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la lanterne de diogène
26 juin 2016

BREXIT : les illusions perdues (2)

BREXIT 1

On ironise, depuis quelques heures sur les normes européennes, sur la courbure de la banane, le calibre des tomates, la capacité des chasses d'eau. On prétend faire rire avec des sujets aussi triviaux mais si la CE puis l'UE ne s'en préoccupait pas, ça ne serait pas satisfaisant non plus. Ce que veulent dire ceux qui ironisent, c'est que ça n'était pas ce qu'on attendait d'un union européenne. Or les élites veulent nous obliger à choisir entre plus d'Europe et moins d'Europe. Le choix n'est pas là. Ce dont veulent les Européens, c'est une autre Europe, une Europe plus unie, plus solidaire, une Europe où l'on puisse voyager et s'installer ailleurs plus facilement. Or, ça a mis beaucoup de temps ; surtout dans les faits. On aurait voulu une Europe où les règles seraient les mêmes pour tous. Or, à chaque fois qu'on a établi des règles, on a établi autant d'exemptions. Concrètement, on aurait voulu que les salaires soient comparables et surtout que la fiscalité soit unifiée. C'est tout le contraire. L'Acte unique de 1992 instaure une véritable concurrence entre les membres qui se traduit par un moins disant social généralisé. Dans les faits, on ne va pas dire, bien sûr, que c'est le moins disant social qui est la règle mais on va parler de « réformes ». c'est à dire, autant de démolitions de ce qui faisait la vie en Europe, et notamment en France, meilleure que partout ailleurs. Au lieu d'une coopération qui était dans l'esprit des fondateurs de l'Europe, les Adenauer, de Gasperi, Monnet, Schuman, Spaak, on a, présentement, une guerre commerciale entre les États qui s'efforcent de devenir des paradis fiscaux pour les entreprises étrangères afin qu'elles viennent concurrencer les entreprises locales. On appelle ça « la concurrence libre et non-faussée ». Certains pays jouent sur tous les tableaux en n'exonérant les entreprises d'impôts et de taxes et en réclament des aides au développement à l'UE. L'affaire des « travailleurs détachés » incite à embaucher à l'extérieur et à priver les États membres de rentrées fiscales tout en augmentant le chômage localement.

On aurait voulu une harmonisation de la fiscalité et des lois or la Cour européenne des Droits humains donne systématiquement tort aux législations votées par les parlements nationaux élus démocratiquement. On pensait que l'euro allait faciliter les déplacements or, partout les prix ont augmenté et lorsqu'on retire de l'argent dans les pays de la zone euro, notre banque prélève une commission majorée. Les banques n'allaient pas perdre ce moyen de nous prélever du pognon. Concrètement, on croyait que… on croyait que tout irait mieux, que tout serait simplifié et, au jour le jour, face à n'importe quel cas concret, on s'aperçoit qu'il n'en est rien et que c'est parfois pire qu'avant. C'est cette Europe de la déception, des fausses joies qui a été rejetée chaque fois qu'un référendum a pu être organisé. Pour le dire autrement, c'est l'Europe du pipeau, du bobard, du mensonge qui est dénoncée et rejetée. C'est l'Europe qui nous impose une chose en prétendant le contraire. C'est l'Europe de la tromperie permanente. C'est l'Europe qui complique tout quand on attend la simplification.

Le vote britannique montre bien que la tromperie dure depuis des décennies puisque ce sont les plus vieux qui ont massivement voté pour le retrait pour l'avoir éprouvée depuis plus longtemps. Autrement dit, ils ont passé leur vie à maugréer et ronger leur frein. Autrement dit, ils n'ont jamais été entendu de toute leur vie. On peut penser qu'ils avaient tort de refuser l'ouverture à l'Europe mais c'était bien leur droit. Ils ont toujours été réticents envers le continent. C'est ancré dans l'inconscient et même le conscient collectif et individuel anglais. On comprend, dès lors, que les gouvernements qui se sont succédé ont toujours freiné leur intégration aux systèmes européens ; pour ne pas dire continentaux. Leur électorat était majoritairement contre tout ce qui était européen. Déjà qu'on ne les écoutait pas, si en plus on mettait du zèle à intégrer les instances européennes, on aurait eu des tensions autrement plus graves. Donc, on s'habituait à ce que la GB ne soit pas un membre tout à fait comme les autres.

La tromperie majeure aura porté sur le projet. Au départ, même si le Traité de Rome portait en lui les germes de ce qui se passe, les intentions étaient clairement d'organiser la coopération de nations européennes pour pérenniser la paix sur le vieux continent. Ça passait par l'harmonisation des législation, l'unification des standards, des normes etc. ça a plutôt bien fonctionné et c'était perfectible. Pouvoir vendre des tomates italiennes aux Pays-Bas et acheter des tomates hollandaises en Italie était une stupidité induite et facilitée par la CEE mais corrigible avec un peu de bon sens. Pourtant, c'est le contraire qui s'est imposé et à partir de 1993, c'est devenu la règle absolue : concurrence libre et non faussée mais forcée ! Quand on espérait, à la fin des années 1990, dans une Europe à 15, que la présence de 14 gouvernements sociaux-démocrates permettrait, enfin, d'harmoniser la fiscalité (tant pour les citoyens que pour les entreprises) et qu'on a vu, au contraire, le renforcement de la concurrence entre États, on a compris que l'UE ne servirait à rien de bon. On a eu encore un espoir avec l'euro mais quand on a vu que les prix augmentaient mais pas les revenus, on a compris que l'UE, appelée souvent « l'Europe », c'était mauvais et seulement mauvais. La règle d'or, autrement dit le déficit du budget d'un État limité à 3 % n'est que la marque de la défaite du politique devant la finance ; autrement dit la défaite de la souveraineté populaire (donc de la démocratie) devant les puissances de l'argent. Mépris de la souveraineté populaire quand, en 2005, les Français ont rejet le TCE. On n'en finit pas d'en observer les conséquences. Elles sont rappelées à tout bout de champ. Comment croire en la politique quand elle sert, à ce point, à tromper le peuple soi-disant souverain ! Et sur le fond, tout dans le projet de Traité Constitutionnel était en trompe-l’œil. Les articles, le plus souvent, attrayants et dignes d'approbation – comme tout ce qui provient de l'UE – étaient infirmés dans les annexes. Parfois, dans le même article, on pouvait lire une chose et son contraire. Dès lors, on pouvait, au moins, espérer que le rejet par le peuple souverain obligerait à revoir la copie. Nenni ! Un tour de passe-passe et le TCE est devenu « Traité de Lisbonne » sur lequel aucun des peuples souverains, membres de l'UE n'a eu à se prononcer. Comment croire encore en la politique quand tout n'est que fourberies ! Et quand on dit que « l’Europe, c'est la paix », on a l’exemple même d’une vessie qu’on nous fait prendre pour une lanterne. L’UE n’a pas amené la paix mais c'est la paix qui a permis la reconstruction. Tout est comme ça : tromperie et dévoiement. Dans ces conditions l'Europe ne peut pas faire rêver. à partir du moment où une nation essentiellement marchande, comme la Grande-Bretagne, l'intégrait, le rêve s'estompait. On ne fait pas rêver avec des taux de croissance, la circulation des marchandises et le chômage de masse qui n'était pas prévu mais qui empoisonne tout.

 

Nous vivons le temps des désillusions. L’ultra-libéralisme a réussi ce prodige de nous faire détester ce que nous avons construit et adoré parce qu’il l’a détourné au seul profit d’une poignée d’intérêts particuliers. La construction européenne, la Communauté Européenne, était un projet magnifique et généreux. Il a été dévoyé avec cette foutaise qu’a été « l’Acte unique » débouchant sur l’Union Européenne et plus sur la Communauté. Le changement n’était pas anodin mais nous y croyions encore. L’UE, telle qu’elle est devenue nous fait détester nos voisins européens, nous fait détester la social-démocratie et craindre la solidarité.

J'ai la nostalgie de l’Europe qui se reconstruisait sur de bonnes bases avec 6 pays désormais liés, avec le Conseil de l’Europe qui veillait sur la démocratie et les droits de la personne, le Marché Commun qui limait les frontières pour les marchandises, l’Eurovision qui permettait à tous les Européens de regarder la même chose en même temps, des trains qui arrivaient à l’heure et qui ne cherchaient pas à concurrencer les autres sur leurs propres réseaux. Aujourd’hui, la « concurrence libre et non-faussée » impose des droits de retransmission qui privent nombre d'Européens d'images, notamment, de matches tandis que l’Eurovision est devenue le spectacle le plus ringard de la planète, belle métaphore de l’état de l’UE.

Le temps de l'Eurovision

 

24 heures après la proclamation officielle du rejet par le peuple britannique souverain, on apprend qu'une pétition a réuni 1, 2 voire 3 millions de signatures pour réclamer un nouveau référendum. Quand j'écrivais, hier, que d'ici à la démission effective du Gouvernement Cameron, on aura trouvé la martingale qui permettra de passer outre le résultat du référendum. Ça n'a pas tardé. Comme aurait dit Robert Lamoureux : « le lendemain matin, le canard était toujours vivant ».

Et tu vas voir : on invoquera la souveraineté du peuple exprimée par cette pétition pour infirmer le résultat du référendum qui exprime la volonté du peuple…d'ailleurs, tous les plateaux organisés pour commenter le Brexit ont réuni les partisans du maintien venus pleurnicher afin de bien nous y préparer. Les vainqueurs sont priés d'avoir le triomphe discret en attendant qu'on nous dise qu'en réalité, ils ont perdu. C'est ça « l'Europe ».

http://www.metronews.fr/info/video-brexit-pres-de-trois-millions-de-britanniques-reclament-un-nouveau-referendum-dans-une-petition/mpfy!t9DTAkmeeEbds/

http://www.setal.net/Brexit-La-petition-pour-un-nouveau-referendum-atteint-2-millions-de-signatures_a47821.html

http://www.boursier.com/actualites/reuters/brexit-fort-soutien-a-une-petition-en-faveur-d-un-nouveau-vote-191583.html

http://www.lavoixdunord.fr/france-monde/brexit-plus-d-un-million-de-britanniques-signent-une-ia0b0n3593622

 

 

Brexit - The-Sun-FR-494x630

http://www.ouest-france.fr/europe/brexit/brexit-les-premieres-reactions-dans-les-medias-europeens-4322551

http://www.huffingtonpost.fr/2016/06/24/victoire-brexit-presse-britannique-unes-ue-royaume-uni_n_10652422.html

http://www.lexpress.fr/actualite/monde/europe/en-images-we-re-out-see-eu-later-les-unes-historiques-sur-le-brexit_1805668.html

http://www.latribune.fr/economie/union-europeenne/le-brexit-une-defaite-de-l-ue-telle-qu-elle-est-581866.html

 

juste un addenda destiné aux Français, aux cuistres qui se piquent de faire des jeux de mots en anglais. Généralement, seuls des Français peuvent les comprendre d'ailleurs, puisqu'ils ne marchent qu'en raison de leur mauvaise prononciation. La une du Sun (exemple parfait du torchon) propose un vrai jeu de mots : « See E U [U E en anglais] later » fait allusion à la formule « See you later » simplifiée en « C U later ». Bof, je sais bien que les cuistres ne visitent pas La Lanterne de Diogène...

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