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la lanterne de diogène
9 février 2019

Victoires pour rien !

Extraordinaire pays ! La cérémonie censée honorer la chanson française, Les Victoires de la musique, vient de récompenser la seule chanteuse en lice qui ne chante pas en français. Son tube du moment est en anglais…

Aucun autre pays ne fait ça. Ailleurs, quand on organise une festivité de dimension nationale (et pas internationale donc), on promeut les artistes locaux. Imagine-t-on, dans le même ordre d’idée, une fest-noz, proposant du cor des Alpes ou des polyphonies corses ?

 

EDITH-PIAF

Il y a une trentaine d’années, des amis espagnols me disaient leur déception après s’être rendus au Centre culturel français de leur région pour assister à un spectacle de chanson française. Cette année-là, on avait programmé des groupes de raï. Bien sûr, les amis étaient impatients de découvrir le nouveau Brel ou Brassens ou Piaf ou même Hardy et ils avaient devant eux des jeunes qui chantaient en arabe. Bien sûr, ils n’étaient pas contre et trouvaient que le groupe n’était pas mal mais ce n’est pas ce qu’ils recherchaient sous le vocable de « chanson française ». Il n’y a qu’en France que la politique culturelle promeut des expressions étrangères. Ailleurs, on est bien conscient que, sans un coup de pouce, les artistes locaux ont peu de chance de se faire connaître face à la surpuissance et à la domination du monde anglo-américain. On ne s’étonnera pas que les représentations françaises à l’étranger ne soient plus aussi fréquentées quand les autorités découragent les meilleures volontés francophiles. On ne s’étonnera pas non plus que les jeunes qui ont la possibilité d’étudier se détournent de la France, surtout quand elle multiplie les obstacles pour les jeunes francophiles, impatients de découvrir ce pays qui les fait rêver avant de s’en retourner essayer d’adapter le modèle français chez eux. Restons dans le domaine économique pour y trouver une des explications aux difficultés qu’ont les Français à exporter. Il est bien évident que si, à l’étranger, il n’y a pas d’interlocuteur francophone ou francophile, la partie est perdue d’avance face à l’agressivité des commerciaux anglophones.

 

La France vient encore de tirer contre son camp en favorisant l’élection, à la tête de l’OIF (la Francophonie), de l’ancienne ministre rwandaise, connue pour son hostilité à la France et dont le Président vient d’adhérer au Commonwealth et de décréter l’anglais comme langue officielle de son pays. Tout est lié. L’erreur des économistes français formatés est de penser que la culture, la langue, sont des accessoires secondaires et que seules les lois du commerce comptent. À part les besoins indispensables (et encore), l’achat est avant tout émotionnel et, dans l’émotion, la langue et la culture occupent la plus grande place.

Francophonie et conscience

Revenons à la chanson puisque Victoires il y a. Peu avant, je suis allé voir le film « Mélancolie ouvrière » de Gérard Mordillat, en sa présence. Des questions dans le public tournaient autour de la place des chansons dans ce film et, personnellement, j’y ai trouvé une ressemblance – qui a eu l’heur de lui plaire – avec le film « Riz amer ». Dans ce film de Giuseppe De Santis de 1949, les ouvrières des rizières italiennes chantent leur travail en train de s’effectuer ainsi que leurs revendications.

Tout chose comparable, on se souvient que, dans les années 1960 et 1970, il y avait en France et un partout dans le monde, des chanteurs qu’on disait « engagés », qui chantaient des chansons dites « à texte » dans lesquels on dénonçait une situation d’injustice et où l’on proposait, parfois, une voie à suivre pour y remédier. Pascale Clark préférait le terme anglais de « protest songs ». Ces chansons prônaient, au moins, l’indignation pour reprendre l’expression devenue célèbre de Stéphane Hessel. Or, depuis plus de trente ans, ce créneau est vide. Les chanteurs engagés de ces années-là sont soit morts soit âgés. Surtout, ils ne sont plus invités sur les plateaux de télévision. Avec deux ou trois chaînes, il y avait quand même deux ou trois émissions de variétés par semaine et une tous les jours à midi et demi. Il n’était pas rare que ces chanteurs s’y produisent. Leur public fustigeait volontiers les variétoches d’un système qu’ils abhorraient mais force est de constater que les producteurs de l’époque invitaient également (pas aussi souvent qu’on l’aurait voulu bien sûr), ces chanteurs pas commerciaux du tout mais qui drainaient un public fidèle. De nos jours, il n’y a rien. « Il n’y plus rien ! Il n’y a plus, plus rien ! » comme chantait le grand Léo.

 

Pire, on qualifie de « chanteurs engagés » quelques chanteurs sans voix, qui s’égosillent parfois, qui évoluent dans la mièvrerie mais qu’on retrouve, de temps en temps dans les fêtes d’associations régionales ou en soutien à une cause quelconque, souvent parce qu’ils sont les fils d’un couple de militants locaux. Rien de bien méchant : que des portes ouvertes enfoncées mais surtout rien qui ne fasse réfléchir et encore moins menacer le système. On n’est même plus au niveau du sketch des Inconnus des années 1990 où ils se moquaient d’un chanteur prétendument engagé, qui osait dénoncer, prendre le risque de dire quelque chose de très fort : « Ce qui me révolte le plus, c’est l’injustice dans le monde ! ».

https://www.youtube.com/watch?v=0HXLPY6hwSc

Dans les manifestations d’aujourd’hui, on ne chante plus pour accompagner les luttes. On serait bien en peine, d’ailleurs, de trouver une chanson. La sono passe les vieux succès d’autrefois comme les « Foulards rouges » de Michel Fugain (ki cé çuilà?) avec, quand même « On lâche rien » d’HK. Pas de quoi faire trembler le système.

https://www.youtube.com/watch?v=stpu0ilP0hg

 

Alors, dans ces Victoires où l’on attend, comme les amis espagnols, la Piaf ou le Brel d’aujourd’hui, on récompense une chanteuse (dont le talent n’est pas en cause) qui s’exprime en anglais et on lui déroule le tapis rouge. Quant aux autres, il y a peu de chance qu’un ou plusieurs réalisateurs leur consacrent un film, un jour, ni même un livre ou simplement un recueil de leurs textes.

 

 

 

L’an dernier, c’était un autre pastis mais c’était déjà une chanteuse qui chante en anglais quand on entend ce qu’elle dit.

Victoires, pleurnicheries, pensée unique.

 

On relira : Serge Utgé-Royo la voix de la conscience

 

extraits de la chanson de Léo Ferré « À une chanteuse morte » :

« T’avais un nom d’oiseau et tu chantais comme cent
Comme cent dix mille oiseaux qu’auraient la gorge en sang (…)

Les auteurs de la merde, il faut que ça mange aussi
Toi, tu t’es débrouillée pour passer au travers (…)

On t’a pas remplacée, bien qu’on ait mis l’ paquet
Le pognon et ton ombre, ils peuvent pas s’expliquer (…) »

https://www.youtube.com/watch?v=0HVwIgEPYXQ

 

 photo :

https://www.welt.de/kultur/literarischewelt/article114955179/Sie-sang-sich-aus-dem-Puff-in-Frankreichs-Herz.html

 

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Commentaires
L
Je retiens : <br /> <br /> <br /> <br /> « C'est drôle comme tout est devenu possible dans ce pays. Sur le registre du pire. »<br /> <br /> <br /> <br /> <br /> <br /> Coluche ne disait-il pas : « Il suffirait que les gens ne l’achètent pas pour que ça se vende pas. Vous êtes pas raisonnables, non plus. »
Répondre
J
Ainsi donc, voilà Lalanne Francis candidat à la députation européenne, histoire sans doute de préparer sa petite retraite. Au cas où il décrocherait le poste, dont on sait qu'il est juteux. <br /> <br /> Apprenant pareille nouvelle, je me coucherai moins idiot ce soir. <br /> <br /> Accessoirement, le voilà devenu commandant de Gendarmerie, noble corps constitué qui compte parmi ses réservistes un poète à deux balles et un chasseur de soucoupes volantes. Les Gilets Jaunes n'ont qu'à bien se tenir. Quand ils auront épuisé les éléments d'active et qu'ils en seront à convoquer les réservistes, nos révolutionnaires trouveront à qui parler ! <br /> <br /> Au fait, avec ou sans la coupe réglementaire, le commandant Lalanne ?<br /> <br /> Quelle est la prochaine étape ? Il va entrer au séminaire ? Faire le tour de France ? Défier Dettinger sur un ring ? Intégrer les gardes suisses ? Se proposer pour un vol habité vers Titan ? Sortir un disque de reprises des Compagnons de la Chanson en duo avec Sting ? Décrochera-t-il un portefeuille ministériel au prochain remaniement ? <br /> <br /> <br /> <br /> C'est drôle comme tout est devenu possible dans ce pays. Sur le registre du pire.<br /> <br /> <br /> <br /> Blague à part, s'il n'y avait pas des abrutis pour acheter les "produits culturels" que pondent les gugusses de cet acabit, et il y en une tripotée dans le show-biz français, ceux-ci seraient bien forcés de mener la vie de tout un chacun, dans un anonymat dont nous n'aurions qu'à nous féliciter. Je trouve incompréhensible que d'aucuns puissent reconnaître quelque talent à Lalanne Francis, Barbelivien Didier, Panini Florent, Naz, BenBabar, Christophe Maqué, Geignard Lenorman, Louane, Céline Fion, etc.......<br /> <br /> <br /> <br /> Mais c'est mon affaire....<br /> <br /> <br /> <br /> Hier, un type a eu la main arrachée à Paris lors d'une manif. Toute sa vie, ce mec se traînera un moignon. La fois précédente, c'est un gars qui s'est fait exploser un œil. La liste des victimes collatérales de cette guerre civile qui ne dit pas son nom commence à sacrément s'allonger. La violence est en train de s'installer partout dans le pays. Des bagnoles crament, des commerces sont dévastés, des députés macroniens voient leurs permanences démolies, leurs baraques murées, du fumier est déversé, des menaces de mort sont proférées, dans les rues de Paris les gars y vont au corps à corps avec les CRS. C'est un western qui est en train de se jouer dans notre pays qui si longtemps a été un modèle de douceur de vivre. Mais quand tu allumes ta radio, ta télé, c'est lisse et tranquillou, ça pulse de pubes et des divagations ordinaires des chronicailleur(se)s en charge de fourguer leur daube. Il y a seulement six mois, si on nous avait dit que le sang coulerait dans les rues de notre pays à la manière dont il coule dans les potentats d'Amérique du Sud, on aurait parlé de mauvaise fiction et zappé illico. <br /> <br /> <br /> <br /> Les urnes démocratiques sont devenues la boîte de Pandore... <br /> <br /> ...et l'autre, il est devenu gendarme....
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L
Pourvu que Francis Lalane ne lise pas ton dernier §, Jérémy !<br /> <br /> Bof, ce n’est que partie remise. Après son échec aux Européennes, il sortira un disque à l’automne sur son « expérience ».<br /> <br /> <br /> <br /> Quand même, j’apprends que ce mec qui était objecteur de conscience mais qui veut se racheter en intégrant la réserve de la gendarmerie à son age se voit gratifié du grade de commandant alors qu’il n’a jamais porté les armes.<br /> <br /> <br /> <br /> Je voudrais pas servir, même dans le cadre de la réserve, sous ses ordres et, surtout, je voudrais pas me trouver face à l’escadron de gendarmerie qu’il commanderait. Là encore, si ça se passait en Guinée Équatoriale ou au Paraguay, ça ferait rire tout le monde mais ça se passe en France…
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J
S'il n'y a plus de chansons engagées, c'est peut-être qu'on s'est rendu compte que ça ne servait à rien de dénoncer ce dont tout un chacun savait que cela ne tournait pas rond, et je doute qu'aucun de ces textes, si bien écrit, si revendicatif soit-il, ait jamais empêché quelque ploutocrate de naguère de dormir sur ses deux oreilles . <br /> <br /> C'est aussi que ces textes misaient pour beaucoup sur des lendemains chantants qui se sont avérés aussi improbables qu'un atterrissage d'OVNI sur la place de la Concorde. <br /> <br /> La Révolution c'est comme les OVNIs. On en parle beaucoup, on en voit rarement la couleur. Et quand elle se pointe pour de bon, la Révolution, pas besoin de la chanter. Ou alors après coup. Le nez dans le guidon, on a autre chose à faire. <br /> <br /> <br /> <br /> Les Victoires de la musique, j'en ai vaguement lu le palmarès sur la mainstream de Google. Autant parcourir un traité de physique quantique rédigé en moldovalaque. Ma télé ressemble à une miniature de Soulages, je l'allume rarement, ce qui s'y passe le soir m'est aussi étranger que le répertoire de Louane. Je t'avoue, Diogène, ma mauvaise foi. J'ai une autre idée de la musique que ce qu'on en présente depuis trois lustres sous l'appellation "chanson française". Ainsi en est-il des vieux croûtons. J'en suis resté à Léo avec quelques échappées du côté de IAM des débuts. En matière de chansons à textes plus contemporaines, j'ai apprécié Renaud et Lavilliers du temps où ils n'exploitaient pas un vieux fonds de commerce besogneux comme n'importe quel Cabrel ou Le Forestier. J'ai lâché Véronique Sanson quand le groove, chez elle, a cédé la place aux pleurnicheries sur un éternel amour déçu. Le Grand Jacques et Brassens sont des hors-série, atemporels. Piaf fait partie de mes phobies les plus enracinées avec son clone raté Mireille Mathieu. <br /> <br /> <br /> <br /> Ici aussi, les vieilles scies de Fugain assurent le fond sonore des manifs processionnaires. Les "Foulard rouges", ça date du Big Bazar, disons autour de 72. Avant les révélations sur les goulags, les milices, les arrestations arbitraires, la surveillance en continu des dissidents, leur persécution, la torture, les Vopos, les centres de rééducation, les prolétaires entassés dans des alignements de barres à la périphérie des villes au-delà du Rideau de Fer - comparables à celles de ce que furent nos banlieues rouges, aux barres des quartiers Nord de Marseille. Avant "La nostalgie n'est plus ce qu'elle était", de Signoret. Avant la fameuse tournée de Renaud en URSS, dont il est revenu totalement démonté. Le lit était creusé pour que s'installe, quelques années plus tard, la peste ultra-libérale, les banquiers, les lobbyistes et les mafieux en costard Ralph Lauren succédant aux apparatchiks médaillés comme des bêtes de comice, l'assemblée de Bruxelles remplaçant haut la main la Diet Suprême et les énièmes congrès du Parti. <br /> <br /> <br /> <br /> Demain, peut-être, une voix encore à ce jour inconnue chantera les mains arrachées, les yeux crevés, les luttes au corps à corps sur les boulevards parisiens, entre CRS et révolutionnaires en chasuble réfléchissante. Cette voix parlera à ceux qui sont encore aujourd'hui des mômes, des blindés d'une République en totale décomposition sillonnant les boulevards d'une capitale où la veille d'un certain samedi de février, un petit cénacle de frimeurs surpayés célébrait l'idée qu'ils se faisaient de la musique entre deux tunnels de spots publicitaires. Cette voix citera des noms bidons d'artistes bidons depuis longtemps oubliés. Des produits culturels d'un pays devenu inculte, que peut-être cette voix appellera "Idiocratie", en référence à un nanard américain sorti en 2005, un mauvais téléfilm dont le scénario était cependant ô combien prophétique...
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