voir depuis plusieurs années. Le théâtre est devenu une loterie. On ne sait pas si l'on va voir du sens ou si l'on aura droit à une gesticulation quelconque et ce n'est surement pas la description qu'on trouve sur les programmes qui peut nous renseigner. En supposant qu'on comprenne le verbiage prétentieux qui est de mise, on aura du mal à faire le lien. Désormais, le Festival d'Avignon est devenu un barnum huppé, un festival de superlatifs, de tape à l'œil, d'extase devant des apparitions scéniques. C'est la pleine béatitude pour les bobos.

 

Si l'on ajoute aux spectacles pour lesquels on cherche en vain un sens, les soi-disant « ouvertures », on a du mal à retrouver le rendez-vous annuel et quasi mondial du théâtre. Après avoir débuté leur mandat par une projection vidéo en ouverture, on a eu droit cette année à un débat philosophique entre Hessel et Morin. En d'autres termes, il faut quitter la sphère théâtrale proprement dite pour trouver du sens. De plus, cette année, les candidats à la présidence de la République ou leurs seconds couteaux ont fait le déplacement histoire de s'y montrer. C'était le « off » en quelque sorte. On peut en tirer deux leçons. D'une part, le Festival est devenu le rendez-vous branché de tous ceux qui sont épargnés par les crises et qui aiment se retrouver entre eux, entre gens de goût. D'autre part, les politiques qui ont effectué le déplacement montrent clairement ceux qui les intéressent. Il est vrai que le peuple qui se sent exclu ne va pas plus au théâtre que dans les bureaux de vote. Comme disait un théâtreux d'autrefois, « il faut changer le peuple ». En attendant, on l'ignore.

 

Reste que le Masque & la Plume enregistré en Avignon est un moment de plaisir radiophonique. On y entend les cigales pendant toute l'émission et, chaque demi-heure, on a droit aux cloches de l'église du quartier, comme si l'on était sur la place d'un village provençal. Ce n'est pas si mal. Enfin, le public prend la parole et n'hésite pas à affirmer une opinion qu'on n'entend jamais à Paris au studio 106, à savoir le point de vue des spectateurs qui ont payé leur place, qui ont parfois invité des personnes pour leur faire plaisir et en sont pour leurs frais, trompés par des réputations usurpées et par les superlatifs et les euphémismes des critiques en général.

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