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la lanterne de diogène
16 octobre 2019

De la banalisation des tragédies humaines et de l'annihilation de l'empathie (par Jérémy)

Le fait que rien ne veut plus rien dire de ce qui naguère était - et non se voulait - signifiant, qu'on ne compte en tant que personne qu'à hauteur de sa capacité à "produire des richesses", à contribuer à en produire. Rien ne veut plus rien dire alors même que, paradoxe ! l'obsession de la communication nous conduit à baigner dans les mots, fussent-ils expurgés de sens, ce qui importe étant de dire, sans se poser la question de savoir à qui, ni même si cela aura quelque effet, le fait de dire et d'inviter à dire procurant l'illusion de communiquer entre bipèdes appartenant à un semblant de société.
Comme nous vivons désormais dans l'immédiateté, l'illusion est fugace mais on n'a pas le temps d'y réfléchir sachant que dans la minute qui suit on sera passé à autre chose, entraînés, conditionnés que nous sommes à intégrer ce flux où le verbe, au sens du dire signifiant, n'est que phonèmes s'entrechoquant.

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Pour exemple, la pseudo-arrestation d'un criminel en fuite sur la base de vagues présomptions. On va gloser autour d'un non-évènement et convier des spécialistes à s'exprimer sur ce non-évènement. La logique, et policière et judiciaire, voudrait que l'on attende d'être certain de ce que l'on avance avant de communiquer aux media, qu'il soit démontré par des biais d'identification irrévocables que la personne interpellée est bien l'individu recherché.
Mais l'info est devenue un produit, il s'agit pour les media de se vendre, de vendre et de faire vendre, de capter dans ce sens l'attention du public, de sorte qu'il s'attarde devant les écrans vendeurs, passifs comme interactifs, et que cela génère le quota d'audimat et de clics propre à contenter les annonceurs - les réseaux sociaux récoltant a posteriori les dividendes générés par le non-évènement.
Peu importe, au fond, ce qui s'est réellement passé. C'est le buzz qui compte et ce que génèrera le buzz en tant qu'audimat.

Dans un tel contexte, un suicide de flic marquera quelques esprits entre les commentaires du match de la veille et la baston du samedi, devenue ordinaire. Au bout de dix flics, on a pris l'habitude. Quarante-et-un flics plus loin, on ne se pose toujours pas les questions qui tuent (aux deux sens de l'expression dont tu me pardonneras, Diogène, la trivialité), peut-être parce qu'en tant que ressortissants blasés d'un pays depuis longtemps à la dérive, on sait pertinemment qu'aucune réponse concrète ne sera apportée à ces questions. Un ministre de l'Intérieur incompétent ? Dont on sait qu'il a eu des accointances avec le Milieu ? Quand on sait qu'en la matière il a eu des prédécesseurs, et pas des moindres ? Et que les raisons de cette succession de suicides ne sauraient s'arrêter à la personne d'un polytocard interchangeable ?

Un prof se suicide. Il y a vingt ans, ce n'est pas un millier de personnes qui seraient descendues dans la rue en hommage à une enseignante qui se serait donné la mort. Un tel évènement aurait provoqué une grève générale dans l'Enseignement, et des manifs auxquelles auraient pris part des collégiens, des lycéens, des étudiants, des parents d'élèves.

Dans un tout autre contexte, le suicide de Gabrielle Russier, en 1969, avait saisi d'horreur le pays tout entier, mobilisé nombre d'intellectuels et d'artistes (dont Charles Aznavour et le cinéaste André Cayatte) et il laisse le souvenir des silences émus du président de l'époque, Georges Pompidou, questionné par un journaliste à propos de cet évènement, et de sa magnifique citation d'un poème de Paul Eluard (https://fresques.ina.fr/reperes-mediterraneens/fiche-media/Repmed00284/le-president-pompidou-evoque-l-affaire-gabrielle-russier.html).

Que nous dit cet épisode, au regard de ce que nous traversons aujourd'hui, de la banalisation des tragédies humaines et de l'annihilation de l'empathie qu'a, au fil du temps, généré cette banalisation chez cette entité prise dans l'immédiateté et la précipitation qu'est devenue le public. C'est dans cette annihilation de l'empathie que se tient, aussi, le délitement de notre société. On va certes s'indigner de voir des manifestants éborgnés, mutilés, molestés, de dénombrer cinquante-et-un suicides de flics, d'apprendre que des profs mettent fin à leurs jours, que des employés se flinguent sous la pression de leurs managers, que des paysans étranglés par les dettes se pendent, que des centaines de sans-logis crèvent chaque hiver dans la rue, qu'il continue se trouver dans une société qui prétend être évoluée des gens pour en jeter d'autres à la rue, que des quartiers entiers soient placés sous la coulpe de gangs armés qui y font leur loi sans intervention des autorités, que des politiciens corrompus meurent sans avoir jamais été condamnés par une justice qui se montre moins clémente avec le père de famille divorcé qui a du mal à honorer ses obligations de pension alimentaire.
Autant de tragédies et de scandales qui, il n'y a pas si longtemps, auraient été vues comme inadmissibles par la majorité de nos semblables, et qui à ce jour font partie de l'ordre des choses. On va s'indigner quelques heures, quelques jours, jusqu'à la tragédie, jusqu'au scandale suivant, parce qu'il est de bon ton de s'indigner, parce qu'on estime devoir exprimer entre soi, en tant que personnes adultes et responsables, le reliquat de moralité que laisse subsister en nous ce flux continu d'images et de mots que nous laissons envahir nos existences...

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Commentaires
J
J'aime bien ton expression "compétition de victimes" : elle me rappelle Cioran qui, longtemps, s'est attardé sur ma table de chevet. <br /> <br /> <br /> <br /> Ce monde que tu décris à merveille est un gigantesque foutoir où bien et mal se confondent, où l'on sera tour à tour, au gré des épisodes de vie que l'on traverse, et prédateur et victime, et maître et valet, et mouche du coche et idiot utile, où le regard traqué du voyou en fait la proie du flic devenu l'ennemi public, où l'on se dit qu'on a moins, ou autant à craindre du gang qui traîne les rues à la tombée de la nuit que du contenu d'une voiture de patrouille ; où celui qui tient la porte à une dame sera vu comme un gentleman ou comme un macho attardé dans des pratiques d'un temps révolu avilissant la femme, selon si la dame est sensible à la galanterie ou fait partie de ces néo-féministes pour qui tout homme représente un danger potentiel - surtout quand le monsieur, et nous en sommes tous, ne nous en défendons pas, Diogène, réservera ses galanteries aux jolies femmes, dédaignant les moins séduisantes qu'il ne remarquera même pas. <br /> <br /> <br /> <br /> Le chasseur en protecteur de la nature ; l'escroc de carrière à la proverbiale gouaille, qui s'est baladé entre foot et politique, qui à chaque nouveau procès s'en tire avec les honneurs, en qui certains continuent de voir un petit malin ; l'intellectuel naguère rebelle devenu une institution vivante et qui continue à vouloir passer pour rebelle sur les plateaux des télés propagandistes ; le racisme ciblé qui encense le sportif d'origine africaine et fustige le migrant ; la détestation du politique alors que l'on continue à se rendre aux urnes en nombre pour élire majoritairement les tenants du système dont on s'estime victime ; la haine entretenue à l'égard des milliardaires et du culte rendu à l'argent-roi tandis que, deux fois par semaine, on s'en va faire valider son billet d'Euromillions en polissant des rêves de somptueuses villas avec piscine sous un soleil permanent et de supercars aux cylindrées inquantifiables, de tour du monde, de croisières et de palaces ; l'agacement à l'automne (le mien, dont je sais qu'il est partagé par beaucoup), du retour médiatisé aux réalités sinistres vécues par les sans-logis, les mal-logés, les miséreux suspendus à la bonne volonté des assos' ; l'on prendra part à cet accès annuel et très temporaire de bonne conscience en se fendant de quelques paquets de pâtes à la sortie de l'hyper, avant d'embrayer vers le tunnel consumériste des fêtes de fin d'année, dont l'entrée est marquée par le fameux Téléthon et le parcours, balisé par l'élection de Miss France. <br /> <br /> <br /> <br /> A ce stade du calendrier, on se fiche des SDF comme d'une guigne. Peut-être s'interrogera-t-on quant à l'efficacité de cette quête larmoyante jadis ponctuée de performances sportives et artistiques "people" qu'est le Téléthon - qui par endroits va passer inaperçue quand on ne regarde pas la télé, on n'est plus à l'ère thiomphante de Canal où Antoine de Caunes enfourchait son vélo de course - au vu des progrès des chercheurs, qui paraissent inversement proportionnels au montant des sommes récolées chaque année - et elles sont pharamineuses. Peut-être. Pour la plupart, ce sera une soirée télé comme une autre. <br /> <br /> Quant à Miss France, qui peut, de nos jours, se sentir concerné par la mise en avant de ces créatures évanescentes et voulues asexuées, dont on ne retiendra pas le nom au-delà d'un flash d'actualités, dont le seul mérite sera d'arracher Jean-Pierre Foucault aux marigots de l'oubli, pour autant que cette autre forme d'institution vivante ait besoin de cachetonner. <br /> <br /> <br /> <br /> C'est plus émouvant, et tellement plus vendeur, d'organiser une quête nationale en faveur d'enfants malades que pour rendre une dignité à des sans-logis en qui la plupart des gens voient des clochards dégueulasses et qui font tache : on n'essuie jamais que les crachats que l'on décoche. Et cette société-là, je parle de tous ces braves gens qui n'ont guère de souci à finir le mois, de ces votards soucieux d'accomplir leur devoir de citoyen, de ces dindons de la farce qui vont tenir les pieds chauds à leur maire, à leur député, à leur petit chef, à leur thénardier dans l'espoir de quelque contrepartie, cette société des braves gens, pétrie d'une bonne conscience très épisodique, habitée d'une moralité à géométrie variable, en décoche plus qu'à son tour, des crachats, mais n'a toujours rien compris aux ressorts subtils de l'effet boomerang. <br /> <br /> <br /> <br /> Miss France, reine d'un soir où les néo-féministes, et les féministes tout court enfin se taisent, comme elles se taisent lorsqu'il est question du voile, en quoi certaines d'entre elles envisagent quelque liberté que s'accorde la femme qui le prend, puisque dit-on c'est son désir ; comme elles se taisent lorsqu'il est question de cette chirurgie dite esthétique qui transforme nombre de bourgeoises en figures du musée de Madame Tussaud ; comme elles se taisent quant au sort des mères célibataires vivant de prestations sociales les vouant, sur le papier, à un célibat passible d'être vérifié par une Administration dont les zélés contrôleurs ne s'aventureront pas dans les coursives de certaines cités ; comme elles se taisaient quand un certain tribun d'extrême-droite, et il était bien le seul à revendiquer cela, préconisait en son temps la mise en place d'un salaire alloué aux femmes au foyer - peut-être vaut-il mieux, aux yeux de ces dames, que la femme au foyer nécessiteuse aille faire des ménages en horaires coupés ? - comme elles sont très disertes lorsqu'il s'agit de traduire la galanterie en velléités d'agression sexuelle, ou d'inventer l'eau chaude en dénonçant les promotions-canapé, pratique certes critiquable mais aussi inhérente aux mondes connexes de l'entreprise, de la politique et du show-biz que le sont les copinages de tous acabits. <br /> <br /> <br /> <br /> Un monde des faux-semblants où il s'agit de vendre et de faire vendre et de faire parler de soi dans un dessein vendeur. Ou la fin justifie les moyens. Ou on ne s'embarrasse d'une éthique que pour couper court à des velléités libertaires qui empièteraient sur les chasses gardées de quelques-uns. Où l'on descend dans la rue nanti d'un gilet de sécurité contester un système que l'on prétend détester parce qu'on n'y a pas le beau rôle, ou parce qu'on n'en occupe qu'un strapontin : "Nous entrerons dans la carrière quand nous aurons cassé la gueule à nos aînés" (Léo Ferré, Il n'y a plus rien, 1973) - voir et revoir à ce propos l'excellent et prophétique "Moi y'en a vouloir des sous", de Jean Yanne. Où ceux qui assurent, larmes de crocodile à l'appui, vouloir prendre fait et cause pour les SDF, n'iraient jamais en accueillir chez eux, ou se bouger pour rameuter de leurs semblables et exiger de leur maire l'accès à un bâtiment administratif vide pour les y abriter, encore moins admettre que l'on édifie un village d'Algécos à l'intention des sans-logis, sur un terrain vague voisin de leur lotissement, de peur que leurs pavillon avec jardinet et haie de thuyas, payé à la sueur du crédit Cetelem, perde de sa valeur. <br /> <br /> <br /> <br /> Tant qu'il y aura le Téléthon et la quinzaine de l'humanitaire qui précède le Téléthon, la bonne conscience populaire demeurera et l'on sera content de soi. Et l'on s'en ira voter aux prochaines...
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L
Éric Fottorino précise que la citation est apocryphe, comme la plupart des citations d’ailleurs. Ça fait bien de les sortir et, comme dirait Guy Carlier, personne n’ira vérifier.<br /> <br /> https://dicocitations.lemonde.fr/citations/citation-130147.php<br /> <br /> <br /> <br /> Le fait est que les mots, les expressions ne veulent plus rien dire. Tout est détourné de son sens. Quand il ne l’est pas, le sens est approximatif et l’on en est averti par la formule « entre guillemets » voire « entre plein de guillemets ». À l’oral, on mime les guillemets avec un geste des deux doigts. J’en ai déjà parlé.<br /> <br /> <br /> <br /> Tout est détourné, inversé. On avance sans arrêt à front inversé. Les valeurs sont inversées. Les chasseurs, les partisans de la corrida se prétendent les meilleurs défenseurs de la nature et de la biodiversité. C’est grâce à eux que les taureaux existent encore. Il doit y avoir quelque chose qui leur a échappé dans la reproduction des mammifères mais passons. Les chasseurs sont fiers d’avoir réintroduits des espèces disparues. Disparues comment et pourquoi, au fait ? À chaque fois, il y a une preuve de ce qu’ils avancent et ça insinue qu’il y en aurait d’autres quand bien même la preuve est plus que contestable. J’ai pris cet exemple pour ne pas glisser dans les domaines sensibles mais la technique est la même partout puisque ça marche.<br /> <br /> <br /> <br /> Aujourd'hui, il y a une compétition de victimes. Chacun, dans sa catégorie, essaie de se faire passer pour une victime. Le plus piquant, c’est lorsque des auteurs de méfaits s’y livrent. C’est ce que j’appelais, autrefois, dans mes échanges avec Gygès, le principe de « la dernière victime ». Il y a d’abord l’agresseur et l’agressé mais lorsque l’agresseur est arrêté par la force publique puis incarcéré, il change de statut et c’est vers lui que se dirige la compassion. Tout cela est parfaitement théorisé par le marquis de Sade dans sa « Philosophie dans le boudoir » où l’on trouve notamment l’exposition d’un féminisme inversé où la femme, théoriquement égale de l’homme, revendique son exploitation. Au moment de sa reparution, Michel Polac avait fustigé cette supercherie mais en vain. On retient volontiers la position de Sade contre la peine de mort mais on oublie son apologie du meurtre. <br /> <br /> <br /> <br /> On avait fini par se moquer, à la fin des années 1970, des délinquants qui accusaient la société d’être la cause de leur mauvais choix de vie surtout s’ils prenaient soin d’enrober leurs méfaits dans une vague démarche révolutionnaire. Aujourd'hui, on ne peut plus dire que « c’est de la faute de la société » alors on s’y prend autrement et, depuis quelques mois, on voit apparaître un arsenal de formules qui stigmatisent certaines catégories de la population accusées de truster les meilleurs postes partout et, donc, justifier le statut de victime pour tous les autres afin de revendiquer des passe-droits chaque fois le droit n’est pas favorable aux autres. Nous l’avons vu avec la fin des examens et concours d’entrée dans les Grandes écoles. Peu à peu, on observe un refus de la loi qui est la même pour tous au profit d’entorses, de « zones franches » juridiques qui favorisent ceux qui s’estiment défavorisés.<br /> <br /> <br /> <br /> Restons dans le domaine de la Justice puisque tu signales, en passant, l’intransigeance des tribunaux envers les divorcés qui ne peuvent pas honorer leurs pensions alimentaires. Il faudrait aussi rappeler les « indemnités compensatoires », conçues à une époque où les femmes dépendaient totalement de leurs maris et qui conduisent aujourd'hui, à ce que des femmes divorcées perçoivent des indemnités intéressantes alors même qu’elles ont refait leur vie avec un autre homme. Ainsi, leur ancien mari se retrouve à assurer un train de vie à son ex que lui-même n’a plus et la dette est héréditaire, ce qui fait que les enfants doivent continuer de payer ces indemnités à leur mère. Ça fait partie de ces innombrables lois dont personne ne parle et qui empoisonnent la vie de milliers de personnes. Cette intransigeance de la Justice envers des administrés isolés est inversement proportionnelle à son impuissance face aux prévenus les plus dangereux pour la société. Faute de pouvoir faire appliquer la loi aux plus malins, à ceux qui savent se défendre, la Justice se rattrape sur l’âne de la fable. C’est comme ça que tous les mois, on apprend qu’un réfugié qui ne pose aucun problème, parfaitement intégré, plein de reconnaissance envers son pays d’accueil, la France, est expulsé en application d’un aspect d’une loi quelconque. S’il est entouré d’amis engagés dans le milieu associatif, il y aura un comité qui se formera et informera l’opinion publique. Sinon, personne n’en entendra jamais parler sauf son patron et son propriétaire qui ne pourront rien faire. Bien sûr, la constitution d’un comité de soutien ne garantit pas qu’il demeurera en France.<br /> <br /> <br /> <br /> <br /> <br /> <br /> <br /> Sur l’affaire Dupont de mes fesses, l’emballement est d’autant plus surréaliste que tout le monde a oublié l’histoire et que tout le monde s’en fiche. Ce criminel n’est pas dangereux pour la société. Il a agi ponctuellement mais, dans l’état actuel des connaissances, n’a pas commis d’autres meurtres. Ce n’est pas un tueur en série. Ce n’est pas un « ennemi public ». C’est juste un meurtrier un peu plus malin que les autres qui a échappé à toutes les poursuites. Il est moralement indéfendable. Il n’est pas admirable non plus car il n’a pas agi pour défendre une cause. Pourtant, alors que l’actualité n’était pas calme, les médias audiovisuels et la presse régionale ont choisi d’en faire leur sujet principal et d’y consacrer un espace injustifiable. On a assisté, ensuite, à un renversement (encore un) dans la mesure où les médias audiovisuels ont critiqué la PQR quand celle-ci a dénoncé l’emballement médiatique. Ça n’a pas duré car on a vite débusqué la supercherie. Il faut quand même rappeler que le public est friand de ces histories et que la presse voit ses tirages augmenter lorsqu’il y en a une. Le public est hypocrite et à ce stade me revient en mémoire un dessin de Sempé montrant la queue devant un cinéma où est projeté un film avec Brigitte Bardot. Dans la foule, tout le monde critique son manque de talent, son succès déclinant, sa beauté évanescente. Mais bon, de nos jours, le public ne tarit pas d’éloges pour la chaîne de télévisions arte dont on dit que son audience est confidentielle. J’ai déjà émis plusieurs fois des doutes sur l’audience des médias qui accorde un succès à Inter que les jeunes (au sens large) ignorent tandis que tout le monde connaît arte, à défaut d’en regarder les programmes. Donc, le public se drape dans des habits d’honorabilité en critiquant les médias tout en plébiscitant leurs pires dérives. <br /> <br /> <br /> <br /> Cependant,ce qui m’intéresse dans cette affaire, c’est que les Français se gaussent désormais de la police écossaise et la rend responsable de ce fiasco. Je ne citerai pas d’autres affaires pour ne pas recevoir des tombereaux d’insultes mais il y a des précédents où, malgré les preuves avancées, la vérité établie formellement, l’opinion publique demeure persuadée de la culpabilité d’un prévenu célèbre. Allez, je prends un exemple sans trop de risques : les rillettes. Que n’avait-on dit, voici une vingtaine d’années, quand une famille a été intoxiquée par une boite de rillettes. C’était, à coup sûr, l’industriel qui était responsable et la grande distribution plus que complice de vendre de la « mal-bouffe », mot à la mode à l’époque. On a su, plus tard, une fois l’affaire oubliée, que c’était ce ménage de consommateurs qui était responsable car son frigo était dégueulasse et des bactéries malfaisantes s’y développaient à leur aise. Dans l’opinion publique, il y a, comme ça, des coupables par définition. <br /> <br /> <br /> <br /> L’inculture qui prévaut depuis quelques décennies a aussi pour conséquence, outre la désignation de coupables et de victimes automatiques, une indifférence au malheur des autres que la médiatisation de quelques causes ne saurait infirmer. Ainsi, le suicide d’une directrice d’école n’a suscité que peu de mobilisation dans la région la plus peuplée de France. Le Président Sarkozy avait raison lorsqu’il disait qu’on ne voit plus les grèves. Quelques milliers de personnes dérangées sont de peu de poids face à la puissance des décideurs. La grève fait partie d’un folklore discrédité par des humoristes des années 1980. On ne veut même plus connaître les causes et, de toute façon, les autres sont forcément mieux lotis que soi. Toujours cette recherche d’un statut de victime. La montée d’un syndicat modéré, qui accompagne les régressions plus qu’il ne les combat reflète l’opinion publique. Récemment, dans le train, un contrôleur me disait qu’il avait proposé de participer à un grand nettoyage des vitres des TER plutôt que de faire une grève qui embête les usagers. C’est dire si les mentalités ont évolué et si la revendication est désormais ringardisée. On accepte tout et, le Président Macron l’a très bien compris, en étant persuadé que c’est comme ça que se construit le nouveau monde.
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