Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
la lanterne de diogène
15 août 2011

Questions sur la Libye et sur la Syrie

 

Le point de vue du professeur Chems Eddine Chitour

http://www.palestine-solidarite.org/interview.Chems-Eddine_Chitour.090811.htm

 

paraît intéressant dans la mesure où il tempère quelque peu les informations livrées par les médias concernant la situation en Syrie. Cependant, il est considérablement limité par un angle de vue selon lequel le monde arabe est manipulé par les puissances occidentales voire en guerre contre celles-ci. C'est la théorie bien commode du complot occulte. La ficelle est utilisée depuis la nuit des temps ou plutôt depuis que des peuples sont organisés et armés. Lorsqu'un tyran n'arrive pas à gouverner, il s'adresse directement à son peuple pour le convaincre qu'il y a danger extérieur et que des forces internes complotent. Dans les années 1960, dans nombre de pays arabes, des militaires sont parvenus au pouvoir et s'y sont maintenus en appelant leurs peuples à se mobiliser et s'unir contre un ennemi. Dans un climat post-colonial, en pleine guerre froide, il était assez facile d'emprisonner les opposants (souvent parmi les premiers combattants pour l'indépendance) et de convaincre la population que la férule militaire, la censure, le parti unique œuvraient pour son bien. De temps en temps, on dénonçait un ennemi quelconque afin d'entretenir la mobilisation, de créer une diversion pour faire oublier l'impéritie du pouvoir. Seulement, les jeunes générations ne connaissent pas ces clivages issus de la guerre froide et des luttes pour l'indépendance. Comme tous les jeunes, ils ont toujours connu leur pays indépendant et considèrent ce fait comme un dû et comme un acquis. Leurs problèmes sont ceux de toutes les jeunesses du monde. Ils rêvent d'un peu d'insouciance et surtout d'un avenir avec un minimum de confort matériel. Souvent plus instruits que leurs aînés, ils ne sont pas dupes de la manipulation de l'opinion organisée par le pouvoir et surtout ils se rendent compte que est confisqué par une classe dirigeante corrompue et incapable. Si leur aînés pouvaient l'accepter comme contrepartie de l'indépendance, eux refusent. Leurs revendications ne sont pas idéologiques mais très concrètes. Ils réclament de pouvoir gagner leur vie en utilisant ce qu'ils ont appris et de pouvoir choisir ceux qui vont les diriger.

 

Les situation en Libye et en Syrie sont très différentes. En effet, il n'existe pas d'État libyen puisque ce sont les masses qui gouvernent directement. En fait, c'est un bel euphémisme pour justifier le rôle de guide de Kadhafi. Le peuple s'auto-administre par l'intermédiaire des tribus (quand même car il ne faudrait pas non plus qu'il s'émancipe complètement) et le guide indique juste la marche à suivre. Pourtant, la Libye répond aux exigences des Nations Unions pour la reconnaissance d'un pays, à savoir : un territoire, une monnaie et des pouvoirs publics. Il y a bien une entité qui fabrique cette monnaie, qui défend le territoire et qui organise la vie sociale. Dans le monde entier, ça s'appelle un État. Tout ce verbiage a participé pendant des décennies à mentir aux peuples et à leur faire avaler n'importe quoi. En changeant les noms, on donnait l'impression de la rupture et d'une certaine modernité.

 

L'État libyen est présenté par le professeur Chems Eddine Chitour comme devant faire face à une agression de l'Otan alors que le peuple soutient son gouvernent. Ce serait le cas en Syrie également. On assiste à une inversion complète des faits mais qui s'inscrit parfaitement dans les processus mis en place par les dictatures militaires dans les années 1960 : le pouvoir exercé par les militaires est légitime puisqu'il prend la place d'un régime soupçonné – souvent à raison – d'alliance avec des puissances étrangères et qu'il combattra toute agression externe ou interne ; surtout interne. Également, il passe totalement sous silence le fait que dans presque tous les pays, la sécurité est déléguée à des corps entrainés. Il est bien évident que la population même déterminée ne peut rien contre des forces armées et bien entrainées. Si des personnes osent défier le pouvoir, la plupart des gens restent claquemurés chez eux, se protégeant comme ils peuvent. Cet attentisme voire cette peur sont curieusement confondus par le professeur Chems Eddine Chitour avec un soutien au régime.

 

Bien sûr, la présence d'Israël aux frontières de la Syrie complique singulièrement la situation. Il est évident que les États-Unis observent attentivement et ne laisseront rien faire qui pourrait menacer leur petit protégé. C'est également cette présence et la menace d'un affrontement avec les États-Unis qui forcent les puissances locales à se tenir en retrait pour le moment.

 

La question kurde a été oubliée dans

http://lanternediogene.canalblog.com/archives/2011/08/09/21763637.html

 

elle vient s'ajouter à complexité de la situation. En Syrie, les Kurdes comme la plupart des communautés minoritaires bénéficient d'une relative tranquillité. Comme lors de la guerre contre l'Irak de 1991, les Kurdes sont tentés de se réfugier en Turquie. Ce pays qui tolère assez peu les minorités accueille volontiers les réfugiés mais en leur déniant l'identité kurde. Rien n'est simple dans la région car la Turquie voit mal la population kurde augmenter. Chems Eddine Chitour garde l'image d'une Turquie, membre de l'Otan et à la botte des Etats-Unis. Or, depuis quelques années – en fait depuis l'arrivée au pouvoir des islamo-démocrates – la Turquie s'éloigne d'autant plus de l'Otan que ses tentatives pour rejoindre l'Union Européenne échouent malgré l'adoption des normes et standards européens. La tentation est forte pour elle de se tourner vers les pays qui formaient son immense empire et reprendre la tête dans une configuration adaptée.

 

La situation en Syrie est des plus compliquées. Il serait vain de croire ce que les médias nous rapportent. Tout aussi vaine serait la tentation d'appliquer une grille de lecture issue de la guerre froide et mâtinée de la théorie du choc des civilisations. Lors de ce qu'on appelle « le printemps arabe », on a bien vu que la population, lorsqu'elle n'est pas contrée par les forces de l'ordre, exprime des souhaits très simples qui visent à mener une vie tranquille aidée d'un minimum de confort matériel. Cette simplicité ne plait pas à nombre d'analystes qui voient toujours dans le peuple une force d'avant-garde animant une révolution qui a vocation à s'étendre. On aime bien les clivages idéologiques qui permettent de se situer dans un camp ou un autre. Il est plus difficile de soutenir une population qui aspire à sortir d'un chômage endémique, à consommer et à voter. C'est d'autant plus difficile qu'on en voit pas au nom de quoi on pourrait être contre. Donc, il convient pour nombre d'analystes de trouver des motivations idéologiques aux manifestants et, bien sûr, de voir derrière eux une main invisible qui les pousse. Il est vrai que les atermoiements de certaines puissances et des pays voisins ouvrent la porte à toutes les supputations. Les peuples arabes vivent dans des pays qui possèdent des richesses naturelles. Or, la plupart d'entre eux connaissent un dénuement et voient tous les soirs sur leurs écrans de télévision les images de pays qui en sont démunis et dont les habitants semblent vivre mieux qu'eux. En Libye et en Algérie, la manne du pétrole ne profite qu'à une minorité qui tient les rênes du pouvoir depuis des décennies. Leurs populations doivent émigrer. La Syrie ne manque pas de ressources quoique très menacée par la captation des eaux de l'Euphrate par la Turquie. Ces pays ont surtout développé leurs forces armées

 

Pour finir, il est bien évident que même les pires dictateurs ont accompli pour leurs pays des choses remarquables et qui, de surcroit sont propres à satisfaire des pans importants de la population. En échange, ils feront montre d'une certaine bienveillance voire d'une acceptation de la restriction des droits publics. Assad n'échappe pas à la règle et avait entrepris une série de réformes qui allait dans le bon sens. Comme indiqué précédemment, Bachar al Assad n'a pas l'étoffe d'un dictateur, d'où son affolement devant la contestation et la répression sanglante probablement impulsée par l'état-major. Il est bien évident qu'une transition démocratique serait la meilleure solution. Seulement, elle ne s'improvise pas dans un pays qui n'a connu que la dictature et la mobilisation de son armée. Le peuple syrien croyait pouvoir accélérer le processus. Il se heurte aux intérêts des puissances extérieures.

 

Maintenant, remarquons également que, curieusement, en été, l'actualité se focalise sur des événements à l'étranger. Soyons surs que dès la rentrée – en fait dès la fin des universités d'été des partis politiques – les médias mettront sous le boisseau les nouvelles en provenance du « printemps arabe » et autres « indignés » des pays du bassin méditerranéen au profit des prémices de l'élection présidentielle.

 

 

Relire également :

http://lanternediogene.canalblog.com/archives/2008/07/27/10051122.html

Publicité
Publicité
Commentaires
la lanterne de diogène
Publicité
la lanterne de diogène
Derniers commentaires
Archives
Visiteurs
Depuis la création 219 779
Newsletter
Publicité