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la lanterne de diogène
6 mars 2015

Les procès

Maintenant que les esprits se sont quelque peu apaisés, tentons de publier une réflexion sur la justice à partir de récentes affaires qui ont enflammé les passions.

On assiste, depuis près de vingt ans, à une perversion de la Justice qui prend différents aspects. D'abord, on remarquera que la plupart des décisions de justice portent,désormais, sur la forme et non pas sur le fond qui devrait être la recherche de la vérité, le châtiment des coupables et la compensation des victimes. La moindre erreur dans la procédure renvoie les spoliés à leur peine personnelle voire, parfois, à indemniser ceux qui les ont offensés. Dans ce domaine, l'administration est très forte et sait parfaitement faire durer les procédures pour que ça coûte trop cher au préjudicié et pour que in fine on trouve une faute – souvent provoquée par l'administration elle-même – qui va invalider toute la procédure.

Ensuite, la méconnaissance du sens des mots va induire un certain nombre de confusions. Parlons du vocabulaire courant et pas du vocabulaire juridique. Ainsi, le non-lieu est souvent interprété comme une reconnaissance de l'innocence de l'accusé quand, simplement, l'instruction, la procédure n'ont pas pu établir la responsabilité. Cette perversion revient à reconnaître le crime parfait et lui donner sa légitimité ; comme dans un jeu de société.

Observons également que les procès médiatiques entraînent deux types de réaction. Il y a ceux où l'accusé sort sali quelle que soit la décision rendue. Généralement, il s'agit de prévenus appartenant à la sphère politique. Pas de présomption d'innocence qui tienne (malgré le remplacement du terme « inculpé » par « mis en examen ») pas plus que de paiement de sa dette envers la société.

On trouve également ceux où l'accusé ressort avec une notoriété auprès du grand public qui lui vaut une gloire que ses activités habituelles ne lui avait pas donnée. Bien sûr, c'est l'actualité qui motive ces lignes. Le procès Bettencourt a sorti de l'anonymat ou, du moins, de la confidentialité, un dandy se prétendant photographe. Le grand public et même les amateurs de photo n'en avaient jamais entendu parler auparavant. Seulement, dès qu'il a été mêlé à cette sombre histoire d'abus de confiance, il s'est trouvé propulsé et la cote de ses clichés a grimpé. Le journaliste culturel Vincent Josse a inauguré avec lui une série d'émissions qu'on venait de lui confier. Chose exceptionnelle, il a consacré deux émissions à ce vilain personnage qui, sur un ton monocorde, se vantait, se permettait de dire à son interlocuteur « Vous êtes très con. Vous le savez » et surtout « Je chie gros. C'est important, non ? ». Je me demande ce que doit penser Vincent Josse aujourd'hui. J'aimerais qu'on l'interroge sur le sujet.

http://lanternediogene.canalblog.com/archives/2010/09/14/19060609.html

http://lanternediogene.canalblog.com/archives/2011/07/10/21579281.html

DSK, lui, appartient au monde politique. Il a pour lui des défauts majeurs pour une partie de l'opinion publique : il appartient à la bourgeoisie mais affiche une sensibilité de gauche ou, au moins, de centre-gauche. Il en a un autre dont nous ne parlerons pas mais qui apparaît en filigrane en permanence. Sa classe sociale le considère comme un traître quand son bord politique se méfie et voit en lui un infâme capitaliste. C'est dire qu'il n'a pas beaucoup d'appui : le coupable idéal, l'homme qu'on veut voir écarté pour toujours et qu'on rêve de revoir sortir d'un tribunal abattu et menottes aux poignets comme un malfrat de bas quartier. Curieusement, comme on n'arrive pas à l'écarter sur le plan politique, c'est sur le point faible de sa vie privée qu'il va tomber. Les plaintes pour agression sexuelle sur des femmes se multiplient jusqu'à l'affaire de New York. Quelques jours après la stupeur provoquée par son arrestation, le procureur Cyrus Vance Jr – qui comptait sur les retombées politiques de cette affaire – doit demander l'abandon des charges. Fin de l'histoire, donc. Eh bien non, en France, l'opinion redouble ses griefs contre DSK. Peu de temps après, sort notamment l'affaire du Carlton. Cette fois, c'est « proxénétisme aggravé en bande organisée ». Pendant trois ans, les accusations convergent, les témoignages se multiplient. Enfin, arrive le procès. Il était temps. La couverture médiatique rappelle le procès Barbie tandis que l'opinion publique se livre à un voyeurisme banal.

Tout au long du procès, rien ne nous a été épargné sur les pratiques sexuelles de l'accusé et de ses partenaires. Alors qu'au même moment triomphe sur les écrans un film qui fait l'apologie du sado-masochisme que découvre une ingénue, on s'offusque de la « sexualité plus rude que la moyenne » de DSK. Ce film est sorti « Pour la Saint-Valentin » selon la bande-annonce... Toujours à la même période, on fait la queue sous la pluie pour visiter l'exposition consacrée au marquis de Sade, théoricien et apologiste des pratiques sexuelles reprochées à DSK qui, précisons-le, n'est pas allé jusqu'au meurtre ou à la mutilation. Finalement, le tribunal, dans ses réquisitoires, ne peut que demander la relaxe. Tout ça pour ça. Qu'on ne se trompe pas. C'est le chef d'accusation qui ne collait pas dans ce procès. Comment peut-on faire passer une partouze pour du « proxénétisme aggravé en bande organisée » ? Simplement, on ne prête qu'aux riches. On ne pouvait pas faire le procès de partouzards. Il fallait donc sortir la grosse artillerie. Résultat, tout s'effondre. Quand nous disions que les mots ont un sens, voici bien une illustration des conséquences de la confusion qui règne en ce domaine. Certains humoristes, quelques snobs ont cru devoir dénier à DSK la qualité de « libertin » et à ses pratiques, les termes de « parties fines » et « libertinage ». Possible. Remarquons juste que, tout comme « l'affaire du Carlton », le vocabulaire dépend surtout de la personne qu'il désigne et de l'intention de ceux qui en parlent. Un obsédé sexuel qui évolue dans le milieu artistique ou intellectuel sera qualifié « d'érotomane ». Le voisin de palier ou de pavillon qui reçoit chez lui des couples et des femmes seules sera, au mieux, un « échangiste ». DSK, lui, ne peut être qu'un « proxénète aggravé en bande organisée ». On aurait pu le faire tomber pour viol en réunion. Il y avait plus de chances, d'autant qu'en assises, les preuves ne sont pas déterminantes.

à la même période – décidément – au cours de l'émission de M. Philippe Meyer sur Inter, on apprend que l'auteur et, parfois, interprète, de quelques unes des plus belles chansons du répertoire, notamment de Léo Ferré, qui a tenu quelques rôles au cinéma, était « l'un des plus grands macs de Pigalle ». On en parle plaisamment, comme si ça ajoutait à la sympathie de ce grand poète. Un personnage sympathique ne peut être qu'un « mac », un personnage folklorique, image haute en couleur et nostalgique d'un Paris romantique. Et « Prosper, youp-là, boum ! ». DSK n'a jamais été traité de « mac ». Pour lui, c'est le terme « proxénète » et « aggravé » en plus qui s'applique.

N'est-il pas temps de s'interroger sur cette Justice qui relaie l'opinion publique dans sa détestation de la classe politique ? Finalement, autrefois, lorsque le personnel politique échappait à toutes les procédures, l'opinion publique s'en accommodait fort bien. Ça ne dissuadait pas d'aller voter. Dès que « les affaires » ont commencé de sortir – curieusement à partir du moment où la gauche est arrivée au pouvoir dans les années 1980 – l'abstention a progressé avec, en arrière fond, le slogan « tous pourris ». Observons, néanmoins, que les grandes gueules s'en tirent toujours et mettent l'opinion publique de leur côté. Il y avait autrefois Jacques Médecin, puis Pasqua. Maintenant, c'est Balkany, toujours ré-élu, et du premier coup, et paradant sur les plateaux des émissions de divertissements. C'est vers lui que les journalistes se dirigent, de préférence, dans la salle des quatre colonnes de l'Assemblée nationale.

L'exception confirme la règle. Preuve supplémentaire de ce mépris pour la classe politique : depuis la demande de relaxe, on entend dire que si ça avait été un citoyen ordinaire, il y a longtemps qu'il aurait été bouclé. Tout montre, au contraire, qu'un citoyen ordinaire n'aurait pas été inquiété pour des faits similaires qui sont, maintenant, pratiques courantes. En revanche, dans le milieu artistique ou assimilé, tous les coups sont permis. Et quels coups ! Une prostituée mineure s'est fait un nom grâce à ses clients, footballeurs célèbres. Depuis, elle a pu monter sa boite de lingerie qui prospère tant qu'on se souvient encore de ce qu'elle faisait et avec qui. Parlant de footballeurs, la presse bobo se précipite sur ceux dont le comportement est pourtant en contradiction avec les valeurs qu'on attend du sport et, tout simplement, avec un comportement digne. Le côté « rebelle » vaut la consécration des Inrocks à Anelka.

http://lanternediogene.canalblog.com/archives/2012/07/03/24629308.html

http://lanternediogene.canalblog.com/archives/2010/07/12/18560551.html

JusticePourtant, nul n'est moins rebelle qu'Anelka, pur produit du système. Des chanteurs se voient victimisés après avoir frappé, parfois mortellement, leurs compagnes ou des femmes qui ont croisé leur route. Joey Starr a entamé une carrière au cinéma depuis ses démêles avec la justice. Maintenant, on lui demande son opinion sur l'actualité à l'occasion. Il est devenu une référence. Il vient d'être reçu à l’Élysée. Rien que ça. Il faut croire que, dans ce milieu, il est très bien vu d'être condamné par la justice, surtout quand on se fait une réputation de contestataire. À tous les niveaux, la société plébiscite ce genre de rebelles. Le voyou, le malfrat qui devient vedette et garde ses habitudes de petite frappe même lorsque sa vie s'apaise et qu'il palpe les millions. La classe possédante ne les craint pas. Ceux qui sont au bas de l'échelle les envient et entre les deux, il y a le mépris des adultes qui se lèvent tôt pour gagner une petite fraction de ce que touchent ces vauriens, et leurs enfants qui penchent pour eux, n'ayant aucune envie de se lever tôt pour des nèfles. Et puis, il y a tous ceux qui se demandent si le travail est bien une valeur, si la dignité passe par là, si l'on gagne sa vie en travaillant. Quand on voit qu'un fait divers apporte la notoriété et des revenus indécents, on peut se poser la question.

Pauvre justice ! Oui, pauvre justice qui manque de moyens pour juger, pour punir, pour instruire, pour entretenir ses locaux et qui voit son image dans l'opinion publique déformée par les affaires pénales médiatisées.

Un exemple parmi d'autres :

http://www.franceinter.fr/emission-interception-bretagne-une-histoire-de-grains-pourris

six ans que plainte a été déposée et aucune instruction n'a commencé. Pendant ce temps, les victimes souffrent, doivent se payer eux-même des médicaments chers faute de reconnaissance par la justice du préjudice qu'ils subissent et les a rendus malades.

 

Remarquons que ce fait-divers s'inscrit dans les pages « politique » du quotidien conservateur. La politique est tombée encore plus bas qu'on le pense...

http://www.lefigaro.fr/politique/le-scan/insolites/2015/03/05/25007-20150305ARTFIG00093-joey-starr-raconte-son-diner-arrose-a-l-elysee.php

http://www.20minutes.fr/societe/1554915-20150304-joeystarr-sorti-diner-elysee-bien-fracasse

 

corrélats sur Sade :

http://lanternediogene.canalblog.com/archives/2014/10/24/30814187.html

http://lanternediogene.canalblog.com/archives/2012/08/09/24863012.html

http://lanternediogene.canalblog.com/archives/2014/09/22/30634208.html

http://lanternediogene.canalblog.com/archives/2012/03/30/23888488.html

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