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la lanterne de diogène
25 août 2012

Insertion et chômage : la société du passé.

 

 

 

Parfois, on se demande si les acteurs politiques ne passent pas leur temps à découvrir l'Amérique et à s'émerveiller à chaque fois.

 

La dernière découverte, c'est de penser que les quelques 20 000 Roms qui vivent sur le territoire devraient travailler. En facilitant leur accès au travail, on règlerait les problèmes de délinquance. Partant de ce constat, on se prépare à leur réserver des emplois. D'ailleurs, compte-tenu de leur faible nombre, ça ne devrait pas poser de problème.

 

Formidable ! On vient de découvrir, onze ans après le début du 21-ième siècle que les personnes qui travaillent font vivre leur famille, leurs enfants en premier, consomment, louent un logement voire se distraient. Facile : tous les problèmes disparaissent par la magie de l'insertion par l'emploi.

 

On se demande comment n'y a-t-on pas pensé plus tôt.

 

À y regarder de plus près, on y a déjà pensé. À l'occasion, on nous dit que pour intégrer les handicapés, il faut obliger les entreprises à en recruter plutôt que de payer une amende pour incivisme. On nous dit que pour prévenir la récidive, il faut assurer un emploi à chaque détenu à sa sortie de prison. Le candidat élu à la Présidence a fait de la jeunesse sa priorité. Ce n'est pas nouveau. On estime, en effet, qu'un jeune qui ne trouve pas d'emploi à l'issue de ses études (quelles qu'elles soient) prend un mauvais départ dans la vie et aura plus de mal par la suite. Il faut donc trouver des formules pour recruter prioritairement des jeunes.

Surtout, on nous martèle que pour intégrer les immigrés et les enfants et petits-enfants d'immigrés, il faut qu'ils trouvent des emplois. On a déjà voté des lois pour que, dans les zones de forte concentration de ces populations, les entreprises ne paient pas d'impôts pour recruter plus facilement. On a également facilité leur accès aux études supérieures en les exemptant des examens et concours auxquels sont astreints les autres candidats.

 

Concrètement, quelques individus profitent des mesures de faveurs décidées par les différents gouvernements. Il n'y a jamais eu de résultats permettant de sauver ces populations plus fragiles et surtout celles qui tombent dans la violence ou la délinquance. Finalement, quelques personnes ont pu être sauvée, et c'est tant mieux, mais la grande majorité de leurs semblables restent sur le carreau sans perspective. Ceux qui demeurent en rade s'en prennent à la Terre entière, aux autorités, aux associations qui les aident (mais pas assez selon eux), à leur voisins smicards, à la police. Ils reprochent aux patrons de ne pas les embaucher parce qu'ils sont arabes, qu'ils ont une peau qui les exclut, qu'ils ont un casier judiciaire, qu'ils ont un handicap visible. Inversement, les chômeurs qui n'ont pas ces désavantages se plaignent parce que les immigrés prennent leur travail. On n'en sort pas.

 

La raison c'est que ces solutions, pour honorables qu'elles soient, ne fonctionnent qu'en période de plein emploi, ce qui n'est plus le cas depuis longtemps. Le chômage est organisé depuis le début de la crise en 1974 afin de prévenir les revendications et de revenir sur toutes les concessions accordées aux classes moyennes par les possédants.

Dans le temps où l'on parle de réserver des emplois pour ceux qu'on estime plus défavorisés, on nous martèle que les services publics, et l’État en premier, doivent faire des économies en recrutant moins ou pas du tout de nouveaux fonctionnaires et en ne remplaçant pas ceux qui partent en retraite. Quant aux contrats à durée déterminée, ils doivent devenir la norme mais on veillera à ne pas les renouveler. Le privé a montré l'exemple en dégraissant largement et ce n'est pas fini. Les plans de licenciements chez Peugeot, viennent de le rappeler. La bourse les a salué avant de se rétracter en constatant l'image déplorable que donne Peugeot dans cette affaire.

 

Dans ce contexte, chaque emploi (ou presque) réservé à un membre des populations considérées comme plus défavorisées et devant faire l'objet de plus d'attention est un emploi pris à un autre ou aux dépens d'un autre. Pourtant, ce type de « piston » comme on dit en France, est avalisé et toléré par tous, sauf, évidemment ceux qui, à compétence égale ou supérieure se trouvent écartés.

 

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De plus, comme si ça ne suffisait pas, les associations dont l'objet est l'aide à ces populations défavorisées reprennent mot pour mot le discours du patronat et des tenants de l'ultralibéralisme le plus rigoureux. Ils considèrent que le chômeur est quelqu'un qui ne veut pas travailler et que ça justifie l'embauche des autres. Ils en veulent pour preuve les quelques dizaines de milliers d'emplois qui ne sont pas pourvus chaque année. CQFD, les Français sont des fainéants, c'est pour ça qu'on a besoin d'immigrés et qu'il suffit d'offrir ces postes à ceux qui n'en trouvent pas du fait de leur origine, de leur jeune âge ou de leur handicap. Logique de ce raisonnement : la droite vient, encore une fois, de mettre l'abolition des 35 heures comme la priorité de l'opposition.

 

Or justement, ce constat que des offres d'emploi demeurent dépourvues s'effectue dans un contexte où il y a déjà des populations défavorisées et privées d'emploi sans que celles-ci viennent à combler le déficit. Ça heurte l'idée reçue selon laquelle les immigrés font les boulots dont les Français ne veulent pas. Il y a belle lurette que tout le monde accepte n'importe quoi. Ensuite, cette idée selon laquelle les offres d'emplois non pourvues le seraient si l'on ouvrait en grand les portes de l'immigration est aussi stupide que la formule simpliste consistant à mettre à égalité le nombre de chômeurs (quelques 5 millions privés d'emploi) et le nombre d'immigrés en stipulant qu'il suffirait de virer les autres pour que les premiers trouvent du travail.

 

L'algèbre joue avec les inconnues et les variables d'ajustement. Dans la réalité, ce ne sont pas des inconnues mais des personnes avec une identité et – pourquoi ne pas le dire ? – une dignité. C'est qu'un emploi vacant ne correspond pas forcément à un chômeur. D'ailleurs, c'est l'argument mis en avant par les petits patrons pour justifier qu'ils ne recrutent pas. Ils prétendent ne pas trouver de personnel qualifié à une époque où 80 % d'une classe d'âge décroche le baccalauréat et qu'il existe des diplômes pour tout et donc des formations qui vont avec. C'est que ces emplois ne sont pas forcément vacants dans les zones où l'on enregistre une forte concentration de chômeurs. Or, quand on n'a pas d'argent, on envisage difficilement une installation (surtout en cas de CDD) dans une autre ville où il faudra d'abord trouver à se loger. Pour cela, il faudra justifier d'un salaire, d'un contrat de travail, de plusieurs mois de loyer à régler d'avance etc. Idem, quand on a un conjoint qui a un emploi stable. Avec un emploi à la clé, on hésitera à déménager avec ses affaires, ses meubles et sa famille pour gagner le Smic, surtout si ça ne va pas durer.

 

C'est à croire que cette réalité est inconnue de nos technocrates, des économistes libéralistes, du personnel politique dans son ensemble. En fait, le choix de réserver des emplois à des catégories qui, à l'occasion, manifestent violemment contre leur exclusion du système ou à des catégories qui devraient susciter la compassion est un calcul à court terme. On essaie d'acheter la paix sociale en réservant quelques milliers et plus surement quelques centaines d'emplois à ces populations sur un total de près de 3 millions de demandeurs d'emplois et près du double de chômeurs. On sait que par diverses mesures, les millions de sans-emploi qui ne bénéficieront pas de ces emplois réservés ne protesteront pas, du fait de leur isolement. Pour ceux-là, les minimas sociaux et le travail d'autres associations feront leur effet pour prévenir d'improbables émeutes de la faim ou du logement.

 

L'abjection que devrait susciter cette situation n'apparait pas. La résignation est forte. La réaction à chaque explosion de violence est épidermique mais ne prend pas en compte le fond du problème. Surtout, l'immense majorité de la population européenne raisonne encore avec des schémas issus des années de croissance quand l'Europe était à reconstruire et que tout réussissait. Les politiques de récessions mises en place depuis plus de trente ans aboutissent à des résultats catastrophiques. La situation en Grèce devrait faire réfléchir. Or, c'est tout le contraire. Malgré l'échec évident, la réponse consiste à imposer davantage encore de récession et de chômage puisque les mesures qui ont conduit à ces résultats n'ont pas produit d'effet bénéfique. Le contraire aurait été pour le moins surprenant. Des commentateurs ont fait remarquer que les propositions des candidats à la Présidence correspondaient à la France d'il y a quarante ans. On s'étonne que ça ne marche pas alors que la population était moindre, qu'il fallait, après avoir reconstruit, mettre en place la société moderne. Maintenant que c'est réalisé mais que la population a presque doublé, que des machines-outil effectuent les tâches les plus pénibles et remplacent des équipes entières d'ouvriers ou de techniciens, que l'ordinateur s'insinue partout et remplace des services entiers, les besoins en main d’œuvre sont différents et surtout moindres. C'est donc à une remise à plat qu'il faut procéder. Malgré l'évidence, malgré les politiques qui donnent des résultats sur les autres continents, on s'obstine dans l'erreur et l'on prend des mesures pour résoudre ponctuellement les problèmes de violence ici ou là quand ces éruption sont autant d'avertissements qu'on ne prend pas en compte. Ce n'est surement pas en désignant ces populations défavorisées comme victimes du passé qu'on va assurer leur avenir. Au contraire, on les renforce dans le ressentiment que rien ne vient apaiser et surement pas des mesurettes qui vont permettre à très peu d'entre eux d'échapper au sort qui leur est promis par le contexte général du chômage de masse auquel s'ajoutent des a priori d'un autre âge.

 

Parlant d'autre âge, on apprend également que les gens du voyage sont exclus de certaines profession. À quelle époque vivons-nous ? Pourquoi ne pas exiger non plus qu'ils portent un signe distinctif visible ? Les raisonnements archaïques semblent faire la loi dans ces histoires d'inclusion par le travail. Des lois mettent de côté des populations qui vivent depuis toujours sur le territoire national pendant que, Union Européenne oblige, on accueille d'autres au nom du droit de circuler et de s'installer. Les partis de pouvoir proposent des mesures qui fonctionnent en situation d'expansion économique, ce qui n'est plus le cas depuis des décennies. Les bien-pensants rivalisent dans la compassion envers des populations qui ont été un peu plus exploitées que les autres à une époque. Pendant ce temps, ceux qui vivent dans leur époque engrangent les bénéfices de la violence, des inégalités économiques et sociales, spéculent, encouragent le chômage (licenciements dans les entreprises et rationalisation des services publics),exigent la récession. Les premiers objectifs fixés fin 1992 n'ont pas été atteints ? Qu'on en fixe de plus contraignants ! Tant pis si toujours plus de monde reste au tapis !

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Pourquoi n'en profiteraient-ils pas puisque leurs ennemis les plus farouches reprennent leurs arguments en croyant défendre les plus défavorisés, leurs victimes ?

 

C'est probablement sur le marché du travail que les archaïsmes de la société sont les plus exacerbés. La recherche d'emploi montre les préventions, les a priori, dontle chômage des séniors n'est qu'un aspect. Pour simplifier à l'extrême, nombre d'employeurs recherchent un jeune (pour le payer au minimum et en espérant qu'on va créer rapidement un Smic jeunes), valide, de préférence européen mais ça n'est pas l'essentiel, qui connaisse déjà la tâche sans qu'on ait à la lui montrer avant ou la machine même si elle date afin de pouvoir commencer le lundi matin et être opérationnel comme s'il avait 10 ans d'expérience dans la boite. Les savoir-faire supplémentaires comme la maitrise de l'outil informatique ou une langue étrangère seront appréciés mais ne donneront lieu à aucune gratification. D'ailleurs, si l'on apprécie les diplômes, ils ne sont pas indispensables dans la mesure où ils ne permettront pas d'échapper au Smic. En fait, le diplôme sert à choisir entre les candidats mais n'influe pas sur le salaire.

 

Avec de tels archaïsmes, le patronat emboite volontiers le pas aux associations qui prônent le recours à l'immigration. L'arrivée massive d'étrangers fuyant la misère de leurs pays garantit la pérennité des bas salaires et la précarité de l'emploi. La flexibilité du marché du travail est la revendication principale des employeurs et depuis longtemps.

 

Les syndicats qui voient leurs effectifs s'effondrer depuis le début de la crise sous la pression du chômage sont pris entre l'urgence consistant à venir en aide aux populations exploitées et la réalité qui voit une main d’œuvre précaire augmenter afin de maintenir la pression sur les salariés et les dissuader de revendiquer. La technique n'est pas nouvelle puisque lors de la construction des chemins de fer aux États-Unis au 19 ième siècle, les compagnies avaient recours à la main d’œuvre chinoise pour briser les grèves des ouvriers. Les Chinois étaient prêts à tout puisque même minorés leurs salaires étaient plus forts que rien du tout. C'est ce raisonnement à peine transposé qui prévaut depuis quelques années et il est particulièrement désagréable de voir des forces qui se disent progressistes soutenir, quelle que soit la forme qu'on y met, une telle martingale.

 

La modernité consiste à penser les moyens de productions, les conditions et le temps de travail pour tenir compte de la technique et de la démographie galopante. Elle consiste également à instaurer un véritable partenariat entre les pays ou les grandes zones géo-économiques afin de permettre à tous de travailler dans leurs pays. Il n'y a aucun progrès à voir des hommes, et parfois des femmes, quitter leurs pays et ceux qu'ils aiment, risquer leurs vies dans des voyages longs et périlleux pour débarquer dans des pays qui ne correspondent pas à leurs rêves et où ils sont exploités et mal aimés.

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