Politique et communication 2

5 avril 2013

Et encore, notre critique ne porte-t-elle que sur cet aspect de « communication » et pas sur le fond pourtant, il y a à redire. Comme nous sommes démocrates, nous nous contenterons de rappeler que la politique menée est celle qui a été voulue par les électeurs qui ont préféré un programme qui ne bouleverse pas grand chose à un changement salutaire. Il y avait pourtant le choix mais les urnes ont rendu leur verdict et il ne faut pas s'étonner, dès lors, que rien ne change ou pas grand chose et qu'on fasse diversion.

Après le constat, les perspectives. Nous avons vu que l'optimisme n'est plus de rigueur dans la population. Dans l'immédiat, le fameux projet qui anéantit toute velléité politique, le « mariage pour tous », va encore trainer dans les semaines qui viennent puisqu'il arrive au Sénat. Après la navette, rien ne serait plus calamiteux qu'un retrait ou un projet de loi vidé de sa substance. D'un autre côté, son maintien intégral verrait perdurer ce climat de « guerre civile verbale » avec une surenchère de la droite qui réunit tous ceux qui estiment, traditionnellement que la gauche au pouvoir n'est jamais légitime. Déjà, au début des années 1980, la droite avait su trouver un terrain où réunir les oppositions au gouvernement de gauche : les programmes de télévision. Cette fois, c'est sur le terrain des mœurs d'autant plus délicat qu'il touche encore plus à l'intimité que la télévision. Si le projet de loi ne passe pas tel que prévu, plus rien ne pourra plus se faire. Si le projet passe, nous verrons des débordements d'autant plus violents qu'ils seront le fait de personnes qui ne sont pas habituées à ce type d'affrontement. Comme si ça ne suffisait pas, nous arrivons au terme de la soi-disant médiation mise en place pour traiter le projet d'aéroport de Notre-Dame des Landes. C'est pourtant plus facile et avec des opposants que la droite au pouvoir aurait fait passer pour des terroristes mais que la vérité force à considérer comme des idéalistes et des visionnaires. Pour ne pas ouvrir un autre front sur la gauche, le Premier Ministre aurait tout intérêt à ne rien faire, à laisser les opposants sur place installer des ruches, cultiver leurs carrés de légumes et jouer du biniou. Un an après les élections, l'exécutif et la majorité de centre-gauche accumulent les impairs, ce qui ne devrait se produire qu'en fin de mandat ou plutôt, un an avant afin de se garder la dernière année pour faire passer des réformes populaires.

Un autre, se trouve dans un sérieux problème de communication, c'est M. Mélenchon. Il déplore que les travaux du congrès de son parti qui vient de se tenir à Bordeaux, que son discours de clôture, n'ont rencontré aucun écho, ni auprès des médias ni, par conséquent, auprès du public. On a envie de lui dire : la faute à qui ?

Il sait parfaitement qu'on ne retiendra pas les propositions et qu'on caricaturera ses excès de langage. Les propositions, c'est compliqué, il faut les étudier. Et puis (on ne sait jamais), des fois qu'elles soient sérieuses et remettraient en cause toutes les belles certitudes... Les écarts de langage, c'est plus facile à commenter. Il suffit de dire que c'est pas bien et tout le monde en conviendra facilement.

Il le sait mais il persiste au nom du « parler cru et dru ». Dans ces conditions, qu'il ne se plaigne pas si on l'enferme dans le rôle de l'épouvantail qui effraie les créatures qui ne cherchent qu'à se nourrir et qui fait rire les véritables méchants, trop heureux de trouver un adversaire aussi commode. Dans les années 1980, Henri Krasucki avait été tellement caricaturé par le « Bébète Show » où sa marionnette bafouillante, incapable de terminer un propos construit, finissait toujours par lancer : « la grève ! ». Depuis, non seulement la CGT mais tout le mouvement syndical passe auprès des braves gens pour des fouteurs de merde. Sentiment renforcé quand on a été licencié et que le syndicat n'a pas pu l'empêcher. M. Mélenchon, homme de culture et de mémoire ne peut pas l'ignorer. Admirateur de Georges Marchais (il pourrait choisir de meilleures références), il ne peut pas ignorer non plus que ses outrances ont discrédité le PCF et l'ont entrainé dans une chute que lui, justement, parvient à freiner alors que le sol n'était plus très loin. À croire que c'est cela qu'il recherche. À croire qu'il cherche à entrer dans l'Histoire du mouvement social comme celui qui a essayé mais a mené maladroitement un combat perdu d'avance.

Ne doutons pas que M. Mélenchon est sincère lorsqu'il écoute le peuple et tâche de s'en faire le porte-parole. C'est son honneur. Mais, justement, cet honneur que lui fait le peuple des souffrants du système – dont on nous dit qu'il est le meilleur et, de toute façon, le seul – lui impose des responsabilités. La première d'entre elle est de se montrer à la hauteur des aspirations de ceux qu'il défend et de ne pas les décevoir. On ne lui tiendra pas rigueur de n'avoir pas réussi face à plus fort mais on ne lui pardonnera pas de s'être laissé désarmer avant même d'avoir pu porter les premiers coups. L'autre responsabilité majeure est de ne pas s'épuiser en vaines invectives afin de pouvoir durer et, au moins, entretenir l'espoir.

Bien sûr, ses troupes ne l'aident pas forcément non plus. Elles déplorent cette situation où la forme compte plus que le fond à l'heure du tout médiatique et où la communication – mot savant que prend la publicité ou la propagande pour se donner quelques lettres de noblesse – impose de ne pas aller au fond des choses lorsqu'on s'adresse au plus grand nombre. On peut et l'on doit le déplorer mais c'est ainsi. On ne peut pas attendre que ça change pour que, le peuple, affranchi des artifices de la « communication », vote en toute intelligence et élise un candidat de la trempe de M. Mélenchon. On a besoin qu'il soit élu et, pour cela, qu'il doive renoncer à la caricature qu'il donne de lui-même.

L'élection à Hénin-Beaumont doit être un avertissement presque sans frais. Presque sans frais puisqu'il prive les travaux parlementaires de la voix et des avis de M. Mélenchon. Quelle politique est celle où le chef d'un mouvement important, le deuxième de la gauche en termes de suffrages, probablement le premier dans les cœurs, se voit sans voix dans la représentation nationale ? Là encore, la faute en incombe entièrement au système électoral qui glisse, imperceptiblement vers le bipartisme. Seulement, on ne pas attendre non plus que le système change. Quand bien même aurait-il changé dès la première session de cette législature que la droite aurait hurlé, une fois de plus, qu'on change la loi « juste avant les élections » pour faciliter la ré-élection des socialistes. En attendant, il faut se plier à la loi inique de ce mode de scrutin et M. Mélenchon doit trouver une circonscription où il est populaire afin de siéger à l'Assemblée ou au Sénat, comme autrefois. L'erreur stratégique consistant à batailler contre l'extrême-droite, au lieu de combattre le système de l'intérieur fragilise les ambitions de M. Mélenchon et du courant qu'il incarne. Nous allons maintenant connaître quatre ans pendant lesquelles ce courant va être la cible de tous : de tous les partis institués, de l'extrême-droite à l'extrême-gauche, des médias faisant bloc contre celui qui ose ne pas entrer dans leur jeu. Dans l'autre camp, M. Bayrou n'est pas près de se relever pour avoir voulu maintenir son cap. Ce ne sont pas les exemples qui manquent pour l'avertir et il ne sert à rien de regretter la perversion du système. Il faut faire avec avant de pouvoir le transformer.

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