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la lanterne de diogène
10 juin 2015

Sale foot

Difficile de dire quand tout a commencé. Sans doute, n'y a-t-il pas eu de commencement, d'ailleurs mais une lente évolution, inhérente au jeu, au public qu'il draine, à la société qui a besoin de dérivatifs pour ne pas penser – ne pas penser – au chômage de masse chez nous, à la dictature chez d'autres, à la misère chez d'autres encore. C'est vrai qu'on a besoin de s'aérer un peu l'esprit et de ne pas ressasser les pensées sombres qui nous accablent. Tous les garçons ont joué au foot et, adultes, se rappellent les bons moments en regardant les autres qui jouent beaucoup mieux que soi.

 

J'ai lu quelque part (actualité oblige) qu'il y a quelques 260 millions de joueurs de football dans le monde ; sans compter, bien sûr, ceux qui jouent dans la rue, sur un terrain vague, et n'ont pas de licence. Il y a tous les enfants, tous les ados qui tapent dans un ballon ou ce qui en tient lieu, qui tapent dans un mur pour récupérer la balle ou se font des passes entre copains ou avec un adulte bienveillant, une mère, un père, un plus grand.

 

Le foot, c'est d'abord ça. Le problème, c'est que l'engouement naturel est récupéré par la société qui possède l'art de récupérer tout à partir du moment où il y a du pognon à se faire. Quand cela a-t-il commencé ? Je serai tenté de répondre à partir du moment où un certain Marcel Leclerc, directeur du bi-hebdomadaire de football « But » a inscrit les trois lettres sur les maillots de l'OM dont il était aussi le président. Première fois qu'une équipe française arborait de la publicité. La publicité aidait à payer le salaire de vedettes qui remplissaient le Stade-Vélodrome, à une époque où il y avait encore une piste de vélo autour du terrain de foot. Les autres en ont fait autant mais à l'étranger, c'était déjà monnaie courante et la France prenait le train en marche. Les transferts de joueurs vedettes ne datent pas du début des années 1970. Alfredo di Stefano et Raymond Kopa ont été embauché par le déjà célèbre Real de Madrid pour des salaires mirifiques mais sans comparaison avec ce qui se pratique aujourd'hui.

 

La Coupe du Monde, c'est l'événement sportif mondial numéro 1 et peut-être même, l'événement populaire numéro 1 tout court. Elle attire des dizaines de millions de supporteurs du monde entier. Normal que les enjeux soient à la mesure. Au départ, comme pour les Jeux-Olympiques, on se mettait d'accord pour que les pays participants organisent la compétition à tour de rôle et en changeant de continent. Mais, comme tout coûte de plus en plus cher, il a fallu que les marques s'en mêlent. Comme pour le vélo, au départ, il y avait juste les fabricants de ballons et de maillots (les fabricants de cycle et de boyaux pour le vélo) et puis les assurances, les sodas, les marchands de meubles, les voitures, les supermarchés locaux s'en sont occupé. Surtout, à mon avis, le coup de grâce a été porté quand on a privatisé les télévisions. Tant que c'étaient les chaînes de télévision des États organisateurs qui retransmettaient le tournoi, ça allait.

http://lanternediogene.canalblog.com/archives/2010/06/18/18346800.html

 

À partir du moment où l'on a instauré l'appel d'offre et le marché, des sommes astronomiques sont entrées en jeu et il était fatal que, les entreprises et la FIFA étant incarnées, certains perdent la tête en signant des chèques, en les mettant sous enveloppe ou en allant les porter à la banque. Quand on voit de telles sommes inscrites, il est presque naturel qu'on ait envie d'en ramasser quelques miettes puis des miettes de plus en plus grosses. C'est probablement ce qui s'est passé.

 

La FIFA est une organisation énorme à la mesure des États membres qui la composent. Il y en a plus que de membres de l'ONU. Le Royaume-Uni aligne à lui tout seul quatre équipes. À ce compte, le Brésil pourrait en revendiquer 26. D'ailleurs, on parle parfois d'une « diplomatie de la FIFA » pour montrer quelle est sa puissance. Parfois, la FIFA a débloqué des situations et la diplomatie du football vaut bien celle u ping-pong qui, en son temps, avait inauguré les bonnes relations entre la Chine et les États-Unis pour affaiblir l'Urss, l'ennemi absolu.

Cette importance, la FIFA en est bien consciente et en joue. Seulement, à force de jouer sur tous les tableaux, on finit par y laisser des plumes. Qu'on songe un peu à ce que le grand public connaît et qui n'est qu'une partie immergée de l'iceberg. La FIFA a l’œil sur tout le foot mondial. Elle se doit d'avoir des hommes à elle sur tous les continents. Avec l'émergence des droits de retransmission à la télé mais aussi à la radio (qu'on se souvienne de 2010 et des radios privées du droit d'informer sauf RMC qui avait payé), ce sont des centaines de millions qu'elle gère, rien que pour les parties et les retransmissions. La FIFA est devenue une marque. Nous l'avions souligné , désormais, ça n'est plus la Coupe du Monde mais « La Coupe du Monde de la FIFA ». Rappelons que « Tour de France » est aussi une marque. Plus personne ne peut organiser une épreuve qui s'appellerait « le tour de France » en patins à roulettes par exemple. Le « tour de France » en avion a dû changer de nom. Il est vrai que personne ne songerait à appeler une compétition « La Coupe du Monde de la FIFA ». En revanche, il existe d'autres coupes du monde, jusqu'au jour où. En d'autres termes, la FIFA est devenue une entreprise commerciale qui doit réaliser des bénéfices. Comme toutes les entreprises, ses cadres et ses dirigeants palpent au-delà du salaire normal fixé par contrat. Ce mélange des genres est devenu insupportable mais tout le monde supporte sans trop critiquer, sinon pour la forme. Les smicards et les privés d'emploi trouvent abusifs les salaires des joueurs mais regardent quand même les matches. La presse et les sites bien-pensants, toujours prompts à critiquer les supporteurs buveurs de bière sont étrangement silencieux en ce moment quand il soufflaient sur les braises de la révolte des joueurs les plus critiquables lors de la fameuse grève de 2010 (« Il y a un traître parmi nous »), prenant ouvertement parti pour eux.

http://lanternediogene.canalblog.com/archives/2010/07/12/18560551.html

 

http://lanternediogene.canalblog.com/archives/2010/06/29/18455930.html

 

Au fait, d'où vient que, soudainement, la justice helvétique perquisitionne et arrête ? C'est la suite de la justice étatsunienne. Le pays n'a pas digéré d'avoir été recalé dans l'organisation du Mondial. Or, les États-Unis et les entreprises locales qu'ils défendent et qui gagnent beaucoup d'argent dans les événements sportifs ne supportent pas qu'on les mette au même niveau que les autres. Donc, quand ils sont écartés, ils soupçonnent des malhonnêtetés ; parfois à juste titre. Quand le pays le plus fort du monde n'est pas content, il le fait savoir et les autres doivent obtempérer, et les décisions de leur justice s'imposent au monde entier. Les Suisses se sont toujours montrés très coopératifs quand la justice étatsunienne le leur a demandé.

 

Rappelons simplement que les États-Unis ont organisé la Coupe du Monde en 1994. Ils se sont réveillés, au moment où, justement, les droits de retransmission ont commencé à faire l'objet d'appels d'offres et non plus de service dû au public. À l'époque, on avait voté pour eux afin de développer ce sport dans ce pays où il est boudé par le public qui n'y comprend rien et s'y ennuie. Maintenant que l'engouement existe, que les populations d'origine immigrée récente, notamment d'Amérique latine, sont demandeuses, ils trouveraient normal qu'on leur laisse organiser le Mondial un quart de siècle plus tard, seulement. Les autres attendront. À l'idée que ça se fasse ailleurs que chez eux, ils en sont verts de rage. D'où les poursuites en cascade. Bien sûr, ils trouvent normal qu'on organise les Jeux Olympiques chez eux et ne comprennent même pas que ça se fasse ailleurs, surtout dans des pays qui ne sont pas WASP (Blancs, anglo-saxons et protestants). Ils ont été organisés aux E.-U. en 1904 puis en 1932, puis en 1984, puis en 1996 soit 12 ans plus tard. Les JO d'hiver ont été chez eux en 1932, 1960, 1980, 2002. Notons que les dernières décennies ont vu les échéances se rapprocher. Il faut ajouter le Mexique en 1968, le Canada en 1976 et l'hiver, le Canada en 1988. Sous leur pression, nombre de disciplines ont été ajoutées ou retirées. Les Jeux Olympiques ont tourné le dos à l'esprit amateur et alignent des athlètes professionnels, donc qu'il faut payer et payer cher. Il est vrai que la plus grande marque mondiale est aussi le principal support des Jeux Olympiques et celui de la Coupe du Monde de football. Ceci explique sans doute cela.

 

Quelles seront les conséquences de ces poursuites qui ne cesseront que lorsque la FIFA aura reconnu avoir lésé les États-Unis et offert réparation ?

 

On va peut-être retirer l'organisation des Coupes du Monde à la Russie et au Quatar. Soit.

Dans ce cas, les investisseurs de ces pays, liés avec leurs pouvoirs publics, se retireront aussi des clubs qu'ils portent à bout de bras. Ce sont leurs « danseuses » en quelque sorte. Ça concerne au moins un club professionnel dans chaque grand pays (et même à Monaco). Ça va faire du manque à gagner et du vilain. Ne parlons même pas du gaspillage. C'est à croire que le béton et autres matériaux pousse et repousse. Au Cap-Vert, on a bousillé la plupart des plages pour récupérer le sable et construire. Comme toujours, il faut un essai, un ballon-sonde. C'est la CAN qui l'a fourni en retirant l'organisation au Maroc qui invoquait des problèmes sanitaires graves. Broutilles ! Que pèsent quelques nègres succombant sous la fièvre ébola par rapport aux retombées du tournoi africain. L'Afrique est (malheureusement) habituée à voir des victimes de maladies et depuis toujours ; climat tropical oblige. Ça n'est pas ça qui doit arrêter. C'est passé comme une lettre à la poste. Par conséquent, ça passerait aussi en retirant l'organisation du Mondial à la Russie, déjà empêtrée dans la crise ukrainienne et au Quatar, montré du doigt pour son jeu ambigu au Moyen-Orient.

 

Finalement, les États-Unis reprochent au Quatar d'avoir fait ce qu'ils ont inauguré voici des années : à savoir gagner de l'argent avec des rencontres sportives de haut niveau. C'est plus le concurrent commercial que la corruption présumée qui gêne les E.-U. et leurs juges élus. Le Quatar n'est pas un pays sportif. La population locale n'entend pas se fatiguer à courir après un ballon par ces chaleurs tropicales et les populations immigrées n'ont pas le loisir de le faire. Donc, c'est une opération commerciale et de promotion du petit émirat qui en a bien besoin à force de financer les organisations extrémistes et celles qui luttent contre elles. Sinon, ce sont les États-Unis qui pourraient se retirer de la FIFA. La menace ne serait pas trop forte tant son poids en matière footballistique est indigent mais le poids de ses entreprises qui financent le football, lui est majeur et déterminant.

Peu importe, les entreprises étatsuniennes s'en mettront plein les poches de toute façon.

 

La presse française plébiscite M. Michel Platini à la tête de la FIFA. Il y a quelques années, il était allié de M. Blatter qui l'a aidé à conquérir l'UEFA. Il n'est donc pas tout à fait étranger aux scandales à répétition qui entachent la fédération mondiale, d'autant que son fils est cadre dirigeant chez Burrda, équipementier suisse détenu par des investisseurs du Quatar. On y revient. La presse française a l'air de considérer que son football est exempt de scandales. Depuis qu'on a fait semblant de croire que l'OM avait payé des joueurs qui n'ont pas joué pour battre le dernier du championnat, on a feint de croire aussi que le ménage avait été fait. Pourtant, l'an passé, on a relégué en 7e division un club amateur qui avait gagné par son mérite et à la force des chevilles son accession en 2e division. Comme dans le film de Coppola, « Tucker », il s'agit de faire comprendre à tous ce qui arrive quand on est seul, sans relation, et qu'on veut jouer dans la cour des grands. Donc, pas de leçon de la part de la France et des commentateurs français, par pitié.

 

La FIFA va peut-être changer de nom. Suggérons-lui de s'appeler : « Le football » et de déposer la marque. Elle pourrait demander conseil auprès du cabinet d'avocats de M. Sarkozy qui a l'air de s'y connaître pour changer les noms. Le problème, c'est que « football » n'est pas compris aux États-Unis où il s'appelle « soccer » car « football » désigne un dérivé du rugby qui se pratique avec casque, carapace et moult protections et beaucoup d'arrêts de jeu à la demande des entraîneurs.

 

Pour parodier la formule bien connue sur le football en tant que sport avec les Allemands qui gagnent à la fin, nous dirons que le Mondial est un tournoi qui oppose des équipes du monde entier et qu'à la fin, ce sont les entreprises multinationales basées aux États-Unis qui empochent les bénéfices.

 

foot féminin

En attendant, en ce moment même, se déroule la Coupe du Monde de la FIFA féminine. En France, on n'en parle pas beaucoup. Pourtant, les Françaises figurent parmi les grandes favorites. C'est à des détails comme ça qu'on mesure l'état réel de la société.

http://lanternediogene.canalblog.com/archives/2012/07/03/24629308.html

 

En l'occurrence, c'est pas bien joli. D'une part, on fait semblant de croire que l'argent qui salit le football ne concerne que les étrangers mais qu'ici, tout est propre. D'autre part, on se fiche des compétitions où il n'y a pas de vedettes. Bon, on le savait déjà, vu l'accueil réservé aux rencontres et tournois handisport.

 

Le salut du foot viendra-t-il des femmes ? D'autant que le football féminin est très populaire aux États-Unis. Retour à la case départ ?

 

http://www.letelegramme.fr/football/coupe-du-monde-feminine-la-france-l-emporte-1-0-face-a-l-angleterre-09-06-2015-10659926.php

 

http://www.ozap.com/actu/audiences-coupe-du-monde-feminine-france-angleterre-cartonne-sur-w9/469588

 

http://www.slate.fr/story/102747/cinq-raisons-enflammer-coupe-monde-feminine

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