Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
la lanterne de diogène
29 juin 2015

Intégrisme - Attentats - réponses, questions

Ainsi le terrorisme islamiste ou djihadiste a encore frappé. On ne sait plus comment l'appeler. Certains font remarquer que lorsqu'un type européen commet un attentat, on dit que c'est un déséquilibré tandis que quand c'est un Arabe, on dit que c'est un terroriste. C'est vrai, comme lorsque c'est un type européen, on dit que c'est un attentat raciste mais pas quand c'est un Arabe qui le commet, même si on l'entend crier « mort aux mécréants ». Comprenne qui pourra ou qui voudra. Passée l'émotion du mois de janvier, beaucoup font remarquer que l'on est déjà retombé dans l'excuse, l'atténuation, la naïveté qui ont permis à ces attentats d'être commis aussi facilement. Le pire n'étant pas l'excuse mais la justification. http://lanternediogene.canalblog.com/archives/2015/01/17/31373152.html

Le carnage sur la plage tunisienne surprend encore. L'explication avancée est la volonté de couper les vivres du gouvernement démocratique péniblement mis en place. Ce n'est pas faux. Nous avons déjà vu que l'intégrisme religieux a besoin d'un terreau de misère et d'injustice pour progresser.

http://lanternediogene.canalblog.com/archives/2011/07/16/21627838.html

Du jour où les touristes ne viendront plus en Tunisie, ce petit pays n'aura pas beaucoup de ressources et sera, en tout cas, privé de devises. Les intégristes auront beau jeu de dénoncer l'échec du modèle démocratique. Une bonne part de la population les suivra, pensant que la démocratie ne nourrit pas son homme. Cependant, il y a une autre raison qui tient à la recherche de pureté religieuse. Les intégristes se moquent pas mal des biens de ce monde puisqu'ils aspirent au bien-être dans l'au-delà. Peu leur importe que des étrangers ne viennent plus profiter du soleil et des plages de leur pays. Ce qu'ils veulent, c'est que tout le monde vive sous la loi religieuse et la plus stricte possible, d'autant que, dans un tel régime, ils seront les tenants de loi et de l'ordre et, à ce titre, du bon côté.

Parlant de l'intégrisme musulman, il ne vient à l'idée de personne de regarder ce qui existe en Israël. Pourtant, les similitudes sont troublantes. Certes les pratiques religieuses diffèrent, les fidèles sont souvent antagonistes mais les mentalités se retrouvent. On a un petit pays qui a acquis son indépendance après guerre. Laïc au départ, il a dû composer avec une minorité religieuse qu'on moquait volontiers et qu'on savait inchangeable. Seulement, la minorité a grossi car elle est très prolifique. Elle a trouvé des soutiens dans l'opposition de droite aux gouvernements travaillistes. Il s'est constitué ainsi un bloc conservateur qui a accordé des concessions aux religieux. Devant ces succès, la minorité religieuse intégriste a exigé de plus en plus et obtenu à chaque élection, quel que soit le résultat. Aujourd'hui, avec le gouvernement le plus réactionnaire que ce pays ait eu, non seulement les habitants doivent se conformer de plus en plus aux interdits et contraintes religieux mais encore, la paix est menacée comme elle ne l'a jamais été. Les pèlerins chrétiens sont de plus en plus mal accueillis et dès les prises de contact aux offices de tourisme israéliens à l'étranger. S'ils pouvaient ne pas venir, ça serait mieux. Certes, on ne va pas les mitrailler ni leur lancer des pierres mais on montre qu'ils ne sont pas les bienvenus, d'autant que, à leur retour, ils témoignent du quotidien vécu par les Arabes palestiniens. Du jour où il n'y aura plus de pèlerins, le gouvernement pourra augmenter sa pression pour récupérer les terrains occupés par les nombreuses Églises qui ont toutes une ou plusieurs représentations en Terre Sainte (comme disent les chrétiens), et surtout sur le Mont des Oliviers où tout bon juif rêve de se faire enterrer pour être plus près le jour du jugement dernier. Face à un tel vœu, rien d'autre ne compte, et surtout pas des considérations bassement matérielles. Israël a montré à plusieurs reprises qu'elle ne craignait pas d'affronter le monde entier, tant sa certitude de faire ce qui est bon pour Dieu est grande. C'est la même chose dans les pays où la charia est appliquée.on ne va pas risquer de se fâcher avec Dieu pour avoir un peu plus d'argent et vivre mieux ici-bas ou parce que les pays d'infidèles ne sont pas contents. C'est cette même logique de loi religieuse qui s'impose à tout et au-delà de toute autre considération que veulent les islamistes.

Pour rappel, voici ce que nous écrivions à l'été 2011(réf. citée) :

Les talibans et autres intégristes possèdent un énorme avantage sur tout le monde : le temps. Pour eux, l'imposition de la théocratie se fera, inéluctablement. Dieu est éternel. Si ce n'est pas demain, ce sera après-demain ou dans dix ou cinquante ans. En attendant, ils gagnent peu à peu du terrain, travaillent les mentalités, rognent. L'intégrisme est peu coûteux. Il impose un régime un alimentaire frugal et une mode vestimentaire réduite au minimum. Ça attire forcément les plus démunis qui se trouvent, grâce au nivellement par le bas, à égalité avec les autres. Ça devient valorisant pour ceux qui forment la grande majorité de la population dans certains pays. D'ailleurs, on observe que la pratique religieuse s'estompe dans les classes sociales qui parviennent à l'aisance matérielle. Justement, les talibans et autres intégristes ne promettent pas l'aisance matérielle et la combattent, au contraire. Dans ce contexte, tout ce qui pourrait contrarier les frustrations doit être détruit. Il est important pour eux de détruire les routes récemment construites ou les immeubles des services publics qui se mettent péniblement en place. (...) Le reste n'est plus qu'une question de temps ; et l'on sait ce qu'il en est du temps pour des religieux.

Également, l'intégrisme religieux recrée des solidarités là où le matérialisme et la société de consommation ont favorisé l'égoïsme et le chacun pour soi. Il suffit de voir le nombre de sans-abris qui errent dans nos villes pour mesurer l'indifférence, la résignation et l'absence de solidarité. Remarquons, à ce sujet, que très peu de musulmans se trouvent dans cette situation d'errance et de détresse. C'est que, il existe encore parmi eux, un tissu social qui atténue les effets de l'exclusion mais qui, par la même mécanisme, amplifie la rancœur envers le système qui les a exclus. En 2008, un film de Philippe Haïm, « Secret défense », montrait comment un jeune, qui se retrouve en prison pour une connerie, trouve la protection auprès de musulmans et se convertit assez rapidement quand il reconnaît que, même s'il lui arrive d'autres déconvenues, « tu ne seras jamais seul ».

 

L'attentat en France, en Isère, obéit à une autre logique, celle du ressentiment, justement. L'intégrisme musulman et même le simple sentiment religieux ont repris au moment de la réaction en Iran en 1979. Auparavant, ils étaient tombés en désuétude. La guerre froide a favorisé la guerre en Algérie d'un côté et les coups d’États militaires au Proche-Orient, qui ont imposé des régimes autoritaires éloignés de la religion ; encore que les nouveaux dictateurs – Nasser excepté – prenaient bien soin de se montrer à la mosquée le vendredi midi. La réaction iranienne a montré qu'on ne peut pas imposer le modernisme à marche forcée s'il n'y a pas une vraie justice sociale et une répartition équitable des richesses. Parmi les récriminations entendues à l'époque, il y avait le refus de la mode vestimentaire qui obligeait à changer souvent alors que les revenus ne suivaient pas. Elle a été le catalyseur d'un vaste élan qui touché tout le monde musulman et notamment les pays arabes. Jusqu'à présent, ils acceptaient, plus ou moins comme une fatalité, ce monde qui s'est construit sans eux. Depuis la chute du califat de Cordoue au 11e siècle et, surtout, l'expulsion des musulmans (et des juifs) de la péninsule ibérique en 1492, ils s'étaient habitués à n'être que les spectateurs de l'évolution du monde. Depuis 1979, ils s'avisent qu'ils peuvent être aussi forts que les autres et même plus forts avec l'aide de Dieu, s'il le veut. L'Iran, mis au ban par la communauté internationale et l'hostilité des pays arabes sunnites, n'a jamais flanché. Avec la crise et les secousses qu'elle a provoquées un peu partout, l'opinion arabo-musulmane a commencé à penser que le monde s'est construit sans eux mais surtout contre eux. Les intégristes se sont employé a distiller ce ressenti, certains du résultat. Toute forme de violence contre les infidèles s'en trouve justifiée. De plus, il existe des relais, ici-même, pour approuver, en arguant de la brillante civilisation qui était autrefois (il y a près de mille ans donc) et que nous avons eu bien tort de ne pas reconnaître. Ce ressentiment balaie un vaste champ puisque, comme nous l'avons dit, le monde s'est construit depuis près de dix siècles sans aucun apport arabo-musulman. Donc, la mécanique, la chimie, la médecine moderne, la musique, les nouvelles technologies sont vues comme autant d'outils contre eux. L'archéologie est perçue encore plus mal dans la mesure où elle met en évidence des civilisations brillantes bien antérieures à l'islam et à l'expansion arabe. Comme les archéologues étaient et sont essentiellement occidentaux (à part quelques Japonais et Australiens) – puisque ces civilisations étant polythéistes elles n'intéressent pas les musulmans – ils subissent souvent l'hostilité des religieux qui leur reprochent de mettre en avant des polythéistes et des idolâtres. L'Histoire n'a aucune valeur puisque le temps appartient à Dieu seul. La démocratie, les droits de l'Homme, sont autant de valeurs extérieures à l'islam et, finalement, contraires à la religion. Tout cela est perçu comme des instruments contre les musulmans. D'une manière générale, il y a une suspicion d'hostilité à partir du moment où une initiative est prise par un non-musulman ou étrangère à la société traditionnelle arabo-musulmane. Pour marquer son refus et son identité, on prendra le contre-pied de tout ce qui est associé à l'Occident infidèle ou mécréant : la polygamie, la dictature, l'excision, le refus de la contraception, le crime d'honneur, un statut d'infériorité pour les femmes, l'inégalité des droits d'une façon générale,

Seulement, si la crise consécutive au premier choc pétrolier de 1973 puis au second, consécutif à la réaction iranienne de 1979, ont affaibli les pays industrialisés et provoqué le chômage de masse qui atteint aujourd'hui des proportions inquiétantes, elle a aussi creusé les inégalités. À la faveur de ces chocs, le grand capital a entamé une reconquête des concessions qu'il a dû faire, notamment en termes de protection sociale et de hausses des salaires. En période de crise et de chômage de masse, ce sont des millions de personnes qui se trouvent exclues, qui n'ont pas accès au bien-être matériel, qui sont oisifs par force et qui ont le temps de gamberger, de chercher des coupables et de les trouver selon leur histoire personnelle.

http://www.lesechos.fr/idees-debats/editos-analyses/021164182767-les-inegalites-meilleures-ennemies-de-la-croissance-1131887.php?YOyQgM3zub4YTpST.99#

Comme beaucoup d'Arabes et de musulmans font partie de ces exclus, ils ont vite fait d'être convaincus qu'on leur en veut personnellement. En d'autres termes, le chômage de masse, voulu par le système pour entretenir la précarité, l'insécurité, les bas salaires, les profits démesurés, produit l'injustice sociale sur laquelle les intégristes islamistes peuvent prospérer. Il leur est facile, preuves à l'appui, de convaincre les exclus qu'ils le sont en raison de leur religion et qu'il n'y a pas de solution pour eux dans une société où tout a été conçu par des non-musulmans. C'est ce système, parce qu'il produit des injustice criantes et de l'exclusion, qui offre les conditions nécessaires et favorables à l'expansion de l'islamisme et de toutes ses expressions.

 

Nous commençons seulement, depuis 2001, à en voir les résultats mais les tenants du système et les décideurs demeurent sourds aux nombreux avertissements qui ont été lancés par les uns et par les autres. Les attentats ne datent pas d'aujourd'hui. La France, dans les années 1980 n'a pas été épargnée, par exemple. Tous les corollaires de la crise, comme l'impossibilité de se loger faute de revenus, sont des avertissements quotidiens. Malgré tout, on s'obstine dans l'erreur et l'on tâche de guérir un mal sans se préoccuper des causes. Cela forme autant d'exclus qui voient dans l'islamisme la seule force capable de combattre ce système, vu que la société est largement dépolitisée, que les jeunes générations se désintéressent de la chose publique, et que la gauche et les progressistes ne sont pas assez nombreux et trouvent encore le moyen de se diviser ; ce qui n'attire pas à eux les électeurs déçus et exclus.

Également, il faut souligner que l'incapacité de la communauté internationale à forcer Israël à régler la question de Jérusalem de façon satisfaisante pour tous, met l'ensemble des musulmans du monde entier, et pas seulement les islamistes, et pas seulement les Arabes musulmans contre les États qui n'osent mettre les pieds dans le plat, États-Unis en tête.

L'ensemble de ces rancœurs nourries par les musulmans est un terreau qui annonce d'autres violences et, sans doute, avec des formes dont on n'a pas encore idée. Il n'est pas trop tard pour en prendre conscience mais il y a de gros doute sur la capacité des décideurs, politiques et financiers, à changer de cap pour priver les islamistes de ses bases. Quand on voit que, ici, dans nos vieilles démocraties, la voix populaire n'est plus entendue (référendum européen de 2005 par ex), que les alternances politiques ne modifient que très peu les affaires intérieures des pays, que, d'une manière générale, la politique est impuissante face à la finance internationale qui goberge sans scrupule, beaucoup se tourne vers l'extrême-droite ou vers la religion. L'islamisme joue sur la durée. Le temps qui passe, dans la mesure où les injustices sociales et les excluions progressent, joue en sa faveur puisqu'il augmente le nombre de déçus et de désespérés. Les conversions augmentent et les convertis sont toujours plus intolérants et plus exigeants que les autres. Tous les signes, tous les prémices sont là. Ils sont connus, étudiés, analysés, commentés comme nous le faisons à présent. Malgré tout, cela ne fait pas changer les décideurs. Ils ne se posent même pas les questions. Un exemple récent ? Alors que ces attentats sèment à nouveau l'effroi, le Gouvernement français vient d'annoncer le renfort de 200 policiers pour... contrôler les voitures du réseau Uber Pop afin de satisfaire les taxis.

http://www.lemonde.fr/economie/article/2015/06/27/200-policiers-en-renfort-a-paris-pour-lutter-contre-uberpop_4663327_3234.html

on relira : http://lanternediogene.canalblog.com/archives/2015/01/08/31278987.html

 

Publicité
Publicité
Commentaires
la lanterne de diogène
Publicité
la lanterne de diogène
Derniers commentaires
Archives
Visiteurs
Depuis la création 219 721
Newsletter
Publicité