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la lanterne de diogène
21 décembre 2012

Vivement que la fin du monde soit terminée !

Vivement que la fin du monde soit finie !

 

Au moment où tu liras ces lignes, je ne serai peut-être plus là. La fin du monde est programmée pour ce jour ; du moins si j'ai bien compris. Donc, tu ne liras pas non plus ces lignes. Si vraiment le monde s'arrête, nous aurons tous autre chose à faire que d'allumer l'ordinateur et se connecter. Comme, forcément, on m'a demandé ce que je ferais, j'ai répondu que je me mettrais dehors et que je regarderais ce qui se passe. Comme je n'ai pas assisté au début du monde, j'aimerais bien voir comment ça va finir. J'ai un doute. Si vraiment ça finit ces jours-ci, rien ne l'indique. Le ciel ne s'assombrit pas. Les astronomes n'ont pas remarqué de pluie de météorites ou de comètes qui vont détruire la planète. Le climat se détériore progressivement mais rien n'indique une brutale évolution comme on pourrait s'attendre à voir.

 

La question n'est pas là. Chacun peut croire ce qu'il veut, peut reporter sa peur sur ce qu'il veut. Chacun peut développer les fantasmes qui lui conviennent. En revanche, il me semble qu'on ne prête pas assez attention à ces individus qui se sont regroupés dans les environs d'un village occitan dont on me permettra de n'avoir retenu ni le nom, ni la localisation même approximative. J'ai assez de soucis comme ça pour ne pas avoir accordé plus d'attention à ces billevesées. Il me semble avoir compris que les Mayas ont prédit la fin du monde ou la fin « d'un monde » pour ces jours-ci. En fait, il semblerait que leurs savants n'ont tout simplement pas jugé utile de pousser leurs calculs au-delà de l'année 2012 de notre ère. Quel intérêt pour eux ? Les Mayas avaient, semble-t-il, des capacités avancées dans les domaines scientifiques : mathématiques et astronomie, notamment. Pour le reste, rien n'indique qu'ils connaissaient notre beau pays qui ne s'appelait pas encore la France. On voit mal comment ils auraient pu situer un monticule épargné par la malédiction finale sur un autre continent dont ils ne connaissaient pas les contours. En revanche, ce mythe d'une hauteur sauvée du cataclysme et où auraient trouvé refuge quelques élus, rappelle le récit du déluge tel que raconté dans la Genèse de la Bible. Ceux qui ont étudié les anciennes civilisations, prétendent que ce récit en reprend d'autres. Il semble donc qu'il y ait eu un véritable déluge dans des temps très anciens. Chacun l'a raconté à sa sauce, selon sa finalité et a essayé de lui donner un sens. Grossièrement résumée, l'histoire de Noé commence par une introduction dans laquelle Dieu constate que l'humanité était devenue tellement mauvaise qu'il avait préféré y mettre un terme et noyer le tout. Cependant, comme il lui fallait montrer sa miséricorde, il a décidé d'épargner un juste, Noé, en lui ordonnant de sauver un couple de chaque espèce d'animaux afin de recommencer.

 

En effet, ça a recommencé ! On retiendra surtout que l'humanité est devenue encore pire. J'ai coutume de dire qu'il y a 5000 ans, les humains avaient une excuse quand ils se comportaient mal mais, maintenant, nous savons tous ce qui est bien et mal. Nous savons tous que la guerre est mauvaise, que la violence faite à autrui est mauvaise et qu'il faut, au contraire, tâcher d'aider ceux qui ont besoin parce que c'est bien. La vie quotidienne nous montre qu'il en est tout autrement. Sans doute, ce constat inspire-t-il des envies de fin du monde. Elles reviennent de temps en temps. Au passage, j'en profite pour rappeler que ce qui correspond à l'Europe n'a jamais eu peur de l'an mil, pour la bonne raison que presque personne ne savait en quelle année on se trouvait.

 

Les clairvoyants qui ont choisi de gagner le village occitan épargné par la malédiction finale posent d'autres questions. D'abord, si l'on croit que le monde (ou ce monde) va s'arrêter, pourquoi vouloir continuer ? Qu'est-ce qui peut bien passer par la tête de ces gens-là pour vouloir, à tout prix, échapper au châtiment ? Oh, ils ne sont pas les seuls. D'autres, depuis longtemps, ont construit des abris anti-atomiques où ils savent pouvoir attendre, terrés comme des rats gavés, des jours meilleurs. C'est bien ça qui caractérise toute cette racaille: ils sont persuadés qu'après la destruction totale, viendront des temps apaisés et ils veulent avoir le privilège de les vivre. Dans le même ordre d'idée, on ajoutera ceux qui font congeler leurs cadavres en espérant qu'un jour, on les décongèlera quand on aura trouvé le gène de l'éternité. Pourquoi vouloir survivre à tout prix ? Pourquoi vouloir survivre quand tout autour aurait péri ? Quelle pathologie, quel dérèglement mental frappe ces personnes, au point de vouloir survivre ? La littérature, le cinéma, regorgent d'histoires de fiction où un groupe, voire une seule personne, survit dans un monde dévasté. Nombre d'enfants imaginent une catastrophe et fabulent sur le fait qu'ils seraient les seuls survivants. Selon les personnalités, ils se voient tout nus vivant en parfaite harmonie avec ce qui reste de la nature. C'est le fantasme de la vie sans contrainte sociale et sans autre loi que les besoins naturels. D'autres, imaginent comment, avec ce qu'ils récupéreraient ici ou là, ils se façonneraient des armures et des armes pour se défendre contre une nature hostile. En général, en grandissant, on oublie ses enfantillages mais l'on peut penser que, selon l'option imaginée en ces années tendres, on deviendra un adulte porté sur tel ou tel autre modèle de vie.

 

Quant aux autres, ceux demeurés dans leurs mythes enfantins, ils développeront un intérêt certain pour l'irrationnel, les rumeurs, les complots. Ils expliqueront l'échec relatif de leurs vies par une volonté sournoise et secrète de leur nuire ou de nuire à leur groupe. Ils en rendront responsables un ensemble généralement minoritaire qui, selon eux, domine le monde sans en avoir l'air. Par bonheur, eux sont assez intelligents pour, sinon déjouer les complots, au moins les révéler. D'autres seront fascinés par tout ce qui est souterrain et obscur. Ils imaginent des mondes parallèles, des civilisations cachées, des êtres venus du cosmos, des animaux, voire des humains spéciaux qui ont la faculté de communiquer avec ces êtres occultes. Ils nourrissent un secret espoir de compter parmi les très rares à avoir eu raison et à être reconnus par ces êtres supérieurs et, pour le moment, invisibles du commun des mortels. Eux, ambitionnent d'acquérir l'immortalité. Pourquoi faire ?

 

Dans son excellent roman, « L'île mystérieuse », Jules Verne imagine des naufragés sur une île perdue. Après avoir fait le point de leur situation, ils se reprennent. C'est l'instinct de survie, augmenté par la supériorité de l'homme qui se doit de dominer la nature. Nous sommes au 19ième siècle, il faut le rappeler. L'un des naufragés – celui qui est présenté comme le plus grossier (mais pas idiot) – refuse de se considérer comme tel et se présente comme un colon, un pionnier. Il encourage les autres à se mettre au travail et il annonce qu'une fois sortis de l'ile, ils reviendront construire une ville, un port, des chemins de fer, des fermes, des usines. D'ailleurs, ils décident d'offrir cette île à l'Union, persuadés de leur bon droit et de leur mission suprême. Un des premiers actes des naufragés consistera à exterminer les orangs-outans qui leur font concurrence, à l'exception d'un seul qui les rejoindra. Belle mentalité mais c'est celle du 19ième siècle ! Tout comme on remarquera que le naufragé chimiste résoudra tous les problèmes qui se posent au groupe par ses connaissances. Nous sommes en plein positivisme : ordre et progrès ! La nature fournit la base mais elle n'est rien sans la science de l'Homme qui la transforme à son profit. Est-ce cela que veulent ceux qui se réfugient dans le Languedoc pour survivre à l'humanité ?

 

L'Histoire de l'Homme est bien l'histoire des catastrophes qu'il a déclenchées et des malheurs qu'il a semés pour les autres vivants et pour lui-même. Car enfin, l'Homme, animal de toute évidence plus évolué que les autres, a eu a sa disposition tout ce dont il avait besoin. Il l'a utilisé d'abord pour se protéger mais tout ce qui a été en contact avec l'Homme en a pâti. L'Homme a domestiqué les animaux. Il les a fait travailler à sa place pour les tâches les plus dures. Pour les encourager, il les a frappés, insultés. Il les a élevés pour les manger plutôt que de chasser ou de cultiver des plantes. Les animaux n'ont pas demandé à être domestiqués ni à finir dans les gamelles de leurs protecteurs.

La nature fournit des matériaux, de l'énergie, tout. Ce n'est encore pas assez. Il faut l'exploiter jusqu'à ce qu'il n'en reste plus et par tous les moyens. L'air est vicié, l'eau est imbuvable. Il faut la traiter. Et c'est cette humanité-là qu'il faudrait préserver ? Ceux qui ambitionnent de survivre veulent continuer dans cette voie ? Ils trouvent que l'humanité est à ce point une réussite pour vouloir la préserver et la recommencer. Ah, peut-être que les êtres supérieurs avec lesquels ils pensent se retrouver leur suggèreront des comportements plus raisonnables et pacifiques ? Jules Verne nous a montré (sans le vouloir) qu'il n'en serait rien. Le monde après le déluge n'a pas été meilleur. Les livres qui viennent après la Genèse sont les récits des guerres, des tromperies, des spoliations, des turpitudes de l'humanité. Ils sont ponctués par les interventions d'hommes généreux qui tentent de faire entendre raison mais ils échouent tous lamentablement. Le monde se partage depuis entre ceux qui essaient de suivre les enseignements de ces généreux-là et les autres qui s'en fichent comme d'une guigne, qui manipulent, trahissent, convoitent, volent, exploitent tout et tous ceux qui tombent sous leur influence. L'Histoire de l'humanité, c'est l'histoire des guerres. D'autres pourront observer comment, partout où il est passé, l'Homme a exploité et épuisé ce que la nature lui apportait. En fait, c'est le moyen le plus simple trouvé par l'Homme pour marquer son passage sur Terre : détruire derrière lui pour qu'on se souvienne de lui. Dans les temps très anciens, les peuples nomades passaient leur temps à chercher de nouveaux pâturages pour leurs troupeaux. Une fois que les bêtes avaient englouti l'herbe et les plantes qui se trouvaient sous leurs langues, pas de problème : on allait un peu plus loin et on recommençait. C'est en partie l'origine des désert du Moyen-Orient et de l'Afrique du nord. Seulement, à l'époque, il y avait largement de la place pour tout le monde et pour aller vivre plus loin. Avec plus de 7 milliards d'humains, les choses deviennent beaucoup plus conflictuelles et beaucoup plus préoccupantes.

 

Malgré tout, il s'en trouve pour afficher un optimiste tout à fait irrationnel et d'autres pour vouloir survivre, coûte que coûte. Ces personnes qui annoncent la fin du monde ou « d'un monde », l'une serait en contact avec des extra-terrestres, l'autre avec des esprits, une autre encore avec je ne sais quelle force supérieure, ne me font pas rire. Ce ne sont pas des farfelus ni de doux illuminés. Ce sont bien des prétentieux et des arrogants. Ils se préoccupent de leur survie à eux. Ce sont des égoïstes qui veulent survivre à tous les autres, qui pensent que leurs personnes sont les seules dignes de survivre à la malédiction finale. Ce qui est insupportable, n'est pas de finir mais d'être séparé de ceux qu'on aime. Il suffit de connaître des anciens pour s'en convaincre. Ce qui leur fait peur c'est que l'un d'entre eux va survivre et se retrouver seul ou, au moins vivre avec l'absence d'une personne aimée. Non, ces gens ne sont pas sympathiques. Et tiens, si le monde finit dans quelques heures, d'abord, j'aimerais assister au phénomène et m'en mettre plein les yeux et plein les oreilles une dernière fois. Ensuite, je ne voudrais pas en réchapper afin de ne pas risquer de côtoyer, un jour, ces gens-là.

 

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Commentaires
M
Bonne fin du monde à toutes et à tous :)))
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