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la lanterne de diogène
2 juillet 2015

Referenda 1 - la Grèce

Oui, normalement, le pluriel de « referendum » est « referenda ».

C'est qu'il est beaucoup question de référendums ces derniers temps. D'abord, il y a eu l'annonce, saluée par les capitales européennes, du référendum en Grande-Bretagne. Là, pas de problème, on est entre gens du même monde. Ça se passera bien. Mais, qu'un petit État, autrefois célèbre pour son passé tout autant prestigieux que lointain et aujourd'hui, sur le devant de la scène pour cause de dettes, prétende organiser un référendum chez lui, là ça ne passe pas.

Il est tout de même époustouflant que, l'annonce de la consultation du peuple souverain – principe fondateur de la démocratie dont c'est l'étymologie grecque – ait provoqué la rupture des pourparlers entre la Grèce et ses interlocuteurs institutionnels. D'habitude, quand on part on claquant la porte, c'est qu'il y a eu échange d'insultes, provocation ou mise en péril de l'intégrité du partant. Là, c'est l'annonce du recours à un référendum qui a provoqué la rupture. Insensé !

Ne revenons pas sur les causes de la crise grecque. Elles sont connues. Remarquons simplement que, comme le dit le slogan, si la Grèce était une banque, il y a belle lurette qu'on se serait précipité pour effacer l'ardoise et lui resservir une louchée de crédits.

http://www.alterecoplus.fr/europe/a-t-on-vraiment-aide-les-grecs-201502041700-00000742.html

Un ancien ministre des Affaires européennes, a récemment déclaré que la Grèce ne pouvait pas jouer dans la même cour, vu qu'elle ne produit que des fromages et de l'huile d'olive. Certes, mais ne le savait-on pas avant ? Certes mais qu'en est-il de tous ces pays qu'on a accueillis à bras ouverts en 2004 ? Que produit Malte, que produit la Pologne, que produit la Lituanie ? On nous a répondu qu'on ne pouvait pas laisser nos pauvres frères qui sont restés si longtemps derrière le rideau de fer. Et l'on se faisait rabrouer, taxer « d'anti-européen », de « xénophobe », de cryptocommuniste, si l'on osait émettre des doutes sur la pertinence de ces adhésions collectives. Aujourd'hui encore, on est mal à l'aise quand il s'agit de rendre des comptes et de justifier ses positions d'alors. C'était encore l'époque où l'UE se prenait parfois pour Vincent-de-Paul. On accueillait les anciennes dictatures. L'Espagne y a eu droit en son temps. Le Portugal, qui avait fait sa demande avant, a dû attendre que son voisin ibérique soit accepté. Encore avant, c'est la Grèce qui entrait, pas tant parce que les colonels avaient été enfin virés, encore moins parce que c'est là-bas, le berceau de la démocratie, mais parce que c'était un gouvernement conservateur qui avait des chances de se maintenir compte-tenu de l'influence de l’Église orthodoxe, peu portée, comme toutes les religions, sur la modernité et le progrès.

On nous a déjà fait le coup du référendum en Grèce.

http://lanternediogene.canalblog.com/archives/2011/11/02/22558383.html

Déjà, les mêmes, saluions l'initiative. Il paraît tellement naturel que les citoyens soient consultés pour savoir à quelle sauce ils vont être mangés. Déjà, à l'époque, les pressions avaient été telles que moins d'une semaine plus tard, le Premier Ministre Papandréou renonçait, au grand soulagement des membres majeurs de l'UE. Cette fois, on craint que non seulement, son successeur, M. Tsipras, ne renonce pas mais que, en plus, le résultat soit contraire aux intérêts des créanciers rapaces de la Grèce. En plus, il fait ça rapidement. Même pas le temps de dire ouf ! Même pas le temps de mener une campagne insidieuse en Grèce, de faire peur aux Grecs en leur promettant des lendemains sombres. Il est vrai qu'on se demande comment ça pourrait être pire. On se doute bien que le peuple grec qui souffre de l'austérité depuis qu'elle tient lieu de politique, ne va pas encore payer alors qu'il n'a plus de sous. À croire que ne plus avoir d'argent n'est qu'un mot mais qu'on peut payer quand même. Toutes les mesures prises jusqu'à présent se sont révélées inefficaces. Il suffit de constater que, depuis le temps, le pays est toujours dans la panade. La dernière trouvaille est de monter le taux de TVA à plus de 20 %. Génial ! Non seulement les citoyens ne pourront plus rien acheter tellement ce sera cher mais, en plus, les touristes renonceront à visiter les colonnades et les amphithéâtres baignés par le soleil. On est dans le grand n'importe-quoi et l'on voudrait faire confiance à des gens qui prônent sans rire de telles mesures insensées et qui traitent les Grecs comme des enfants. Mme Lagarde n'a-t-elle pas déclaré : "l'urgence de rétablir le dialogue, avec des adultes dans la pièce" ?

http://www.20minutes.fr/monde/1635091-20150619-grece-christine-lagarde-appelle-retablir-dialogue-adultes-piece

Comment ose-t-on de tels propos en public, à un tel niveau de responsabilité ? Qui se conduit en enfant dans cette négociation ?

Une autre leçon de ce référendum (qui ne s'est pas encore tenu), c'est le recours à l'outil de base de la démocratie : la consultation du peuple. Le Premier Ministre grec annonce son intention de tenir l'essentiel de ses promesses de campagne. C'est devenu une chose tellement rare par ici qu'on ne comprend même plus. La souveraineté des pays membres de l'UE est telle que la politique ne change pas, quelles que soient les alternances issues des élections.

http://lanternediogene.canalblog.com/archives/2015/01/28/31419316.html

Pis, la gauche a pris l'habitude de ne plus écouter la voix du peuple, de peur de se faire taxer de « populiste » et pour faire sérieux ; c'est à dire pour mener une politique favorable à la finance internationale et contre le peuple. C'est le Président Hollande qui a le plus insisté pour que le Tafta soit conclu avant la fin de son mandat. Alors même qu'il sait avoir été espionné par son interlocuteur étatsunien avant chaque discussion, il ne lui vient même pas à l'idée d'émettre une protestation et encore moins de quitter les négociations ; comme le ferait n'importe qui en pareille circonstance. C'est dire le niveau de soumission et le degré servilité. À ce point, il n'est pas étonnant que le Gouvernement grec soit qualifié de radical par les commentateurs.

http://lanternediogene.canalblog.com/archives/2010/05/07/17815935.html

Les commentateurs, parlons-en. La semaine dernière, et encore avant, les éditorialistes du Monde en appelait à un coup d’État en Grèce pour mettre fin au refus de son gouvernement légitime de passer sous les fourches caudines (M. A. Leparmentier avait réitéré ses propos dans sa chronique sur Inter).

http://www.marianne.net/quand-monde-reve-putsch-contre-tsipras-100234789.html

http://www.acrimed.org/article4701.html

Quand on pense que Le Monde passe encore pour le journal francophone de référence... C'est devenu La Pravda du totalitarisme ultra-libéral et de son bras armé sur le continent, l'Union Européenne. Malheureusement, à part la presse d'opinion, tous les médias français lui ont emboîté le pas. Paradoxalement, il faut lire La Tribune pour trouver des analyses sérieuses et, donc, à contre-courant de la pensée unique sur la Grèce.

http://www.latribune.fr/actualites/economie/union-europeenne/20120309trib000687366/quand-goldman-sachs-aidait-la-grece-a-tricher-pour-600-millions-d-euros-.html

Bien sûr, on ne parle pas de « populisme » quand on en appelle aux contribuables pour leur prédire qu'ils devront payer pour les Grecs. On oublie qu'on ne leur a jamais demandé leur avis auparavant et que, sans doute, auraient-ils émis des doutes sur les relations avec la Grèce depuis son adhésion. D'autant que, tout le monde a bien compris – et depuis longtemps – que, quelles que soient les mesures prises ou non, la Grèce ne pourra jamais rembourser et qu'il faudra effacer sa dette d'écriture. Tout le monde le sait, à commencer par le prédécesseur de Mme Lagarde au FMI qui l'a toujours dit.

http://www.latribune.fr/economie/union-europeenne/grece-quand-dsk-s-en-mele-487845.html

Alors, arrêtons l'hypocrisie et cessons de demander l'impossible à la Grèce. Le plus tôt sera le mieux. Après tout, après sa défaite, l'Allemagne a été bien contente de voir sa dette annulée. Il est vrai que le plan Marshall avait pour objectif de détourner l'Europe de l'Union Soviétique. Il fallait pour ça proposer une offre supérieure. Également, s'agissant de l'Allemagne (tout comme après la première guerre mondiale), les États-Unis ont mis en œuvre une solidarité anglo-saxonne et protestante. L'Allemagne s'est relevée, et c'est tant mieux. D'autres comme l'Autriche n'en ont pas eu autant. La Grèce n'en aura pas autant non plus. Seulement, la Russie qui fait la même chose de son côté, pourrait bien en profiter pour enfoncer un coin dans l'UE qui la maltraite singulièrement alors que des intérêts communs devraient nous réunir. Depuis quelques années, la Russie se comporte avec ses voisins comme les États-Unis, il n'y a pas si longtemps, avec les autres pays d'Amérique. Elle considère qu'elle doit s'entourer d'un glacis et que tous les Russes ont vocation à intégrer une grande Russie ou, au moins, de ne pas obéir à la majorité ethnique du pays où ils habitent. Voir la Géorgie, la Moldavie et maintenant l'Ukraine avant les pays baltes. Inversement, dans les républiques autonomes, on fait comprendre à la majorité ethnique qu'elle doit se soumettre aux Russes. Bien sûr, la Grèce est loin et n'est pas russe. Seulement, elle est orthodoxe et la Russie entend reprendre la tête de la communion orthodoxe, qu'elle a perdu, autrefois, après la guerre de Crimée. C'est le jeu qu'elle mène au Proche-Orient. Déjà, les BRICS se sont entendus pour mettre leurs intérêts en commun et se passer des canaux aux normes étatsuniennes. Ils se prêtent de l'argent entre eux et en prêtent à tous ceux qui le demandent. En pratiquant la politique du pire avec la Grèce, l'UE la précipite dans les bras de Moscou.

Maintenant, avant d'anticiper, à court-terme, quelles sont les craintes des membres majeurs de l'UE ? D'abord, si la Grèce quitte la zone euro ou, plutôt, la monnaie commune, elle retrouvera sa souveraineté. Elle passera par une phase très difficile puisque sa nouvelle monnaie ne vaudra rien, même en conservant l'euro pour les échanges internationaux. Elle trouvera, de toute façon, des liquidités et finira par s'en sortir avant de comprendre qu'elle a plus d'avantages à rester en dehors de l'euro tel qu'il fonctionne à l'heure actuelle, qu'à le réintégrer. Dans le même temps, les pays qui ont accepté l'austérité imposée par l'UE pourraient demander des comptes. Il y aurait-là une crise sans précédent et il faudrait plus que l'habileté consensuelle de M. Hollande pour la résoudre ou même l'amoindrir.

Si la Grèce quitte l'UE, d'autres pourraient en faire autant. Quantité de membres, notamment les derniers entrants, trouvent que les efforts pour se mettre aux normes européennes n'ont pas apporté les résultats escomptés. Ils pourraient vouloir se retirer et retrouver leur souveraineté avec des accords bilatéraux autrement plus avantageux. Dans les deux cas, c'est la crédibilité de l'UE qui est en jeu et même son devenir. À force de nier les crises, de les attribuer aux partis politiques souverainistes (qui partout tirent la sonnette d'alarme depuis au moins quinze ans), à force de mettre la charrue avant les bœufs en espérant que les choses se remettront d'elles-mêmes, à force de traiter tous ceux qui ont posé des questions, marqué leurs inquiétudes, exprimé leurs désaccords avec la politique menée à Bruxelles, « d'europhobes », « eurosceptiques » et autres joyeusetés du même tonneau, l'UE vit en vase clos, ne sait plus où elle va ni pourquoi elle y va. Elle s'aligne sur les desiderata des États-Unis, augmente la pauvreté parmi ses membres et alimente le ressentiment. L'Europe généreuse dont tout le monde rêvait, avec ses frontières abolies, sa monnaie commune est devenue un cauchemar pour les peuples européens. « Europe » est devenu un synonyme de contrainte, de perte de souveraineté et de démocratie car il n'y a pas de démocratie sans souveraineté. Nous le voyons puisque charbonnier n'est plus maître chez lui.

http://www.histoire-en-ligne.com/spip.php?article549

Aujourd'hui, la Grèce est comme ce juré du film « Douze hommes en colère ». Il fallait bien qu'il y en ait un, un jour. La crise provoquée par la Grèce peut être salutaire pour tous, à condition de l'entendre et de rebattre les cartes en dehors de toute idéologie. Pour le moment, c'est l'idéologie libéraliste qui a la main sur tout. Nous voyons tous les jours que les belles théories ne tiennent pas la route et ne passent pas l'épreuve de la réalité. Il est temps de voir les choses en face.

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F
Comment ne pas adorer votre blog ? Des articles toujours sympas et agréables à lire, merci.
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