La France et la morale vues de droite

Quelques propos tenus ces jours-ci par des hommes politiques de premier plan, de sensibilité de droite, ont suscité quelques réactions épidermiques. À l'heure où les émotions l'emportent sur les idées, il ne faut pas s'étonner qu'on ne trouve que des propos du genre : « j'aime pas », « il a tort », « c'est un con, un salaud ». Le débat politique évolue désormais dans les abysses de la réflexion humaine.

Pourtant, il y aurait à dire tant les propos en question reflètent bien la vie politique en France. Le plus récent aura été l'immixtion de M. Copé dans les négociations entre les Socialistes et les Verts sur la sortie du nucléaire. En effet, c'est « au nom de la France » qu'il a exhorté M. Hollande, candidat à la Présidence, à ne pas céder mais à poursuivre les chantiers nucléaires prévus.

http://www.letelegramme.com/ig/generales/france-monde/france/nucleaire-hollande-doit-arreter-de-negocier-avec-les-verts-selon-cope-11-11-2011-1496111.php

« Au nom de la France ». Qui est-il pour s'exprimer au nom de nous tous, au nom de notre Histoire, au nom du symbole que représente encore la France dans le monde ?

http://lanternediogene.canalblog.com/archives/2010/11/05/19521460.html

http://viajes.elpais.com.uy/?p=11647

À notre connaissance, il est chef du parti qui soutient le Président de la République et ci-devant ministre. En d'autres termes, il ne représente que les militants et sympathisants de son parti et surement pas la France dans son entier. En plus, dans ce cas précis, il fait montre d'un toupet extraordinaire dans la mesure où « la France », comme il dit, n'a jamais été consultée sur la question du nucléaire. Au contraire, on s'est toujours ingénié à passer outre l'opinion publique dont toutes les enquêtes montrent qu'elle est majoritairement défavorable à une énergie qui laisse planer de graves dangers sur les générations à venir. Nuançons en rappelant que les Français sont très satisfaits de payer une facture d'électricité relativement bon marché dans la mesure où les coûts du nucléaire sont en partie répercutés sur l'impôt.

Plus intéressants encore, les propos de M. Guaino sur Pasqua. Alors que Mme Joly lui fait remarquer que sa référence à Pasqua est pour le moins maladroite parce qu'il est malhonnête et délinquant, [on se rappellera la mort de Malik Oussékine

http://lanternediogene.canalblog.com/archives/2006/12/09/3382307.html ]

M. Guaino se justifie.

http://www.dailymotion.com/video/xm9x2v_charles-pasqua-criminel-ou-grand-republicain_news?start=64#from=embed

Mme Joly, lui rappelle qu'il a été condamné et que sa condamnation a été confirmée par la Cour de Cassation, plus haute juridiction de notre France et référence absolue en matière de droit. Broutille ! Baliverne ! Billevesée ! Peccadille !

« Je ne savais pas qu'on devenait moins républicain et moins citoyen français le jour où on était condamné par les tribunaux » [curseur à 00.38]. Incroyable ! Surtout que c'est en contradiction avec tout le discours sécuritaire de la droite depuis dix ans. Mais le meilleur reste à venir : « la Cour de Cassation ne forme pas mon jugement moral ». [curseur à 00.59]

Oui, il a bien dit « jugement moral ». Il serait facile d'ironiser après avoir bu plusieurs verres d'eau en entendant cet adjectif associé à Pasqua.

Allons plus loin. M. Guaino signifie simplement que pour lui et sa famille politique, les lois, le cadre juridique, démocratique n'ont aucune importance. Ce ne sont que des formes qu'on fera mine de respecter mais qu'on contournera à la première occasion. D'ailleurs, quand on est au pouvoir, on prend bien soin de faire voter des lois qui facilitent leur contournement. C'est que, la droite, considère de bonne foi que le pouvoir lui appartient et que la France lui appartient et de toute éternité. Les habitués de la lanterne de diogene ne seront pas surpris puisque, à l'occasion du procès Chirac, nous avions rappelé comment il avait respecté le suffrage universel dans les arrondissements de Paris qu'il n'avait pas gagnés.

http://lanternediogene.canalblog.com/archives/2011/03/12/20608921.html

La droite, rappelons-le, est issue de la tradition monarchiste.

http://lanternediogene.canalblog.com/archives/2007/02/27/4134862.html

Or, sous l'ancien régime, le monarque tient son pouvoir de Dieu et il possède son royaume et les sujets qui y vivent. Ce modèle a été rejeté y compris dans les pays qui connaissent un régime monarchique. Pourtant, en France, les conservateurs n'ont jamais accepté que le pouvoir leur échappe. Ils se sont adaptés, bon gré, mal gré, mais considèrent toujours que la France leur appartient. Après l'élection de Mitterrand, M. Roger Chinaud avait déclaré : « J'ai mal à la France ». Plus récemment, quelques jours avant les propos en questions, M. Baroin, ministre en exercice, a déclaré que la gauche est arrivée au pouvoir « par effraction en 1997  ».

http://leplus.nouvelobs.com/contribution/212168;francois-baroin-effraction-piege-a-cons.html

Sans doute, dans son esprit, l'idée étant d'apporter une majorité conforme à M. Chirac en 1997 en provoquant une élection législative anticipée et le résultat n'ayant pas été celui espéré, il s'agissait d'une effraction. Dans son billet, l'humoriste François Morel reprend les propos de M. Chandernagor à l'Assemblée Nationale (1978/1981) qui reprochait aux politiciens de droite de considérer la République comme « leur chose »

http://www.franceinter.fr/emission-le-billet-de-francois-morel-le-billet-de-francois-morel-11112011

C'est que, à droite, on ne reconnaît pas le suffrage universel. Il n'est qu'une forme pour légitimer que la droite gouverne. Dans le cas contraire, il n'y a pas de légitimité et, d'ailleurs, on fait tout pour que les autres ne puissent pas gouverner. Tout comme Louis XVI* qui espérait le secours des autres puissances contre son peuple, la droite est appuyée, en cas de victoire de la gauche, par les entreprises qui licencient, renâclent à investir et, bien sûr, par la finance.

http://lanternediogene.canalblog.com/archives/2011/08/20/21826891.html

http://lanternediogene.canalblog.com/archives/2011/05/10/21099004.html

On pourrait penser que la gravité de ces propos suscite un effroi salutaire dans la mesure où il révèle le caractère réel de la droite. Malheureusement, on n'a entendu que des propos convenus, des réponses évidentes, des répliques courroucées mais certainement pas un avertissement sur la nature véritable de la droite et sur le sens profond de ces paroles qui sont loin de n'être que des provocations ou des des outrances.

*Louis XVI était loin d'être le mauvais roi caricaturé par nos livres d'Histoire depuis Ernest Lavisse. Il était débonnaire et éclairé mais, poussé par la réaction nobiliaire et acculé par les révolutionnaires, il a fait des mauvais choix. Dans de telles conditions, peut-on reprocher à un homme de vouloir protéger sa famille et de chercher refuge ailleurs quand la menace pèse ? En revanche, lors de la restauration et du retour des émigrés, son frère indemnisera largement les nobles spoliés par la République. Ça te rappelle pas quelque chose ?