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la lanterne de diogène
17 juillet 2016

L'Euro 2016 : du football et d'autres sujets surtout !

Rajouter une voix au brouhaha ambiant ne me paraît pas utile. Comme d'hab, La Lanterne de Diogène préfère prendre un peu de temps pour réagir, si nécessaire.

 

D'abord, une correction. Dans l'article précédent, ce ne sont pas 21 mais 31 fédérations qui ont fondé l'UEFA en 1954. Il faut juste préciser que le Royaume-Uni comporte 4 fédérations à lui tout seul mais que, au contraire du rugby, il existe une fédération d'Irlande du nord et une pour l'Eire. Ça explique en partie pourquoi le nombre de membres de l'UEFA ne correspond pas aux nombre d’États indépendants du continent. L'éclatement de l'Urss et de la Yougoslavie ainsi que quelques considérations géopolitiques expliquent la pléthore actuelle.

 

Toujours avec le regard de celui qui n'est pas passionné par le football mais qui prend plaisir à regarder des beaux matches, mon attention a été attirée par des faits qui n'ont pas l'heur de retenir l'attention des sites et blogs spécialisés. Ainsi, j'ai pu entendre beaucoup de gens se plaindre que les matches soient retransmis par des chaînes privées voire payantes. Encore aujourd'hui, beaucoup de gens ne comprennent pas pourquoi ce n'étaient pas les grandes chaînes nationales – dites de « service public » - qui retransmettaient les matches ; tous les matches. Ça montre bien que « les gens » sont attachés à un certain nombre de valeurs. En France, la notion de service public demeure ancrée dans l'inconscient collectif. Des générations se sont battues (au sens propre parfois) pour organiser des services et des services de qualité pour tous. On ne comprend pas pourquoi ce à quoi l'on s'était habitué n'existe plus ou n'existe plus sous la même forme. Et puis, les gens procèdent beaucoup par amalgame. Je suis, tu le sais, attentif au langage. On dit « l'administration ». Pour la plupart, l'administration est un tout puisque, finalement, c'est l’État qui chapeaute tout. Les plus au fait ajoutent que tout ça est payé avec « nos impôts ». C'est vrai et ça serait bien que tout le monde y pense en permanence au lieu de dire que ça va dans la poche de l’État pour entretenir Versailles et l’Élysée. On dit aussi beaucoup « la mairie ». Dans une commune, c'est souvent un grand bâtiment qui abrite plusieurs services et pas seulement municipaux. Peu importe. Pour le public, c'est « la mairie ». Le maire fait tout, peut tout. C'est parfois vrai quand il cumule avec un autre mandat plus puissant mais, peu importe, pour le public, on va le voir à « la mairie » et on lui donne du « Monsieur le Maire ». On a du mal à comprendre que les maires répondent de plus en plus : « ça, c'est pas moi, c'est du ressort de l'intercommunalité » ou d'autre chose. Les citoyens ont élu un maire pour qu'il fasse quelque chose pour eux, personnellement. Ils ne comprennent pas que le maire ne puisse plus grand-chose. Ils ne comprennent pas que le chef de l’État ne puisse plus grand-chose non plus. Ils ne comprennent pas que ceux qu'ils élisent ne puissent plus grand-chose et que rien ne change quand les élus changent. Déjà, il faudrait changer les élus et ne pas favoriser une alternance aussi tranquille que néfaste à la confiance en la démocratie.

 

Idem pour la télévision. Ils paient une redevance et ne comprennent pas que les chaînes financées par la redevance ne transmettent pas les grands événements. Ils entendent parler de « droits télévisés », de « droits de retransmission » mais sans vraiment savoir de quoi il retourne. Pour eux, Canal+, ça a été créé par Mitterrand. Mitterrand, c'est l’État. L’État a créé une chaîne privée pour ne pas augmenter la redevance. Donc, on paie pour voir plus de sport, plus de films. Normal. Ils ne comprennent pas qu'on ne voie plus les grands matches de football sur Canal+ et qu'il faille payer à côté pour les voir ailleurs. Pour dire ça simplement, ils ne comprennent pas ce qu'est « la concurrence libre et non-faussée ». Pour le téléphone, ils sont contents. Au début, c'était moins cher avec les opérateurs privés qui n'avaient pas dépensé d'argent pour construire le réseau. C'était tout bénéf. Le téléphone cellulaire est arrivé peu après. Déjà, ça a commencé à grincer mais le téléphone mobile répond à un tel besoin que rien n'est trop cher. De plus, les opérateurs ont su proposer des offres incomparables afin qu'on ne puisse pas faire jouer la concurrence. Donc, la concurrence c'est bien puisque pour le plus indispensable, le téléphone mobile, il y a plein d'offres et chacun y trouve son compte ; du moins le croit-on.

 

Pour la télévision, on comprend mal que, le football, par exemple, passe des chaînes nationales à Canal+, que tout le monde n'a pas, puis de Canal+ à une autre et en fait à plusieurs autres et maintenant à des opérateurs de téléphonie mobile. Le championnat national sur une chaîne, le championnat anglais ou italien sur une autre, les Coupes du Monde ou d'Europe sur encore une autre ou sur un smartphone, à condition d'avoir l'application ou l'abonnement. Au bout du compte, on ne voit plus, ou plus difficilement, les matches français. Au moins, quand c'est sur France Télévision, si c'est pas sur la 2, c'est sur la 3 ; mais les autres ? Les gens ne comprennent pas pourquoi c'est si compliqué, pourquoi ils paient et qu'ils ne voient pas les matches de l'équipe de France (payée par « nos impôts »), et pourquoi il y a autant de pub alors même qu'on nous annonce que la seconde coûte plus que ce qu'ils gagnent en un mois. Ils comprennent encore moins qu'une société gagne le droit de mettre ses caméras dans tous les stades d'une compétition et qu'ils revendent ensuite les images à toutes les chaînes qui sont intéressées. Intéressée, non pas pour faire plaisir aux gens mais pour vendre cher les secondes de publicité. Ça, les gens ont beau faire des efforts, ils ne comprennent pas cette logique. Dans le cas de l'Euro, pour eux, on est en France, les stades sont payés par « nos impôts », tout ce business, « c'est nous qui payons », et donc, comme on en paie assez (surtout à l’État, bah!), les chaînes de télévision de l’État devraient, selon cette logique, retransmettre les matches de l'Euro et si possible sans trop de pub. Ce malentendu, même si l'on n'arrive pas à l'exprimer avec des mots, tout le monde comprend bien qu'il est à l'origine du malaise que nous vivons. On s'étonne toujours que les Français soient, collectivement, plus pessimistes que les Afghans. Plutôt que de s'en gausser, plutôt que de faire parler les chroniqueurs (tiens oui les chroniqueurs qui occupent du temps sur Canal+ et sur la radio de l’État), on devrait plutôt s'interroger sur ce malentendu permanent et entretenu par les tenants de ce système qui repose en partie sur le mensonge et en partie sur l'appât du gain.

 

Il n'est pas vrai que « les gens » (les gens, c'est les autres), plébiscitent le capitalisme même renommé « ultralibéralisme » ou, plus simplement encore, « libéralisme » pour entretenir la confusion. Ce qu'il veulent, c'est ne pas payer trop d'impôts mais profiter quand même de services gratuits ou presque. Ce qu'ils veulent, c'est ne pas dépenser trop mais acheter quand même de bons produits. Alors, cette télévision qui ne sert qu'à vendre de la publicité pour que les téléspectateurs achètent encore plus avec le peu qu'ils ont, ils ne la comprennent pas et ils comprennent encore moins que les chaînes privées (quasiment toutes donc) ne transmettent des matches de l'équipe de France que pour vendre des secondes de publicité très chères, avant, après et pendant la mi-temps alors qu'eux, veulent juste voir un match pour le plaisir. Ils pensent pas à tout ça. Justement, ils ont assez de soucis, ils veulent pouvoir ne pas y penser de temps en temps et sans qu'on les culpabilise et sans qu'on les manipule.

 

En parlant de télévision, c'est elle qui régit tout. Sur les images, rien ne doit apparaître qui n'ait (verbe avoir comme il se doit) pas payé. Gros plan sur un joueur au sol. Il se tient la cheville. On voit ses souliers et ses bas. L'équipementier de son équipe a payé pour être « officiel », c'est à dire que dans le contrat est inclus la possibilité que sa marque soit vue à la télévision. Forcément, elle l'est puisque les joueurs sont vêtus. Pour les chaussures, chaque joueur, à ce niveau, est sous contrat avec un fabriquant de chaussures et dans le contrat, il est prévu que la marque est susceptible d’apparaître à la télévision. Ça répond à l'étonnement « des gens » qui se demandent pourquoi les footballeurs font autant de cinéma quand ils tombent. Dans les tribunes, hors de question qu'on voie une marque qui n'a pas payé. Les chaînes floutent les vêtements des spectateurs, sauf s'ils ont la bonne idée de s'habiller comme les joueurs. Tout ce qui passe à la télévision est estampillé d'une marque qui a payé.

 

euro-2016-logo

C'est la télévision qui règle tout et notamment le moment où les matches sont joués. Avant, on pouvait avoir facilement deux ou trois matches à la suite. On passait d'une chaîne à l'autre. Désormais, il y a un match par soirée, puisque c'est en soirée qu'il y a le plus de téléspectateurs pour voir les publicités, bien sûr. Ce qui fait que, lors des phases finales, il y a toujours une des deux équipes qui a eu une journée de plus pour récupérer. À moins d'une grosse différence de niveau, c'est toujours la plus reposée qui l'emporte la fois d'après. En d'autres termes, les Portugais qui se sont pas trop fatigués pendant le tournoi et qui ont eu une journée de récup en plus, étaient plus frais et ont tout fait pour imposer les prolongations aux Français qui venaient de jouer contre les champions du monde allemands deux jours plus tôt. Ils n'ont eu qu'à attendre qu'ils soient bien fatigués pour leur coller un but, impossible à remonter dans leur état. La glorieuse incertitude du sport est devenue la juteuse certitude de la télévision.

 

Il ne t'aura pas échappé non plus que les publicités sur les stades sont, désormais, en anglais, même pour les marques présentes en France. Télévision oblige. Visiblement, ça ne défrise personne. L'anglais est la langue du commerce, donc du capitalisme. Le capitalisme règne ne maître absolu sous toutes les latitudes. C'est un fait acquis. Donc, l'anglais s'impose à tous. Comme pour le reste, on n'entend pas ceux qui ne maîtrisent pas l'anglais protester contre leur exclusion de fait. On est résigné et depuis longtemps. Quand je dis que le sport-spectacle reflète bien la mentalité d'un pays.

La télévision est plus que jamais prescriptrice. On savait déjà qu'elle imposait la prononciation. Ainsi, le défenseur portugais Pepe s'entend appelé [paipe] alors que dans les langues latines, toutes les lettres se prononcent. C'est pas plus difficile de prononcer pépé mais, le snobisme journalistique impose paipe comme il imposait [courir] autrefois au lieu de Courier. Elle impose le vocabulaire et toujours dans un sens qui rappelle l'anglais, langue du commerce, ainsi que rappelé. Les supporteurs islandais ont innové avec leur battements de mains. Comme ça n'existe pas encore en France, on appelle ça « claping » plutôt que « claque » qui existe déjà. Idem pour « standing ovation » plutôt qu'ovation debout. Nous avons déjà remarqué, il y a quelques années, que « timing » remplace quantité de mots. Réduction du vocabulaire, réduction des outils et du matériau de la pensée, adoption d'un sabir à prétention mondiale, tout ça nous est imposé par la télévision. Elle nous impose aussi la pensée unique et ce qu'il convient de penser. Qu'on se souvienne de l'équipe des Verts de Saint-Étienne, vaincus lors de la finale par la faute de poteaux carrés sur lesquels les tirs stéphanois ont échoué. Il faudrait demander à Gignac, auteur d'un tir magnifique que la barre ronde a renvoyé, ce qu'il en pense.

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