Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
la lanterne de diogène
2 novembre 2018

Philippe Gildas, Coluche et d'autres

Nombreuses vues sur cet article et surtout le commentaire de Jérémy. Soyez-en tous remerciés. http://lanternediogene.canalblog.com/archives/2018/10/28/36821378.html

Il apparaît que Philippe Gildas a surtout marqué pour sa contribution fondamentale au lancement de Canal+ qui a révolutionné la télévision française. Pour reprendre une expression maintes fois employée : toujours imité mais jamais égalé.

Le Top 50 a marqué les jeunes générations de l’époque, ceux qui étaient ados et ceux qui étaient jeunes adultes. Encore une fois, c’est un peu le hasard et la nécessité (autre formule célèbre) qui a présidé à sa création : la démarche d’un journaliste rigoureux et d’un directeur consciencieux qui voulait disposer d’un outil pour mesurer la popularité de la production musicale de l’époque. Certes, on a eu droit à de la soupe mais comme l’a reconnu Jérémy, il y avait des pointures et les valeurs sures anglo-américaines et tout ce qui dépassait les frontières en général. Notons que, dans les fêtes d’aujourd’hui, les jeunes adultes puisent très souvent dans les tubes du Top 50, la musique qui va faire danser les invités alors même qu’il s’agit de la musique de leurs parents. On entend rarement la production actuelle ou la musique des années 1970. Cela dit, avouons que la musique de nos 20 ans paraît toujours la meilleure et c’est très bien ainsi.

Europe 1 a rendu hommage à son ancien animateur, journaliste, directeur, le dimanche qui a suivi l’annonce du décès de Philippe Gildas. À cette occasion, on s’est rappelé qu’il avait fait venir Coluche. Lui aussi a marqué la station et entre deux pitreries (pas toujours de bon goût) l’humoriste a eu l’idée des « Restos du Cœur » dont j’ai parfois bénéficié. On entendait les sanglots étranglés de Gildas à l’évocation de Coluche dont on rappelé le parcours d’enfant des rues, à peine lettré, à la forte personnalité qui l’a guidé vers le spectacle où il a rencontré l’immense Romain Bouteille (oublié au cours de l’émission mais ça n’était pas le propos non plus). Quand on pense aux excès, aux outrances de Coluche, on ne peut s’empêcher de penser à un autre, qui a mené une vie de bâton de chaise voire de débauche, dont l’immense fortune familiale finançait les festins, les beuveries, les orgies, l’obésité. Tout le contraire de Coluche, donc. Pourtant, les deux ont été touchés par quelque chose qui les a guidés vers un destin exceptionnel. Coluche, qui a rattrapé son enfance de vache maigre avec ses premiers cachets et adopté une bedaine dissimulée sous sa salopette, s’est consacré, fortune faite, à faire le bien avec ses fameux Restos du Cœur. L’autre s’était retiré dans le désert et vivait comme un « meskine » (~ pauvre), au dire de l’amenokal du Hoggar, devenu son ami. Que s’est-il passé ? Pourquoi ? Coluche fauché par un improbable camion. L’autre assassiné. Que s’est-il passé ? Que se serait-il passé ? Un homme entre les deux, un homme qui a connu l’un et qui a souvent séjourné dans l’ancien ermitage de Charles de Foucauld pour s’y recueillir et observer les étoiles. L’Abbé Pierre – car c’est lui – n’a sûrement pas converti Coluche à la défense des pauvres car il était déjà convaincu. Philippe Gildas racontait que, chez lui, dans une petite boite en fer, dans la cuisine, se trouvaient des billets de 500 f, soigneusement pliés, pour que ses amis dans le besoin puissent y puiser discrètement. Coluche n’a pas été transformé car il n’a jamais oublié d’où il venait mais quelque chose s’est passé.

coluche-abbé pierre

Philippe Gildas semblait inépuisable en évoquant Coluche. Alors, les éloges après sa mort sont méritées mais on découvre ou redécouvre que s’il a été le grand professionnel que tous reconnaissent, s’il a été l’animateur de Canal+ que tous appréciaient, c’est parce qu’il était d’abord un homme digne de ce nom.

 

France-Inter a rappelé son bref passage dans la station, pour une saison, peu avant l’éclatement de l’ORTF, pour préciser que c’était lui qui avait inventé la matinale telle qu’on la connaît partout. Avec le mépris que, sans doute, on cultive dans les écoles de journalisme, pour tout ce qui se faisait avant, Mme Barbat a indiqué qu’avant lui, il y avait un animateur qui racontait des blagues entre les informations. Elle ajoutait que, depuis, il y a un journaliste, un vrai, qui prend les rênes pour en faire une véritable session d’information. C’est sans doute le premier journaliste, effectivement, à qui l’on a confié la matinale mais, Yves Mourousi avait inventé ce qu’il appelait le « magazine », après l’édition de 13 heures, où il recevait des invités du monde de la culture et du reportage. Philippe Gildas a donc révolutionné la matinale mais il y a eu des animateurs après lui, dont Gérard Sire qui lui a succédé. Plus tard, Pierre Douglas, ancien journaliste, a aussi animé la matinale mais en tant qu’humoriste. Enfin, dans les années 1990, Patricia Martin a officié, en annonçant des disques et des nouvelles légères ou graves pour tempérer un peu la dureté des informations à l’heure de partir au boulot. Il y en a eu d’autres, sur France-Inter et non des moindres, comme Jacques Paugam. De son côté, Philippe Gildas est donc parti sur Europe 1 où il a fait les beaux jours de la station ou plutôt, les beaux matins et y a rencontré son épouse, la speakerine Maryse ; couple à l’antenne comme à la ville.

 

philippe-gildas 2

Reste que la mention de tous ces grands noms ne doit pas faire oublier que, au-delà des souvenirs personnels, cette évocation avait pour but d’attirer l’attention sur cette sale maladie, le cancer, qui emporte dans des souffrance atroces ceux que nous aimons.

 

https://culturebox.francetvinfo.fr/series-tv/reactions-au-deces-de-philippe-gildas-281207#xtor=EREC-15-[Quotidienne]-20181028-[actu]&pid=

https://www.pop-myworld.com/coluche/

 

Publicité
Publicité
Commentaires
J
Mes parents et moi vivions au début des années 70 dans un village voisin de Nice où était implanté un hangar Emmaüs. Nous habitions juste en face et avec mes camarades, nous connaissions bien les gars qui travaillaient là et qui nous refilaient des pièces pour nos vélos de cross improvisés, des solex démotorisés où l'on greffait des fourches de mobs, des VTT avant la lettre. Nous autres gamins sentions instinctivement que ces mecs avaient du vécu. Untel se targuait d'avoir "fait" la Légion, un autre d'avoir séjourné en taule. La seule consigne qui leur était faite était de ne pas être vus au bistrot, de ne pas rentrer ivres, sans quoi c'était le renvoi. Ils bossaient dur, se partageaient entre tri, retape, manutention et les camions qui sillonnaient la région pour aller chercher ce qu'on leur donnait à récupérer. <br /> <br /> Sur le parking, on voyait souvent des fourgonnettes d'antiquaires et des belles voitures. Un même buffet de cuisine qu'on qualifierait aujourd'hui de "vintage", vendu 20 francs chez les Compagnons après retape, je le retrouvais pour 60 balles chez un brocanteur de la ville ayant pignon sur rue où j'allais le samedi après-midi aider mon cousin, qui y faisait des extras, à étiqueter le mobilier. <br /> <br /> Emmaüs était déjà un presque snobisme à cette époque où on ne parlait que de crise pétrolière, où pour le reste régnait une douce insouciance... <br /> <br /> <br /> <br /> Je suis d'accord avec toi sur le fait que sans les associations et fondations caritatives que tu cites, il y a longtemps que les populos concernés auraient viré leur cuti. On le voit dans les pays émergents : trop d'inégalités conduisent au retour de bâton, quel que soit la forme que prend ce retour de bâton. Le système tel qu'il s'est établi depuis près de quarante ans et qui constitue le noyau politique de l'Europe ne tient que grâce à un chantage savamment orchestré - on a déjà échangé à ce propos par ailleurs. Mais c'est un équilibre fragile. A la violence symbolique répond inexorablement la violence de la rue. <br /> <br /> <br /> <br /> Et c'est vrai ce que tu écris, que les revendications, quand il en est d'exprimées, ne vont pas dans le sens d'une remise en cause de ce système. On ne réclame pas une Audi A8 pour tout le monde. On revendique le droit d'obtenir les moyens de se payer une Audi A8. On en est là pourquoi ? Les conditionnements bien sûr, les modèles assenés par le ciné, la télé, le web. J'ajouterais le sentiment pour beaucoup que le progrès un jour s'est arrêté de concerner tout un chacun, que l'ouvrier des années 70, habitant comme mes parents la cité que j'évoquais au début, il pouvait se dire qu'il allait progresser dans sa carrière pour devenir contremaître, passer de la Simca 1100 à la DS (pour garder la métaphore bagnolistique), rendre son appart' HLM pour acheter, faire construire, voir venir. On disait beaucoup à cette époque-là que les HLM étaient une étape, le tremplin vers le pavillon rêvé, avec son jardin. <br /> <br /> On avait l'espoir de progresser dans son travail et dans sa vie. Cet espoir, on l'a perdu. Depuis, l'impression s'est répandue - et c'est ce qui revient dans les textes des rappers - que naître au bas de l'échelle est une malédiction. Depuis, avec peu on vivote et l'on banque et l'on stagne. Avec un peu plus, on vit pas trop mal et l'on banque un peu plus et l'on stagne un peu moins. Avec plus encore, on vit bien, on s'arrange pour banquer un minimum et on fait fructifier. Avec beaucoup plus, on maîtrise sa vie à 100% et le pognon fait des petits. <br /> <br /> <br /> <br /> "C’est que chacun, même le plus exclu, espère se trouver du bon côté et se détacher de la masse de ceux qui ne bénéficient que médiocrement du système." écris-tu.si justement. Par soif de ce vivre mieux de ses efforts qui s'est perdu dans le maelstrom de précarisation qui l'a englouti et qui rend vain, au final, tout effort laborieux, <br /> <br /> <br /> <br /> A côté des Restos et de leurs avatars historiques existent des épiceries dites solidaires qui remplissent en gros la même fonction et qui fournissent des vivres sur présentation d'un dossier suffisamment bien ficelé pour éviter les tricheries. Il existe aussi des boîtes qui récupèrent du mobilier, de l'électro-ménager, toutes sortes de biens de consommation qui sont revendus à prix abordable après avoir été retapés par des personnes sous contrat précaire. Genre, on fournit du travail et on permet aux pauvres et à tous publics intéressés de s'équiper à moindres frais. Dans les deux cas, on est encore dans les registres de l'associatif et de l'entreprise d'insertion, les contrats restent jetables, soumis aux aléas des aides gouvernementales et des subventions, les salaires sont symboliques. Les gens qui sont employés là réapprennent à se lever le matin (même s'ils ont l'habitude de se lever tôt, mais dans l'esprit du fonctionnaire de l'emploi et du bourgeois condescendant, les sans-travail se complaisent évidemment à faire la grasse matinée) mais ce n'est pas pour autant qu'ils verront leur vie s'améliorer, qu'ils pourront troquer leur logement mal chauffé contre un appart' sans souci, qu'ils pourront faire des projets, s'offrir des vacances, changer de voiture, bref ! remonter le courant. <br /> <br /> Ils sont les chevilles ouvrières et les bénéficiaires à la fois d'une économie de la pauvreté installée qui s'est établie parallèlement à ce qu'on appelle l'économie réelle. Ils sont les avatars des Chiffonniers d'Emmaüs et du Secours Pop'. Des vies entières s'écouleront de cette façon. On dira que c'est peut-être mieux que les trois huit, les cadences infernales, les chaînes de montages de nos parents. Mais on n'avance plus. On n'évolue plus. On s'enkyste dans ces petites vies souvent solitaires ou qui finissent par déboucher sur la solitude. <br /> <br /> <br /> <br /> La pauvreté et la misère font désormais partie du paysage quand elles résultaient il y a quarante, cinquante ans, de "mauvaises habitudes", de "mauvaises fréquentations", de paresse, d'alcoolisme, de "mauvaise volonté". Comme si on méritait alors d'être pauvre, quand le simple manutentionnaire, l'ouvrier de base pouvaient gravir les échelons et au bout de quelques années de sueur, s'installer à leur compte et se dire, c'est à mon travail que je le dois. <br /> <br /> <br /> <br /> Tu comprends Diogène, je ne critique pas le caritatif, c'est le charity-business qui me gêne. Qu'on puisse se servir des Restos pour assurer sa promo quand on gagne déjà des centaines de milliers d'euros rien qu'en participant à une émission de télé. Qui'on se serve de la mémoire de l'abbé pour faire du business sur le dos des pauvres gens. Qu'on ne s'en serve pas pour revendiquer l'annexion d'appartements et de locaux vides pour y abriter des sans-logis. Comme toi, je déplore que le populo prenne le système qui l'étouffe pour argent comptant. Qu'il réclame sa part de ce que ce système apporte à de mieux lotis. Je comprends qu'un jeune puisse rêver d'une Audi A8 et d'un meilleur destin que d'être renvoyé de bureau en bureau pour gratter du sous-emploi merdique. Je comprends aussi qu'on puisse préfèrer crever la dalle dans son trou plutôt qu'aller demander des boîtes de conserves et des pâtes, passer des hivers à se peler plutôt que courir les AS pour obtenir de quoi douiller ses factures EDF/Engie. <br /> <br /> <br /> <br /> J'ai 58 balais et je vois un pays que j'ai connu allant de l'avant se déliter, s'enliser, régresser, s'autodétruire, je vois mes semblables se payer de mots quand leurs parents, nos parents et grands-parents, étaient capables d'envahir les rues à la première rumeur de loi scélérate. J'ai vu de mes yeux des revendeurs de drogue se faire dérouiller, froc baissé, à coups de ceinture par des pères de famille, et qui n'y revenaient plus. J'ai vu des petits chefs d'usine qui la ramenaient un peu trop se faire coincer dans un coin d'atelier et revenir le lendemain à des sentiments plus conviviaux. <br /> <br /> <br /> <br /> Mais ça, c'est du passé. Le présent faut faire avec. On n'a plus Gildas, on a Hanouna. On n'a plus Coluche, on a Bigard. On n'a plus l'abbé pour dénoncer la pauvreté et tenter d'y remédier, on a Macron pour l'éradiquer.
Répondre
L
L’Abbé Pierre et Coluche étaient des hommes intègres et même, simplement, des hommes.<br /> <br /> Leurs actions dévoyées ? Certes mais pas par ceux qui leur ont succédé mais par le système qui repose en partie sur eux. A plusieurs reprises, j’ai indiqué, à la suite de personnalités autrement plus influentes que moi, que le système dont on nous dit qu’il est, sinon le meilleur, le seul possible, ne tient que parce qu’il existe un SAV (service après-vente) sous-traité par des œuvres charitables. Sans L’Armée du Salut, Emmaüs, les Secours Catholique et Populaire, la Croix-Rouge, la Mie de Pain, Action contre la faim, les Restos du Cœur, le Samu social et tant d’autres, il serait criant et évident que ce système ne fonctionne pas. J’ajoute à cette liste, toutes les initiatives locales, toutes les associations, toutes les paroisses catholiques, protestantes, musulmanes qui organisent, à l’occasion, des distributions de soupe. Le système qui produit tant de loisirs, de confort, a réactivé les soupes populaires d’antan. <br /> <br /> <br /> <br /> En 1984, des gens comme Clara Candiani, l’Abbé Pierre, sont sortis de leur retraite devant la remontée de la pauvreté. Spectacle affolant, surréaliste, qu’offraient ces vieillards appelant à la solidarité en attendant que les pouvoirs publics prennent la mesure du scandale. On parlait, à ce moment-là, des « nouveaux pauvres ». Étudiant à Paris, à l’époque, des camarades me faisaient remarquer qu’il y avait de plus en plus de clochards dans les rues. On ne dit plus « clochard » qui renvoie davantage à un choix de vie car il était évident que ces gens-là, allongés sur les trottoirs et les quais du métro n’avaient pas choisi. Martin Hirsh a fait ce qu’il a pu car on ne gère plus les Compagnons d’Emmaüs comme le faisait l’Abbé Pierre. Lui, n’est pas mort dans des circonstances étonnantes mais on lui a cloué le bec en le piégeant à propos d’un livre introuvable en librairies.<br /> <br /> <br /> <br /> Le résultat est bien le dévoiement dénoncé par Jérémy. Il y a vingt ans (pardon d’évoquer un souvenir perso), avec mon amie de l’époque, nous sommes allés chez Emmaüs et j’étais outré de voir, sur le parking, de grosses berlines allemandes et suédoises. Elle m’avait alors reproché mon indignation en me faisant remarquer que je n’étais pas non plus nécessiteux (à l’époque). Toujours ce raisonnement, malheureusement répandu, consistant à tout niveler. Certes, nous non plus n’étions pas indigents mais nous n’avions pas les moyens d’acheter et d’entretenir une grosse berline. D’ailleurs, elle y allait pour trouver un vélo… <br /> <br /> En d’autres termes, les dépôts d’Emmaüs étaient surtout fréquentés par les radins et les snobs, toute honte bue : ah, très cher(e), savez-vous ce que j’ai déniché chez Emmaüs ? J’ai eu ça pour pas cher et ça fait bien, hein ? Aux dernières nouvelles, c’est toujours le cas. Ce qui a de la valeur est vendu au prix des antiquaires mais c’est avec ça qu’on peut payer le foncier, les bâtiments, le fonctionnement ; hors de prix de nos jours. Le reste demeure à la portée de tous mais il faut une voiture car les dépôts sont en dehors des villes, voire en pleine cambrousse. <br /> <br /> <br /> <br /> Ayant émargé aux Restos du Cœur, je me souviens qu’une vieille bénévole (d’ailleurs ils sont presque tous vieux ou invalides) m’avait dit : « Il vaut mieux ça que des émeutes de la faim ». Donc, on cache la poussière sous le tapis. Dévoyés aussi les Restos quand on voit certaines voitures qui attendent devant, quand on sait que certains revendent à plus pauvres. Dévoyés aussi quand on voit l’attitude de certains bénéficiaires qui réclament leur dû et d’autres qui rejettent les produits quand ils ne sont pas d’une marque connue et d’autres encore qui vérifient la date, suspectant qu’on veut les abuser. Les pouvoirs publics, surtout localement, font tout pour faciliter l’existence des Restos du Cœur et autres points de distribution des associations, sachant que ça permet de continuer sans se poser trop de questions et sans trop augmenter le budget de l’aide sociale. On ferme les yeux sur les dévoiements pour acheter la paix sociale. On veut pas stigmatiser (comme on dit dans ces cas-là) ceux qui trafiquent les dons et la marchandise achetée par les associations pour les plus nécessiteux qui se font tout petits et ferment leur gueule en attendant leur tour.<br /> <br /> <br /> <br /> Les décideurs sont pris entre deux feux. D’une part, ils s’offusquent devant ces gens qui se complaisent, selon eux, dans l’assistanat et votent la réduction des budgets aux œuvres charitables, au niveau européen puisque la politique qu’ils défendent est la meilleure possible et offre à chacun la possibilité de gagner sa vie confortablement comme chacun sait. D’autre part, le nombre croissant ou stable dans les meilleurs des cas du nombre d’indigents, nouveaux pauvres, sans-abris – quel que soit le nom qu’on leur donne – infirme leurs convictions et, pour éviter une remise en cause dont ils sont incapables, ils font tout pour qu’il n’y ait pas d’émeute. D’ailleurs, quand émeutes il y a, ce n’est pas pour réclamer un changement de société mais une meilleure intégration dans cette société profondément inégalitaire. C’est que chacun, même le plus exclu, espère se trouver du bon côté et se détacher de la masse de ceux qui ne bénéficient que médiocrement du système. On en est toujours là.
Répondre
J
Pas envie de commenter à propos du cancer, Diogène. J'ai perdu cet été une amie très chère qui était atteinte de leucémie. En parler impliquerait d'approfondir sur certaines pratiques d'une "médecine de proximité" conduite dans un de ces hôpitaux de seconde zone qui tiennent du dispensaire de brousse, ce qui m'amènerait à tenir des propos violents à l'encontre de blouses blanches qui ne dépareraient pas dans un camp de concentration, et d'une prétendue "médecin traitant" absente du début à la fin de cette épreuve. L'amie était tout en élégance et en retenue. En sa mémoire, j'adhèrerai à cette retenue. <br /> <br /> <br /> <br /> Coluche, l'abbé Pierre, les Restos. Coluche qui avait le chic pour mettre le doigt où ça faisait mal, en ces années-fric qui préfiguraient nos années de plomb. Qui n'épargnait pas la politicaille de l'époque. Dont on a pu penser ce que beaucoup ont pensé lors de son accident, comme ce fut le cas pour Daniel Balavoine et pour quelques autres décès suspects autour de la nébuleuse mitterrandienne. On ne parlait pas alors de complotisme mais la défiance à l'endroit des pouvoirs était déjà bel et bien présente dans l'esprit des gens. <br /> <br /> <br /> <br /> Ce qui m'a toujours gêné avec l'abbé Pierre, en bon mécréant que je suis, c'est que l'abbé faisait partie - de par une vocation et une foi que j'estime on ne peut plus respectable, là n'est pas la question - d'une Eglise qui prône la charité et la compassion et qui dispose d'une masse de capitaux à rendre envieux les plus prospères de ces marchands de vent que sont les télévangélistes américains - lesquels se réclament, comme l'historique maison mère, du Nazaréen, de sa vie, de son oeuvre et des supposés miracles dont il serait l'auteur. Un dixième des capitaux détenus par l'Eglise catholique romaine (confiés, on le sait, sous Jean-Paul II, à certains cartels mafieux aux fins d'investissements douteux), suffirait largement à couvrir les besoins des pauvres et des affamés de tout l'Occident. Dont les ouailles du vénérable abbé qu'on n'a jamais trop entendu dénoncer la distance hyperluminique entre ces pauvres qu'il avait choisi d'aider et les fastes du Vatican et de ses prélatures. <br /> <br /> <br /> <br /> Sa voix éraillée était entendue dans les antichambres des pouvoirs, sans pour autant être écoutée. Elle continue à résonner au-delà de sa mort en tant que symbole consensuel de charité et de présence auprès des plus mal barrés... Disons entre fin octobre de chaque année et le sacre annuel de miss France qui ouvre le bal frelaté des fêtes de fin damnée. Quant à l'oeuvre de sa vie, ses fameux Chiffonniers, c'est un énarque qui l'a présidée un temps avant d'être appelé à une mission qui n'avait rien d'évangélique par un individu qui, en son genre, pouvait être qualifié de prélat de ce qu'est devenue notre république, avant que l'exhumation d'une succession de magouilles ne l'évince du peloton de tête des prétendants à la fonction de monarque de ladite république. Pour le profane, j'ai nommé successivement Martin Hirsch, réformateur du RMI, et un certain François Fillon. <br /> <br /> <br /> <br /> L'abbé Pierre et son vibrant discours de l'hiver 54. L'abbé Pierre et ses Chiffonniers, recueillis dans la rue parmi ce que l'on dénommait alors les clochards, pour être nourris et logés contre un boulot de récupe et de retape de vieux mobiliers et appareils électro-ménagers revendus pas cher dans de vastes hangars de banlieue, de ferraille revendue aux professionnels après avoir été dûment triée, de fripe elle aussi triée et revendue. ( https://lexpansion.lexpress.fr/actualite-economique/emmaus_483751.html ) On pouvait s'habiller, se meubler, s'équiper, trouver à lire pour presque rien quand on n'avait pas trop de sous et qu'on avait un hangar Emmaüs à proximité. Quant aux Chiffonniers, ils avaient retrouvé un rôle social, une dignité et un salaire. <br /> <br /> <br /> <br /> C'était avant. <br /> <br /> Quand la pauvreté était encore un phénomène épars reliquat de la Seconde guerre mondiale, la marge une frange étroite de la Société qui s'étendait entre bidonvilles et cités d'urgence, prolétariat d'immigration exploité et sous-payé et clochardisation d'accidentés de la vie, d'asilaires comme on appelait alors les gens atteints de troubles mentaux. <br /> <br /> Avant les années 80/90 et la crise économique perpétuelle, le chômage de masse régulé par l'insertion en marche forcée sous contrats précaires, l'explosion des loyers, le retour des taudis, du mal-logement ... phénomènes nés de l'immersion dans le système libéral, bref ! le grand et merveilleux projet européen dont nous ne tarderions pas à prendre la mesure des régressions et des infâmies auxquelles il conduirait notre société qui, jusque-là, tenait à peu près bien la route ( https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-01216417/file/C29biblio%20-%20copie%204.pdf ). <br /> <br /> <br /> <br /> Il se trouva des mauvaises langues pour insinuer que la création des Restos du Coeur était téléguidée par le pouvoir en place qui, sentant venir le vent des émeutes de la faim, téléguida cette initiative dont Coluche, personnage consensuel proche dudit pouvoir, serait en quelque sorte l'ambassadeur. Foin des mauvaises langues, on ne peut nier la bonne volonté de Coluche, qui comme tu l'écris Diogène, n'avait pas oublié d'où il venait. Le fait est que cette initiative marqua son époque et que Canal, pour y revenir, en assura une promotion efficace, au travers notamment de Nulle Part Ailleurs et de ses animateurs, dont le regretté Philippe Gildas. <br /> <br /> <br /> <br /> Où en est-on aujourd'hui ? <br /> <br /> <br /> <br /> Emmaüs, oeuvre dévoyée, salie, imprégnée de ce charity-business imprégné de bons sentiments où le pauvre n'est qu'un alibi ( http://www.europe1.fr/emissions/l-invite-actu/emmaus-le-business-de-la-misere-1355806 ), empêtrée dans les procès, accusée d'exploiter ses Compagnons et de cantonner les migrants dans des stalags ( http://www.cip-idf.org/article.php3?id_article=8354 et https://www.20minutes.fr/societe/2237723-20180314-nord-pourquoi-urssaf-reclame-82000-euros-communaute-emma-cambrai ), Emmaüs où le vieil abbé est une accroche-marketing et l'esprit des débuts une image de marque où les principaux concernés ne se retrouvent plus. <br /> <br /> Et les Restos, prévus pour être provisoires et qui se sont installés dans la durée, Restos coincés entre âpretés du terrain (où les besoins non seulement sont persistants mais s'étendent aux petits retraités, aux travailleurs pauvres, aux étudiants et aux jeunes) et conflits de salons entre institutions vivantes du show-biz qui se servent des Restos pour assurer leur promo en contestant le leadership de l'une ou de l'autre. <br /> <br /> <br /> <br /> Comme disait l'autre, il y a loin de la coupe aux lèvres.
Répondre
la lanterne de diogène
Publicité
la lanterne de diogène
Derniers commentaires
Archives
Visiteurs
Depuis la création 219 721
Newsletter
Publicité