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la lanterne de diogène
12 août 2013

Fin du ramadan

Fin du ramadan marqué cette année par une certaine normalisation. Peut-être à cause de l'été, on n'a pas eu droit à ce battage autour de la seule fête musulmane que les médias comprennent et daignent évoquer. Cette année, pas de polémique non plus autour de pratiquants zélés au point de ne pas tolérer qu'on mange et boive autour de soi. Tant mieux si, dans un pays laïc, la pratique religieuse d'une minorité ne pose plus de problème.

 

On se souvient, dans les années 1990 de ces programmes télévisés, « Les nuits du ramadan », qui plaisaient beaucoup à ceux qu'on n'appelait pas encore les bobos. On pensait alors aider à la compréhension entre tous. Seulement, personne ne s'y reconnaissait. Ceux qui côtoient les musulmans voyaient des intellectuels et des artistes qui auraient tout aussi bien pu ne pas être musulmans, sauf qu'ils ponctuaient chacun de leurs propos en le rappelant. Quant aux musulmans, ils ne se sentaient pas vraiment représentés par ces gens si bien mis et sur lesquels on braquait les projecteurs. En plus, sur le plan religieux, quel contraste entre le jeûne avec les contraintes que ça implique pour ceux qui exercent des métiers pénibles et ces artistes dont on avait l'impression qu'ils passaient la journée à répéter leur prestation télévisée du soir. À vouloir trop prouver, sans connaître les fondements des obligations religieuses, on donnait l'impression que les musulmans faisaient la fête toutes les nuits pendant un mois sans égard pour les infidèles qui cherchaient le sommeil à côté.

 

Cette année, le ramadan avait mal commencé en France. On s'est disputé sur la date du début. Les autorités musulmanes avaient cru bon donner une image moderne de l'islam en demandant à des astronomes de calculer précisément le début du jeûne. Seulement, les fidèles ne l'entendaient pas ainsi. Habitués à observer la lune, comme l'avaient fait avant eux leurs pères et grand-pères, ils ne comprenaient pas ce changement.

Cela peut paraître anecdotique pourtant, ça reflète bien l'état d'esprit des musulmans et particulièrement sur une terre où ils sont minoritaires et groupés en communautés nationales, quand c'est possible. D'abord, ça met en évidence la force des habitudes dans une religion. Quoi qu'il arrive autour, quelle que soit l'évolution du monde, les fidèles freinent des quatre fers tout changement ; et c'est valable dans toutes les religions. Ils prennent, dans le progrès, ce qui les arrange. Grosso modo, tout le progrès électronique est bien vu. On aime les micros et haut-parleurs qui permettent d'être entendu. On aime la télévision qui retransmet les prières. On aime les disques et cassettes, les DVD aujourd'hui, qui diffusent les chants, les psaumes, les images des lieux saints lointains. Surtout, on aime les photos malgré les interdictions de représenter la figure humaine dans l'islam. Pour le reste, on se méfie et refuse le progrès. Bien qu'on nous répète souvent que l'âge d'or de l'islam a donné au monde parmi les meilleurs astronomes du monde, on ne va pas suivre ceux d'aujourd'hui. Ceux d'avant, on ignore ce qu'ils ont fait exactement mais ils peuplent l'imaginaire collectif. Donc, pas question d'écouter le résultat des calculs, à l'aide d'ordinateurs étrangers, pour décider du début du ramadan.

 

Ensuite, cette polémique met en lumière les dissensions profondes entre les pratiquants « silencieux », pour reprendre les termes de Malek Chebel. Les musulmans qui habitent dans des villes moyennes se disputent chaque année à propos des horaires du jeûne. Ainsi, dans le sud-est, ceux qui se rendent parfois à Lyon pour faire leurs courses reviennent avec des feuilles bilingues indiquant, à la minute près, le début et la rupture du jeûne. Aussitôt, ils sont contestés par ceux qui vont plutôt à Marseille. Ceux qui vont à Grenoble ont une autre feuille horaire. Qui a raison ? Bien sûr, personne ne sait quel est le méridien le plus proche. Et quand bien même ? Si celui qui sait est marocain, il ne sera pas écouté par les Algériens. S'il est sénégalais, le Turc va l'ignorer. Le président du Conseil Français du Culte Musulman peut bien dire ce qu'il veut, rien ne vaut la feuille qu'on va trouver chez le boucher qu'on connaît depuis longtemps et qui vous a été recommandé, autrefois, par un ami qui était son parent.

 

Un infidèle s'étonnera de ces querelles. Les heures de lever et de coucher du soleil sont connues de tous. Ils sont publiés dans les quotidiens et, encore plus simple, indiqués chaque soir à la fin des bulletins météo des chaînes de télévision. Oui mais, pour ces « musulmans silencieux », c'est pas pareil. Ces indications scientifiques ne sont pas pour les fidèles. C'est pas pareil. En cas de doute sur les horaires, on suivra de toute façon le plus contraignant. Les autorités religieuses les plus conservatrices savent très bien entretenir le doute dans les esprit sur le mode « et s'ils avaient raison ? ». Et l'on en revient à la tentation de refuser le progrès qui risque d'inciter à une pratique religieuse un peu différente de celle qu'observaient les grand-parents. Tout ce qui peut ressembler à un relâchement est banni. Or, la religion ne suit pas les modes. Elle est depuis toujours et sera encore après nous. La religion révélée a marqué un progrès sur le paganisme et l'ignorance. On ne va pas prendre l’initiative de modifier la pratique religieuse. La tradition et la contrainte priment.

 

Ce qui pose encore problème, c'est que notre pays se veut rationaliste à tout prix et pense que ce qui est bon pour les uns est bon pour tout le monde. Il y aura toujours incompréhension tant que chacun campera sur ses positions. Il semble que les efforts ne proviendront pas de contraintes législatives ni de conférences ou de recommandations pour que les infidèles et les athées comprennent les musulmans. On voit que toutes les tentatives se heurtent à la réalité quotidienne. En revanche, des petits gestes qui aident à sourire sont certes moins spectaculaires mais ont l'avantage de montrer que chacun d'entre nous n'a pas besoin de grandes mesures mais de petites attentions. La retransmission à des heures correctes des rencontres des équipes nationales du Maghreb lors des Coupes du Monde feraient plaisir aux communautés majoritaires. On polémique autour de la construction de mosquées. Pourtant, il ne paraît pas anormal que des pratiquants disposent, à leurs frais, de lieu de réunion. On craint qu'elles ne soient construites avec de l'argent étranger. Et alors ? Fait-on des histoires lorsqu'une société étrangère construit des bureaux en France ? C'est tout de même moins scandaleux que de demander aux citoyens de contribuer à l'édification de lieux de cultes pour les minorités. D'un autre côté, on aimerait que les municipalités ne multiplient pas les tracasseries, par exemple en exigeant un parking digne d'un stade pour une réunion une fois par semaine. Plutôt que des mesures spectaculaires, plutôt que des injonctions à respecter une minorité religieuse, il vaut mieux favoriser le dialogue sur le plan local, entre voisins, entre associations. Pour cela, il faudrait déjà qu'existe une véritable mixité sociale dans les quartiers. Et ça, c'est pas gagné.

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