Paris malgré tout

Malgré tout parce que Paris m'est devenue insupportable. Paris reflète la France dans ce qu'elle a de meilleur et de pire. Le meilleur, c'est ce charme qu'on ne retrouve dans aucune autre capitale du monde de cette taille ; sauf, peut-être, à Lisbonne mais il n'y a pas autant de monuments, de quartiers divers. Le pire, c'est cette tension permanente, cette hâte à aller d'un point à un autre, cette peur de rater le bus ou le métro et de devoir attendre plus que de raison. C'est aussi le parisianisme qui fait mépriser le monde entier, qui fait que tout se passe à Paris et rien ailleurs.

Au moment où s'ouvre le Salon de l'Agriculture, on comprend aussi les contradictions de la France. Les paysans de la Fnsea ne jurent que par les subventions et l'exportation. Pourtant, si l'on achète français partout dans le monde, c'est dans l'espoir d'y trouver une qualité originale et, si possible, meilleure. La gastronomie française est proverbiale. La Mairie de Paris veut faire entrer la capitale dans le XXIe siècle. Ce n'est pas nouveau. Dès les années 1950, un plan prévoyait de tracer des autoroutes urbaines et, pour cela de détruire des pâtés de maison entiers. Heureusement, ça devait coûter trop cher et ça a été abandonné mais le projet de « radiale Vercingétorix » a survécu jusqu'au début des années 1980 (un peu comme l'aéroport NDDL).

Pompidou voulait ses tours. Delanoé aussi et Mme Hidalgo veut son Triangle. Sarkozy a voulu "Paris Métropole" jusqu'au Havre...

Pourtant, ce que cherchent les Parisiens, ceux qui veulent vivre à Paris, les bobos mais pas qu'eux, les touristes du monde entier, ce ne sont pas les tours et les voies rapides. C'est tout ce qui fait ce charme incomparable de Paris, malgré tout, malgré le trafic automobile, malgré les transports bondés, malgré tous ces gens qui marchent tête baissée sur l'écran de leurs smartphones ou, au contraire, tête en l'air, semblant parler tout seuls (de fait c'est bien ce qu'il font) mais s'adressant via un minuscule micro dissimulé à un correspondant lointain. Quand on entend parler dans les transports, ce ne sont plus deux personnes voyageant ensemble mais deux solitaires éloignés qui s'entretiennent de ce qu'ils vont manger et, plus fréquemment, de leurs dernières embrouilles.

Mme Hidalgo et son prédécesseurs, avec toute leur clique de technocrates et de militants (mais ça serait pareil avec un maire de droite) ne veut pas que Paris devienne une « ville-musée ». Quel mépris pour les musées et la culture en général ! Comme nos paysans de tout à l'heure qui méprisent les animaux et les terroirs. Non, Mme la/le Maire, ceux qui ne veulent plus de nouvelles tours ont simplement observé qu'il n'y a pas de vie autour de ces gratte-ciels. Il suffit de voir La Défense. On y travaille (et pas n'importe quel genre de travail) mais on n'y vit pas et l'on a hâte de rentrer chez soi. Le Corbusier a échoué dans sa tentative de créer une vraie petite ville dans un immeuble en hauteur afin de garder de l'espace au sol. La Cité Radieuse, très bien conçue sur le papier, n'a pas fait d'émules. On a envie de sortir et pas de tout trouver dans sa cage d'escalier. Ce que veulent, les gens, c'est une grande ville mais à taille humaine, une ville avec des commerces de proximité et pas seulement des marchands de chiffons, des logements pour ces centaines de malheureux allongés sur les trottoirs dans le froid ou sous la pluie. Incroyable de voir l'imagination déployée par les stylistes pour créer des bancs publics sur lesquels les pauvres ne peuvent pas s'allonger. Bravo JCDecaux ! Bravo à ceux qui passent commande (surtout quand ils sont de gauche) !

On se moque des bobos parce qu'ils plébiscitent les appartements dans les vieux immeubles des anciens quartiers populaires d'où l'on a chassé le populaire avec des loyers exorbitants et le chômage de masse. Il faudrait se demander ce qu'ils y recherchent. Ce sont, justement, des maisons, des quartiers à vivre, des quartiers où l'on peut aller boire un coup, regarder un film, acheter son pain et tout ce qu'il faut pour le repas. Ce sont quelques promenades dans les divers Paris que je te propose :

Retour à Paris : le râleur

Retour à Paris : le voyageur

Retour à Paris : le flâneur