Il fait froid dans la rue

Une image. Droit au logement s'est installé dans cet immeuble. Au premier plan, on peut admirer les colonnes du palais Brongniart qui abrite la bourse de Paris. Au fond, on voit le siège de l'AFP. Le symbole est fort. Les responsables du mal logement et de l'appauvrissement  des populations pourraient voir cet immeuble occupé s'ils voulaient regarder autre chose que leur téléphone et les cours de la bourse, s'ils voulaient s'émouvoir pour autre chose que pour une hausse ou une baisse de 0,1 %. Quant à l'agence de presse, elle illustre parfaitement l'indifférence des journalistes face à cette honte qu'est non seulement le mal logement mais l'absence de logement. On ne s'intéresse pas aux sans abri sauf s'il y a un affrontement avec la police. Le reste du temps, on peut mourir dans la rue, on peut geler pour mendier une pièce, on peut grelotter sous la neige.

On dit : « nos enfants nous accuseront » quand on évoque les catastrophes écologiques à venir et qu'on sait venir. On peut le dire également pour les gens qui vivent dans la rue comme si c'était leur milieu naturel et certains d'entre eux meurent dans la rue.

Nos enfant nous accuseront ? On peut – hélas ! – dormir tranquille. On n'a jamais vu les générations vivantes s'en prendre à leurs ancêtres surtout s'ils sont encore là, surtout s'ils sont proches. Personne ne songe à reprocher aux Européens du 20ième siècle d'avoir laissé monter les totalitarismes. Personne ne nous reprochera d'avoir laissé des tonnes de déchets radioactifs et personne ne nous reprochera d'avoir laissé vivre et mourir des millions de gens dans la rue à l'époque où l'on est capable de s'arracher à l'attraction terrestre et où l'on peut stocker des millions de données sur un grain de sable.

À côté de ces considérations, à l'heure où j'écris ces lignes, de plus en plus de nos semblables sont couchés sur les trottoirs de nos villes, ont passé la nuit dehors par des températures négatives et certains ne se relèveront pas. Aidons-les à se relever. Interpelons nos élus. C'est le moins qu'on peut faire.