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la lanterne de diogène
19 juillet 2013

les thénardier

Depuis le 12 juillet, date à laquelle nous découvrions la catastrophe ferroviaire de Brétigny, nous avons eu droit à un festival de propos en tous genres et sur les sujets les plus divers.

http://lanternediogene.canalblog.com/archives/2013/07/13/27639693.html

Nous nous sommes exprimés sur l'aspect ferroviaire proprement dit en indiquant que, quelles qu'en soient les causes, les réactions qu'elle engendrent témoignent d'une dégradation du transport par train et de la fin du respect quasi religieux que suscitait le train, même dans la années de tout-automobile où l'on envisageait même la fin de ce transport et la transformation des plateformes ferroviaires en chaussées autoroutières.

Seulement, alors que nous étions occupés entre l'émotion et l'incompréhension, un mélodrame se jouait en marge de la catastrophe. On se doutait, dès le lendemain matin, en lisant les démentis embarrassés des ministres et élus, qu'il s'était passé quelque chose mais qu'on ne voulait pas l'ébruiter. Rien de tel que des démentis maladroits pour alimenter la rumeur. C'est bien ce qui est arrivé.

http://www.franceinfo.fr/faits-divers/les-invites-de-france-info/bretigny-sur-orge-le-ministre-des-transports-dement-des-pillages-1066281-2013-07

Le syndicat de policiers Alliance racontait que, profitant de la catastrophe, des charognards étaient venus dépouiller les victimes de leurs smartphones et que les secours avaient été agressés et leurs véhicules « caillassés ». Aussitôt, à ces rumeurs relayées par la presse et par des politiques, les réseaux sociaux ont répondu qu'il s'agissait de propos mensongers. À la surenchère dans l'horreur qu'on voulait susciter dans l'opinion publique, s'est agrégée une autre surenchère de la part des bien pensants.

Pour les premiers, les secours ont dû se frayer un chemin sous les « caillassages » en règle puis ont eu toutes les peines du monde à approcher les victimes prises en charge par d'autres qui les dépouillaient. Les forces de l'ordre, pourtant déployées en nombre, n'arrivaient pas à contenir ces hordes barbares. On comprend que ça la fiche mal et que les officiels tentent de démentir cette version des faits. Les seconds, eux, ont amplifié cette rumeur, qui n'en avait pourtant pas besoin, pour accomplir sa sinistre malfaisance.

Cependant, il fallait bien cela pour pouvoir justifier l'injustifiable. Non, il n'y a rien eu. Libération rapporte les témoignages de secouristes qui ont effectué leur tâche sans autre problème que l'accident lui-même dont on parle peu.

http://www.liberation.fr/societe/2013/07/13/bretigny-les-sauveteurs-n-ont-vu-ni-pillage-ni-caillassage_918084

En titre : « les sauveteurs n'ont vu ni pillage, ni caillassage ». Mieux : « Nos équipiers n’ont rencontré aucun problème avec des badauds. Il n’y a pas eu d’agressions, nous avons travaillé de façon tout à fait normale ».

On comprend qu'ils étaient sans doute occupés à leur tâche pour regarder autour d'eux. Le meilleur reste à venir : « Il y a eu quelques jets de projectiles, mais pas de caillassage. Dans un événement complètement déconnecté, plus tard, un jeune a tenté de voler. Il a été interpellé». Les bien- pensants triomphent : vous voyez bien qu'il ne s'est rien passé. D'ailleurs, il n'y a que la presse de droite, les politiciens de droite et les syndicats de policiers de droite qui ont propagé cette information.

Ça, c'est un monument de désinformation où alors, il n'y en a jamais. Car enfin, dire «  quelques jets de projectiles, mais pas de caillassage », c'est bien reconnaître qu'on a lancé des objets avec intention de nuire. Tout est dans le choix des mots : des « projectiles » mais pas des cailloux, donc. Et puis, ce n'était pas contre des secours mais contre des pompiers. Il y a longtemps qu'on ne mentionne plus les attaques contre les pompiers qui vont intervenir. Broutilles !

Il n'y a pas eu pillage non plus mais « un jeune a tenté de voler et a été interpellé». Il ne pillait donc pas. Ouf ! Nous voici rassurés : il ne faisait que voler.

http://www.leparisien.fr/faits-divers/bretigny-quatre-interpellations-apres-le-vol-du-portable-d-un-secouriste-14-07-2013-2981959.php

Le Parisien fait état de quatre interpellations. À l'heure qu'il est, il est difficile d'affirmer quoi que ce soit sur le nombre. Pendant ce temps, les réseaux sociaux continuent de se déchainer. C'est une manipulation odieuse. Les jeunes de banlieue sont encore une fois stigmatisés alors qu'ils ne demandent qu'à être considérés. Les jeunes présents sur place voulaient rendre service et aider les secours ainsi qu'ils le font spontanément d'habitude. C'est une honte de s'en prendre à ces jeunes si méritants et de profiter du drame des victimes et de leurs familles. Une perle citée telle quelle : « C'est une occupation estivale du gouvernement, pour noyer le poisson...euh le mouton. Bientôt on apprendra qu'il y a eu des tirs de balles sur les victimes par quelqu'islamiste ». Eh oui, en fait, ce gouvernement incapable a provoqué cet accident, laissé des rumeurs se propager, a stigmatisé de jeunes musulmans (car les réseaux suggèrent que les jeunes en question étaient musulmans) pour faire oublier son incapacité à régler les problèmes du moment. Il fallait y penser.

Essonne Info a voulu siffler la fin de la partie en rapportant, pour flatter son lectorat, que les Brétignolais ont été remarquables. Les uns ont offert spontanément d'aider les voyageurs bloqués dans leur belle ville. Les autres ont formé « une chaîne humaine, partie depuis le magasin Intermarché et apporté à la gare de l’eau et des vivres ». La situation était donc grave puisque la gare manquait d'eau.

http://essonneinfo.fr/91-essonne-info/47738/debordements-a-bretigny-ce-quil-sest-vraiment-passe/

De son côté, un photographe professionnel, présent sur place, indique que des pierres ont bien volé contre les pompiers. Il ne dit pas non plus qu'il y a eu caillassage (juste des pierres) et l'on est rassuré. Il confirme également l'entraide et la générosité des Brétignolais mais depuis la gare, étant donné l'important dispositif policier qui en interdisait l'accès. Il semble d'ailleurs que ce déploiement de policiers, peut-être disproportionné, en a énervé plus d'un, y compris chez les mieux disposés, surtout quand on ne peut pas rentrer chez soi. C'est peut-être cette présence policière qui a provoqué une friction, l'exaspération de certains policiers, fatigués d'être agressés, même lorsqu'ils portent secours, les réactions violentes face à la noria de véhicules portant des gyrophares, les uniformes.

Ce photographe pointe également qu'Essonne Info n'est pas un organe de presse. Et quand bien même ? La presse régionale, en France, est connue pour ses approximations, ses informations tronquées, ses arrangements avec la réalité pour complaire à un élu ou à une partie de la population. L'article met bien en avant le comportement exemplaire des Brétignolais. Saluons cette initiative pour apaiser les tensions au lieu de mettre de l'huile sur le feu.

Au point où nous en sommes, quelques éléments semblent acquis. Après la catastrophe ferroviaire, certaines personnes sur place, dans la gare, ont profité de la confusion qui devait régner à ce moment-là pour détrousser les victimes et les premiers secours parvenus. Un ou quatre d'entre eux ont pu être interpelés par les policiers qui avaient autre chose à faire, notamment, éloigner les badauds et établir un périmètre où les secours pourraient évoluer sans être gênés. Les pompiers ont été accueillis par une volée de projectiles en tout genre. Pour ne pas provoquer la colère de l'opinion publique, les officiels ont minimisé et démenti les propos des syndicalistes de la police. L'impression qui en ressortait laissait penser qu'on nous cachait la vérité. N'aurait-il pas été plus simple et plus juste de dire la vérité, en pesant bien les mots pour respecter les victimes et les secouristes ? Ce devrait être le boulot des services de communication du personnel politique. Au lieu de ça, comme chaque fois qu'on sent que la vérité est travestie, la rumeur s'amplifie et la désinformation y répond, avec les conséquences qu'on a pu observer et les délires des internautes.

« La vérité est révolutionnaire », disait Gramsci. Si toute la gauche est à l'image de nos bien-pensants des réseaux sociaux, on n'est pas près d'avoir une révolution et l'alternance tranquille des partis mous et libéralistes a de beaux jours devant elle.

http://sciencesetavenir.nouvelobs.com/decryptage/20130715.OBS9508/bretigny-qu-est-ce-qu-une-eclisse.html

http://www.itele.fr/france/video/bretigny-les-explications-de-michel-chevalet

Avec tout ça, on en oublie le déraillement. On nous explique qu'une éclisse s'est détachée et a bloqué l'aiguille, provoquant l'accident mortel. Or, l'aiguille avait été inspectée le 4 juillet, soit huit jours plus tôt. Où se trouvait l'éclisse ? A-t-elle échappé au regard exercé des inspecteurs ? Un boulon qui se desserre aurait échappé à la vigilance des professionnels. Les autres auraient suivi. Une fois détachée, l'éclisse aurait pris place dans l'aiguille, bloquant l'aiguillage du train et provoquant son déraillement. Comment une pièce dont on nous dit qu'elle pèse 10 kg a-t-elle pu sauter et se ficher dans la pièce d'aiguille pourtant située hors du mouvement naturel vers l'extérieur ? C'est ce que l'enquête devra établir. Avançons une hypothèse. On a vu, lors de rallies automobiles, des badauds déverser des litres d'huiles dans les virages pour le plaisir de voir les concurrents déraper sous leurs yeux. Pourrait-il en être de même ? Bien sûr, si c'est le cas, le fautif ne se fera pas connaître car le résultat a dépassé ses attentes. À l'heure où, dans les jeux vidéo, abondent les accidents en tout genre et où les personnages se relèvent, beaucoup, nourris à cette culture du virtuel, ne prennent pas la mesure de la réalité. C'est une hypothèse et ne nous hâtons pas de conclure. C'est pour ça qu'il est nécessaire que la lumière soit faite sur cette catastrophe ferroviaire. Déjà, le drame s'estompe et reste le mécontentement des usagers des transports ferroviaires et des amateurs de trains. Il ne faut pas que l'émotion l'emporte.

 

Le titre fait allusion au célèbre personnage des « Misérables » de Victor Hugo. Chronologiquement (pas dans l'économie du récit), il commence sa carrière sur le champ de bataille de Waterloo où il était soldat de l'Empire. Prétendant porter secours aux victimes, il les dépouillait. L'une d'elle croyant être sauvée par Thénardier lui fait cadeau de sa montre que l'autre lui avait déjà dérobée. Plus tard, il exploite Cosette alors qu'il réclame une pension toujours plus forte à sa mère, Fantine, forcée de se prostituer. C'est là que Jean Valjean le rencontre.

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