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la lanterne de diogène
13 juin 2012

Politique française : le temps des magouilles.

Depuis dimanche soir, l'observation de la vie politique française est calamiteuse. Pas une demi-journée ne passe sans apprendre une position ambiguë, une lâcheté, un reniement, une invective ou une insulte directe, un croc-en-jambe, un baiser de Judas, une embrassade scandaleuse . Le plus fort, c'est qu'on s'étonne du taux d'abstention : 42,73 % ! Si l'on ajoute plus ou moins 1% de bulletins blancs, c'est, pour ainsi dire, un électeur sur deux qui ne s'est pas déplacé.

 

Une fois de plus, les partis politiques traditionnels sont obnubilés par l'extrême-droite qui dicte les règles du jeu politique, à défaut de dicter sa loi au pays. Il suffirait de refuser ce jeu-là mais non. Visiblement, c'est plus fort. Il doit s'agir d'une dépendance pathologique. On prend position par rapport à l'extrême-droite. Les uns pour jurer qu'ils sont contre, comme s'ils avaient besoin de le préciser. Est-ce à dire que leurs convictions sont à ce point fragiles ? Les autres pour condamner officiellement tout en souhaitant ramener les brebis égarées au bercail.

 

La droite s'en tire par une pirouette. Voilà à quoi l'on réduit le débat politique : une pirouette. ! Le « ni ni » est la négation de l'analyse politique en ce sens qu'elle reprend le signifiant des termes pour faire semblant d'y trouver une similitude. En clair, la droite prétend que le mot « front » relève des deux extrêmes qu'elle a beau jeu de renvoyer dos à dos. Ça pourrait être le constat d'un enfant qui s'éveillerait à la politique ou d'un étranger qui découvrirait l'éventail politique de la France. Comme ce n'est pas le cas, on en déduit que la droite recourt à l'amalgame pour discréditer tous ses adversaires. Ça serait risible si ce semblant d'analyse ne rencontrait pas un tel succès dans l'opinion publique et les médias. Risible parce que, depuis une bonne vingtaine d'années, le PS est de moins en moins social-démocrate. C'est devenu un parti de centre-gauche compatible avec l'ultralibéralisme imposé par l'Union Européenne. En disqualifiant de formations « d'extrême-gauche », les partis qui intègrent le Front de Gauche, elle renoue avec ses vieux démons consistant à provoquer la peur de la gauche traditionnelle. C'est le vieux cliché du bolchévik le couteau entre les dents, adapté à la sauce médiatique contemporaine. En même temps, ça permet d'ignorer la véritable extrême-gauche qui, il est vrai, ne fait pas grand chose pour montrer qu'elle existe et continue à se chamailler comme au bon vieux temps où contester était un luxe en période de prospérité.

http://lanternediogene.canalblog.com/archives/2007/02/27/4134862.html

(relire particulièrement le §Primaires à droite)

 

La gauche offre à nouveau le spectacle qu'on déteste : la voir se déchirer çà et là et incapable de régler ses litiges. Après la victoire à la présidentielle, le PS bombe le torse et entend faire savoir qu'il contrôle tout et fait ce qu'il lui plait. Mme Royal, jusque là élue et ré-élue dans sa circonscription à la satisfaction de tous a voulu se déplacer d'un cran pour se faire élire dans une ville un peu connue. Elle a choisi La Rochelle qui, sous les mandats de Michel Crépeau (Radical de Gauche), innovait en matière d'urbanisme et d'équipements publics qu'on ne qualifiait pas encore de « développement durable ». On l'a oublié pour ne penser qu'au port qui abrite l'université d'été du PS. Justement, le PS y est bien implanté et son élu n'a aucune raison de céder la place pour faciliter les ambitions de Mme Royal. Et là, tout le monde est emmerdé, même l'extrême-droite qui ne sait pas qui il vaut mieux favoriser. Au lieu d'être ré-élue tranquillement, parmi les siens, elle a voulu jouer les filles de La Rochelle. Avait-elle en tête cette chanson de Serge Lama : « J'aime les ports de l'Atlantique et leur odeur de fin d'amour » ?

 

Le PS a d'autres raisons d'être détesté. Lorsque, dans son immense magnanimité, il a décidé de céder des circonscriptions gagnables à leur partenaire écologiste, il a, en fait, soutenu le candidat PS qui se présentait quand même et qui se retrouve au second tour. Voilà comment le PS envisage la loyauté. Ce n'est pas la première fois que ça arrive. En fait, chaque fois qu'il y a un accord électoral entre le PS et Les Verts. Sauf que, cette fois-ci, ça se sait (un peu) au niveau national.

 

Le cas Bayrou ne va pas redorer son blason non plus. Tout le monde attendait que le PS le ménage pour avoir pris position pour M. Hollande au second tour. Honnêtement, ce n'était pas possible mais l'image renvoyée est ternie et pour longtemps. À l'avenir, on ne manquera pas de le rappeler.

 

Concernant la gauche traditionnelle (qualifiée « d'extrême-gauche » par la droite), on ne peut que constater les dégâts. Le PCF, traditionnellement bien implanté devrait conserver des élus et former un groupe à l'Assemblée tandis que le PG en sera réduit à demander la charité auprès de ses partenaires. Quelle chute après la campagne de M. Mélenchon ! Quelle idée aussi, pour lui, d'abandonner sa circonscription d'origine pour porter le fer dans le Pas-de-Calais ! Tout ça pour répondre à la provocation de l'extrême-droite. Un dicton populaire conseille de ne pas dîner avec le diable même avec une longue cuillère. On comprend d'autant moins qu'il y avait déjà une candidate issue du Front de Gauche dans la fameuse circonscription d'Hénin-Beaumont (elle a fait 0,17%).

http://altermondyonne.canalblog.com/archives/2012/06/13/24489309.html

 

N'importe quelle personne, à peu près saine d'esprit n'aurait besoin que d'un seul de ces faits pour être dégoûté durablement de la politique. Or, ce n'est pas un mais plusieurs et tout le monde est englué là-dedans. La faute en incombe presque entièrement au mode d'élection qui, justement, favorise ce type de magouilles. Normalement, il favorise les compromis en poussant à passer des alliances. Seulement, quand ça atteint ce niveau, ce ne sont plus des alliances normales et saines en démocratie mais des calculs de bas étage, des discussions de marchands tapis, des bagarres de chiffonniers. Pas entièrement, donc, car les électeurs ont leur part de responsabilité aussi. En votant sempiternellement pour les mêmes deux formations et en se précipitant vers l'extrême-droite pour marquer leur mécontentement alors qu'il existe une large palette d'opinions – donc forcément une qui se rapproche de la sienne – ils ne font que pousser au vice et à ses magouilles qu'ils dénoncent par ailleurs. Sans doute faut-il y voir la propension des Français à toujours râler et se plaindre de tout et tout le temps. Ils entretiennent ce mécontentement qui les occupe et les exempt de réfléchir ou, tout simplement, de lire les programmes électoraux.

http://lanternediogene.canalblog.com/archives/2012/01/12/23226708.html

 

On peut lire ici ou là, des appels à se (re) mobiliser, à entreprendre une action de longue haleine, sur du long terme pour reconquérir l'électorat populaire, pour lui expliquer qu'il se trompe et comment il doit réagir la prochaine fois. Sottises ! Ça va faire trente ans (l'an prochain) qu'on nous dit ça. Déjà, personne n'aime s'entendre dire qu'il a tort, surtout si c'est vrai. Ensuite, depuis le temps qu'on explique aux gens que c'est pas bien de tomber dans l'extrême-droite et que ce sont de vrais méchants, qu'on leur chante, qu'on fait des films, qu'on édite des bouquins, qu'on organise des fêtes et, parfois des manifestations pour s'offusquer d'un dérapage un peu plus fort, s'ils n'ont pas compris, c'est qu'il y a autre chose. Donc, la solution pragmatique consiste à introduire une dose de proportionnelle dans les élections législatives. Ainsi, les principaux courants politiques seraient représentés à l'Assemblée Nationale et seraient forcés à une certaine tenue. Il est vrai que la droite qui, ne l'oublions pas, contrôle les médias et plus particulièrement les médias populaires qui se disent neutres (presse régionale, radios et télévisions généralistes), avaient violemment, comme à son habitude, critiqué la proportionnelle en 1986. Alors que c'était une promesse de Mitterrand, elle avait hurlé que la gauche changeait le mode d'élection la veille du scrutin (annonce faite deux ans avant !) pour se maintenir de crainte de les perdre. Comme la droite l'a emporté, elle a ensuite accusé la gauche d'avoir fait entrer l'extrême-droite à l'Assemblée Nationale pour la gêner. Pas facile de faire de la politique avec un clan d'une telle mauvaise foi. Cette fois, il semble que tout le monde soit plus ou moins d'accord. Pourtant, au moment de voter la loi, on peut parier que la droite s'y opposera afin de bien se démarquer de la majorité et ne pas paraître lui faciliter la tâche. Elle n'a, par ailleurs, aucune envie de voir des partis sur sa droite et sa gauche (le centre) siéger à ses côtés à l'Assemblée et partager son temps de parole.

 

On parle beaucoup, entre les deux tours, d'une réforme du mode de scrutin pour les législatives. C'est curieux puisque les prochaines n'auront lieu que dans cinq ans ; et pas cinq jours. Ça signifie qu'il y a une véritable demande. En d'autres circonstances, ça élèverait le débat politique mais avec toutes les magouilles, il en faudrait beaucoup plus. Une tendance se dégage pour qu'avec un nombre inchangé de députés (477), on réserve un collège d'élus à la proportionnelle voisin d'une vingtaine. Ça permettrait à tous les ténors d'obtenir un siège sans avoir à batailler dans une circonscription et risquer d'être battu parce qu'on a pris position contre la chasse à courre. D'un autre côté, il n'est pas sûr que l'un ou l'autre parti de pouvoir (PS et UMP) ait envie de ferrailler en permanence, dans l'hémicycle, contre l'un deux pendant cinq ans.

 

En fait, il conviendrait de proposer un système largement proportionnel mais corrigé afin de dégager des majorités. Après tout, ça fonctionne bien ailleurs et l'on n'est pas obligé d'avoir en France la République de Weimar ou les 3ième et 4ième Républiques. Ça signifierait l'abandon des circonscriptions du moins sous leur forme essentiellement locales actuelle. Peut-être que ça éviterait aux électeurs de penser que le député, c'est celui qu'on va trouver pour obtenir un logement ou une intervention pour réparer une injustice ? Ça permettrait aussi de réduire le nombre de députés, largement critiqué par le « café du commerce » en ligne, autrement dit l'Internet. Ça signifierait aussi que le Sénat prendrait le relais de la représentation locale et peut-être que le rôle du sénateur serait revalorisé.

 

Beaucoup de conditionnels alors qu'on s'achemine tout au plus vers une légère réforme si, toutefois, la droite et les médias ne l'empêchent pas. En effet, si au premier faux pas du Gouvernement, la droite reprend l'avantage et est assurée de revenir aux affaires dans cinq ans, elle discréditera toute réforme électorale.

 

Enfin, au moment d'écrire ces lignes, on assiste à la première gaffe du nouveau pouvoir, en place depuis quatre semaines seulement. Rien d'étonnant dans le climat de pagaille et chienlit politique actuelle qu'on assiste à un crêpage de chignons. Comme dans la vie normale, la légitime règle ses comptes avec son ancienne rivale et tente de l'éliminer définitivement. Quand on veut jouer sur tous les tableaux, il paraît logique qu'on perde au moins sur l'un d'eux, quitte à entrainer tout le reste dans sa perte. Après avoir vanté la normalité, on ne s'étonnera donc pas de voir la jalousie normale et ordinaire s'immiscer dans le débat politique et le perturber durablement. Au point où nous en sommes, il ne manquait plus que ça et la semaine précédant le second tour des législatives n'est pas encore finie.

 

On relira :

http://lanternediogene.canalblog.com/archives/2006/06/26/2177119.html

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