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la lanterne de diogène
7 juin 2019

Belfort vaincue (réponse à la tribune de M. Chevènement)

Nous avons publié hier ce long texte qui reprend nombre d’idées, d’analyses et de valeurs défendues ici.

Sur un mode apparemment anecdotique, nous avons déjà rappelé que les fleurons de l’industrie française ont été dépecés, démantelés au gré des privatisations dans la mesure où les actionnaires, toujours attirés par le plus offrant, se sont tournés, retournés, détournés vers des capitaux étrangers. Nous avons aussi attiré l’attention sur le rôle occulte et prépondérant de Bouygues qui détermine, de fait, l’orientation économique du Gouvernement. Il suffit qu’il acquière ou se défasse d’un portefeuille d’action pour que des pans entiers de l’économie française s’en trouvent affectés et que la vie de milliers de ménages soient à sa merci.

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Nous défendons ici la nécessité d’un État fort non pas parce que nous feignons d’ignorer que le pouvoir est toujours tenté d’en abuser et d’opprimer. Nous le savons mais chaque chose en son temps et la structure étatique est loin d’être la seule ou même la pire quand il s’agit d’exploiter.

Lorsqu’il a fallu redresser la France après la guerre, on avait besoin de la garantie d’un État fort et de sa volonté politique pour coordonner la reconstruction. Cela a permis à la France de garder son indépendance dans le monde bipolaire né de Yalta en l’absence notoire du Général De Gaulle. Ce faisant, en orientant les entreprises vers l’effort de reconstruction, on créait ou renforçait des pôles industriels capables de répondre aux besoins de la population mais sans dépendre du bon vouloir d’entreprises étrangères soumises au diktat d’intérêts étrangers. C’est la recette appliquée en Chine avec les résultats que chacun peut observer.

Nous avons également dénoncé le mot d’ordre des années 1990 qui a conduit, le plus souvent, à la fermeture de branches entières de grands groupes et à la mise à pied de leurs salariés : « se recentrer sur son métier ». Alors que les décennies précédentes avaient vu des grands groupes s’agréger en diversifiant leurs productions, il était devenu de bon ton de railler cette stratégie qui permettait pourtant, quand une branche connaissait des difficultés, de voir les autres la soutenir en attendant de trouver une solution. Carrefour et les rêves

Où l’on voit aussi que, au nom des modes du moments, les financiers savent trouver les mots (« les éléments de langage » pour reprendre le vocabulaire technocratique) pour abuser l’opinion. Nous avons dit aussi, à plusieurs reprises, que ce langage travesti est l’apanage des totalitarismes. Ainsi, afin d’accompagner la révolution informatique, on a commencé par fermer les usines au prétexte que comme le secteur primaire (l’agriculture), le secteur secondaire (l’industrie) devait être réduits pour laisser l’hégémonie au tertiaire. Le problème, c’est que dans ce fameux tertiaire, les acteurs sont soumis aux aléas d’entreprises étrangères par le biais de participations croisées et du jeu de la grande finance internationale.

Certes, les velléités d’indépendance informatique n’ont pas été couronnées de succès dans le passé. CII-Honeywell-Bull a été un fiasco et des marques comme Goupil ou Thomson (informatique) n’ont jamais pu percer. Il est vrai que si, à l’époque, des journaux comme Le Figaro ou Le Quotidien de Paris ne tiraient pas tous les jours à boulets rouges sur les dépenses de l’État, le plan Jospin qui a équipé les établissements scolaires en ordinateurs aurait prévu aussi la maintenance et le remplacement, ce qui n’a pas été fait avec les conséquences que tout le monde sait. On ne peut pas être bon partout et des marques comme Olivetti, Roneo, Olympia, ont disparu ailleurs aussi ou ont été marginalisées.

Les Trente Glorieuses ont été possibles parce qu’il fallait reconstruire la France. Ailleurs dans le monde, les changements induits par la fin de la guerre ont aussi constitué un moteur de développement. Est-ce à dire qu’il n’y a plus rien à reconstruire ? En partie oui mais il existe encore de nombreux besoins à satisfaire et, surtout, il faut répondre à une population qui augmente à une vitesse encore jamais observée. À l’occasion de sa mort, on a repassé des propos tenus par le philosophe Michel Serres. Dans un entretien, il rappelle qu’à sa naissance, il y avait 2 milliards d’habitants dans le monde et qu’à l’heure où il parlait, il y en avait déjà 7. En une vie (prolongée par rapport à l’espérance à sa naissance), la population mondiale à plus que triplé. L’Europe est surpeuplée et attire encore, bien que dénigrée par des pans entiers de sa population. Sans poursuivre cette fuite en avant qu’est la recherche de croissance, il faut néanmoins répondre aux besoins de la population. Soyons sûrs qu’à ce rythme, on atteindra les 10 milliards, non pas en 2050 comme on nous annonce mais plus certainement en 2030 ou peu après, soit tout de même avec près de 20 ans d’avance sur les prévisions. Ceux qui prévoient ne seront plus là pour vérifier.

Or les pays qui connaissent soi-disant le plein-emploi sont simplement dotés de dispositifs qui ne comptabilisent pas toutes les personnes privées d’emploi et masquent la précarité. Il faut aussi ajouter que parmi les pays soi-disant de plein-emploi, se trouvent aussi ceux qui ont une faible population qui trouve donc plus facilement à s’employer mais un pays comme le Danemark qui voit sa population augmenter artificiellement depuis quelques années envisage des mesures pour ne pas se laisser submerger comme ses voisins plus au sud.

Aujourd’hui, donc, s’il n’y a plus la reconstruction pour doper l’économie, une nouvelle chance se présente à nous, la transition écologique. La transformation et l’adaptation de l’existant, le développement de nouvelles branches et filières sont autant d’opportunités qui sont pourtant contrariées par des intérêts particuliers. Ils s’y emploient depuis déjà longtemps. En plus, les activités induites par la transition écologique ne sont pas délocalisables. Par conséquent, c’est un formidable moteur de croissance qui se présente à nous ; et de la bonne croissance car il y a maintenant une conscience suffisamment répandue pour éviter les conséquences désastreuses des bonds en avant du passé comme la pollution, les accidents du travail et, d’une manière générale, ce qu’on appelait « génération sacrifiée ». C’est là que nous divergeons fortement avec M. Chevènement. Si son analyse est incontestable, ses propositions ne correspondent pas aux monde tel qu’il est. Lui a été formé par une certaine école de pensée où le travail humain est au-dessus de tout et l’humain subordonné au travail. Cette école a fourni de bonnes analyses autrefois mais est inadaptée au monde actuel car elle occulte totalement la nature qui est pourtant le cadre de toute activité et qui fournit la matière du travail. Or, ce cadre est fortement dégradé par l’activité humaine. Avec 2 milliards d’humains (pour reprendre le nombre avancé par Michel Serres), il y avait de la place pour tout le monde et de la matière pour travailler et satisfaire les besoins. Il suffisait d’avancer vers la justice sociale pour y parvenir. À bientôt 8 milliards (probablement dès la fin de l’année prochaine), on épuise les ressources. On aura pris 2 milliards en 20 ans alors qu’il en a fallu 40 pour progresser de 3 milliard juste avant. Déjà, on emprunte de plus en plus tôt les réserves pour les années à venir. Chaque année, la date moyenne avance.

https://www.sciencesetavenir.fr/nature-environnement/climat/10-mai-le-jour-du-depassement-pour-les-europeens-en-2019_133534

Les mêmes qui voient les 10 milliards en 2050 repoussent à chaque nouveau milliard les capacités de la terre à assurer la subsistance de l’humanité. On nous disait avant que la Terre pouvait nourrir 9 milliard d’humains puis, petit à petit, alors même que les surfaces cultivables diminuent pour faire place aux lotissements et aux activités, on nous affirme que la Terre peut nourrir 12 et même 13 milliards d’humains. Pourquoi pas 15 ? Quand on sait qu’après la mort des palmiers à huile, le terrain ne peut plus être cultivé avant des années, on a une idée de ce qui nous attend. Il est vrai que le Président Bolsonaro du Brésil prétend défricher totalement l’Amazonie pour y faire des cultures lucratives d’OGM. Tout va bien, donc, pas d’inquiétude.

On a beau dire qu’il ne faut pas consommer plus que ce qu’on peut reconstituer, on continue et il est difficile de convaincre des gens issus de générations frustrées qu’ils doivent maintenant renoncer à la viande, au béton et au gaspillage, alors qu’ils ont, via la télévision et les médias, les images de ceux qui ont gaspillé depuis des décennies et qui donnent l’impression de vivre beaucoup mieux qu’eux. Personne n’est prêt à renoncer à son téléphone mobile même en sachant qu’il contient des terres rares et même en sachant que leur extraction se fait au prix de guerres sanglantes, du travail d’enfants, de quasi esclavage, d’enrichissement de pègres locales et, bien sûr, d’épuisement de la ressource. Ne parlons même pas des dégâts causés à l’environnement pour les extraire. Ce n’est pas pour rien qu’on nomme ces minerais des « terres rares ». Il n’y en aura pas pour longtemps. M. Chevènement hait tout ce qui ressemble à l’écologie. Autrefois, comme Ministre de l’Intérieur, il avait laissé saccager les locaux de sa collègue Ministre de l’Environnement et n’avait pas poussé pour, ne serait-ce qu’arrêter les coupables sur le fait. Aujourd’hui, il persiste dans la superstition consistant à penser que les énergies renouvelables sont intermittentes et qu’il faut donc « suppléer leur insuffisance ». Il ne se demande pas d’où viennent les énergies anciennes telles que le gaz qu’il semble affectionner. Pour lui, il suffit de puiser dans le sous-sol et de l’utiliser. Il semble ignorer que les hydrocarbures sont épuisables et que, en attendant, il faut les transporter et les transformer. Il a dû oublier que le fameux gaz de Lacq qui a permis d’équiper les ménages français, pendant les années d’expansion, est aujourd’hui tari et qu’il faut se plier aux accords passés avec les Gouvernements qui possèdent ces ressources sur leurs sols. Il semble oublier que la guerre en Afghanistan avec toutes les conséquences déjà accumulées depuis 40 ans (dont l’attentat de 2001), à présent, sont dues essentiellement au passage de gazoducs et d’oléoducs. Il feint d’ignorer que l’acharnement de l’administration étatsunienne contre l’Iran est due surtout à des histoires d’oléoducs et de fourniture de pétrole et de gaz. Pourtant, il dénonce à juste titre l’extraterritorialité du droit étatsunien qui permet à la Maison Blanche de poursuivre n’importe quelle entreprise de n’importe quel pays au prétexte qu’elle dérogerait, ne serait-ce que pour une part minime, à des décisions prise. Il suffit qu’un boulon, un joint, l’encre d’une imprimante soit sur la mauvaise liste pour que l’entreprise soit sanctionnée. Elle peut procéder à l’arrestation de n’importe quel dirigeant, n’importe où dans le monde, pour imposer sa loi. Qu’on se souvienne qu’à la fin des guerre de Yougoslavie, la Serbie s’est retrouvée sans crayon à papier car le graphite qui les compose (et qui est fait pour ça normalement) entre dans la fabrication de bombes à graphite, utilisées d’ailleurs par les seuls pays de l’Otan. Si l’on peut décider de priver un pays de crayons, on peut imaginer le reste. Si Philpp Morris peut attaquer l’Uruguay (après la Thaïlande et d’autres) pour sa politique sanitaire contraire à ses intérêts, c’est aussi parce qu’on le veut bien. Il suffirait que l’UE annonce qu’elle ne reconnaît pas l’extraterritorialité du droit étatsunien pour que la plupart des autres pays lui emboîte le pas. Seulement, il faut une volonté politique comme celle qui avait conduit le Comité National de la Résistance puis De Gaulle à se passer des autres quand l’intérêt de la population est en jeu. Nous savons aussi que ça n’exclue pas la coopération, au contraire, mais que ça s’oppose au dogme sacro-saint de « la concurrence libre et non-faussée ».

https://www.lepoint.fr/monde/tabac-plus-de-170-pays-soutiennent-l-uruguay-en-conflit-avec-philip-morris-18-11-2010-1264396_24.php

https://www.letemps.ch/economie/justice-donne-raison-luruguay-poursuivi-philip-morris

M. Chevènement cible comme nous l’efficacité de la ringardisation. Il est tout de même curieux de constater que les Français, et depuis longtemps, méprisent leur drapeau et autres symboles nationaux mais achètent volontiers de la maroquinerie qui arbore le drapeau britannique et considèrent que tout ce qui vient d’outre Atlantique (nord seulement) est forcément mieux. On n’a jamais lu de témoignage de Français revenant des É-U et dénonçant la présence de drapeaux aux fenêtres des particuliers, dans leurs jardins, sur leurs voitures alors qu’on regarderait avec stupeur un drapeau chez un particulier ici, qu’on apprécie peu les bâtiments pavoisés et qu’on accepte que des chauffeurs de bus parisiens refusent d’accrocher des drapeaux sur leurs bus les 14 juillet et 11 novembre. Il en résulte – et nous le rejoignons – un état d’esprit qui non seulement ne se soucie pas de l’intérêt commun mais qui, en plus, cherche à affaiblir l’État. Nous avions dénoncé la volonté de supprimer l’ENA car elle prive l’État d’une élite capable d’affronter les difficultés de l’ordre mondial. Nous savons tous les faiblesses de cette institution mais sa suppression n’en viendrait pas à bout, tout au contraire. Il y aurait encore moins d’enfants d’ouvriers parvenant à des postes de décision et le formatage serait organisé par autant d’écoles privées soucieuses de servir des intérêts particuliers. Nous savons le rôle déterminant des études supérieures dans l’avenir d’un pays et nous avons, à plusieurs reprises, rappelé que tout le monde, aujourd’hui, a été formé à l’économie dans le manuel de Barre (ou de ses émules) qui a diffusé en France les funestes théories de l’École de Chicago ; avec les résultats qu’on peut observer. Ces résultats, ce sont précisément ceux qui sont dénoncés ici par M. Chevènement et notamment la mise en concurrence (« libre et non-faussée ») de tout ainsi que la casse de l’industrie française. Par le biais de ses réseaux, Barre avait réussi à faire casser les fameux « noyaux durs » imposés par M. Chirac lorsqu’il s’est agi de privatiser les groupes industriels une fois requinqués par les nationalisations de 1982. Bien sûr, instruit par la défaite de 1981, il importait à M. Chirac de conserver le pouvoir en plaçant à la tête des groupes privatisés des gens à lui, non plus soumis aux aléas électoraux. N’empêche, les « noyaux durs » avaient le seul mérite de conserver leur capital dans le giron français. À partir du moment où l’on a fait sauter ces noyaux, le capital a pu s’égailler au gré de la spéculation boursière.

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Cela n’est possible que dans un contexte de dénigrement systématique de ce qui est français et dans la croyance que tout ce qui vient d’ailleurs, et singulièrement des É-U est forcément mieux. Macron : la dysphonie du nouveau monde

Au moment de publier ces lignes, nous sommes attirés par cette information.

http://www.lefigaro.fr/vox/politique/le-bilan-de-la-vente-d-alstom-est-catastrophique-pour-l-emploi-et-pour-notre-souverainete-20190604?redirect_premium&fbclid=IwAR06S5t6vqTxl5nrTr1WPS4MxZuZQJAlMBLJKxnlWpRWoOg2xmfCkVZegUM

Un paragraphe contient l’essentiel du propos : «La France ne le sait pas, mais nous sommes en guerre avec l’Amérique. Oui, une guerre permanente, une guerre vitale, une guerre économique, une guerre sans mort apparemment. Oui, ils sont très durs les Américains, ils sont voraces, ils veulent un pouvoir sans partage sur le monde. C’est une guerre inconnue, une guerre permanente, sans mort apparemment et pourtant une guerre à mort.»

Le Parti Républicain étatsunien fonctionne depuis plusieurs années comme un CA d’entreprise qui cherche par tous les moyens à éliminer ses concurrents ou en faire des sous-traitants soumis. Avec l'extraterritorialité de son droit, les É-U peuvent tout se permettre y compris de voler des entreprises étrangères, d'utiliser leurs savoir-faire et d'empêcher leurs pays d'origine d'y accéder. Le transfert à GE de l'excellence nucléaire de la France est très lourde de conséquences. Le problème, c’est qu’il est ringard en France de défendre les intérêts de la France alors que tous les autres pays le font et que tout le monde trouve ça normal, y compris ici. Le problème, c’est que les patrons français ne sont pas soucieux de l’intérêt de leur pays et que les délocalisations ne sont que la partie la plus visible d’un comportement assimilable aux activités d’une cinquième colonne.

 

 

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Commentaires
J
Un retour à un État fort supposerait un projet de société auquel chacun pourrait s'identifier, projet défendu par un leader irréprochable à la tête d'une équipe reconnue pour ses compétences et sa droiture. <br /> <br /> Navré Diogène, mais on est là dans une fiction angélique inspirée des lointaines Trente glorieuses. On ne refera pas ce monde-là, on ne réinventera pas de Gaulle ni le gaullisme - une figure et une idéologie qui ne parlent plus qu'à une population minoritaire et relativement âgée, hors les étudiants en Histoire contemporaine. Une figure qui appartient à ce point au passé qu'elle en est magnifiée outre mesure - c'est là une constante de notre nature humaine, construire du passé une version expurgée où seuls émergent bons moments et qualités, où le négatif est impitoyablement caviardé, parce que ça nous convient l'idée d'avoir connu ce qu'on estime être un âge d'or. On était gosses, on était jeunes, voilà tout. Si le monde qui nous entourait alors, nous le percevions nimbé d'une lumière qui nous apparaît si radieuse avec le recul, c'est que la lucidité n'avait pas encore terni cette lumière des brumes du réalisme. De Gaulle n'était pas parfait et serait sans doute choqué de se voir aujourd'hui, par certains, érigé en modèle. Rappelons au-delà de sa seule personne que sous de Gaulle, lors des manifestations contre la guerre d'Algérie, il y eut des violences policières comparables à celles que l'on a constatées ces derniers mois lors du mouvement des Gilets-Jaunes, violences qui connurent leur hapax lors de la fameuse affaire de la station de métro Charonne, en 1962 ( https://fr.wikipedia.org/wiki/Affaire_de_la_station_de_m%C3%A9tro_Charonne ), violences impliquant la responsabilité d'un préfet de Police au passé de collaborateur, Maurice Papon, à qui cependant de Gaulle avait remis la croix de Commandeur de la Légion d'honneur. <br /> <br /> <br /> <br /> Tout n'invitait pas à la nostalgie en ces années de reconstruction. Crise du logement, bidonvilles à la périphérie des grandes villes, difficultés d'intégration pour nombre de rapatriés d'Afrique du Nord, classes en surnombre dans certains groupes scolaires du fait de l'arrivée des rapatriés, stigmatisation des Harkis et négation de leur dignité, racisme latent dirigé contre les ouvriers maghrébins, condition ouvrière voisine de l'esclavage, exode rural, importants retards d'infrastructures qui ont perduré jusqu'au milieu des années 70. Il n'est qu'à consulter les archives de l'Ina, à se replonger dans le cinéma alternatif et documentaire du début des années 60 pour comprendre que cette période qu'on appelle aujourd'hui les Trente glorieuses était sans doute glorieuse pour une petite partie de la population mais l'était nettement moins pour la majorité de ceux qui les traversèrent. <br /> <br /> En outre, les images documentaires du milieu des années 60, et celles du début de la révolution ratée de 1968 témoignent d'un hiatus qui aujourd'hui peut paraître surréaliste, entre un environnement attardé dans les années 40-50 (les voitures, les vieux bus à plate-forme, les trains à vapeur, les coiffures et les dégaines qui n'avaient guère évolué depuis l'après-guerre) et une jeunesse qui avait l'air d'avoir été transplantée dans ce décor depuis un futur indéterminé, qui y faisait figure de voyageurs du Temps. On se dit avec le recul que la rupture intergénérationnelle était inéluctable, telle qu'elle s'est effectivement opérée chez certains sous l'illusion marxiste/maoïste, telle qu'elle s'est exprimée chez d'autres, et sur un plus long terme, au gré d'une acculturation induite par la musique, les programmes de télé, le cinéma anglo-saxons et le modes de vie qui en ont découlé. C'était, pour résumer, le Kremlin versus Carnaby Street, Pékin versus San Francisco (on en a déjà parlé ici). <br /> <br /> <br /> <br /> Cependant, il y avait une relative homogénéité au sein de la population française. Les uns étaient dans un projet de reconstruction (d'une économie, d'une industrie, d'une reconstruction individuelle après les pertes et les manques occasionnés par la Seconde guerre mondiale, le rapatriement), d'autres dans l'idée de construire un monde différent. Tous se rejoignaient dans l'idée de fabriquer l'avenir. On était tournés vers demain. Et si les gens étaient effectivement plus solidaires les uns des autres, c'est qu'ils avaient traversé des souffrances dont on ne peut pas avoir idée aujourd'hui. Une guerre où les bombardements n'avaient rien de chirurgical, guerre occasionnant pertes humaines et matérielles et privations. Une terre qu'on était contraint d'abandonner avec son passé et pour certains, armes et bagages, pour aborder les inconnues d'une autre terre. On était moins nombreux aussi. Une trentaine de millions partageant une culture et des conditionnements analogues, c'est à dire judéo-chrétiens. <br /> <br /> <br /> <br /> Le schéma aujourd'hui va radicalement à l'opposé. Il rend à mon avis illusoire le rétablissement d'un État fort. Le joug technocratique européen le renvoie au vœu pieux. L'absence, et pour longtemps, de figures politiques aux qualités et aux compétences reconnues, d'un leader aux qualités d'homme d’État lui conférant une valeur tutélaire, le cantonne à l'utopie. A prendre en compte aussi, et inconditionnellement, le caractère hétérogène de populations qu'on ne saurait lucidement rassembler sous le terme générique de "peuple français", tant il est vrai qu'il est aujourd'hui plusieurs France, qu'il en est d'innombrables et que cela n'a rien à voir avec l'immigration et les communautarismes, ainsi que d'aucuns voudraient le faire croire. Cet éclatement, cette dissolution des populations dans des sphères aussi différentes qu'elles sont incompatibles - le phénomène des Gilets-Jaunes témoigne dans ce sens - rend impensable le retour à un État français tel qu'il a pu exister au temps jadis. <br /> <br /> <br /> <br /> De même qu'envisager la transition écologique en tant que projet de nature à rassembler, me paraît aussi hasardeux que les idéaux de décroissance défendus au début des années 2000 comme un projet d'avenir, en quoi se reconnaissaient quelques centaines de personnes tout au plus. Nous n'avons pas en France une culture de l'écologie telle qu'elle existe en Allemagne et au Royaume-Uni sous les formes militantes et activistes que l'on sait. On n'imagine pas la girouette Hulot et la précieuse Royal se coucher sur une voie ferrée pour empêcher le passage d'un train de déchets nucléaires, ou Cohn-Bendit ou José Bov(id)é se suspendre à un arbre pour empêcher qu'on le coupe. On a des Zadistes, certes, ultra-minoritaires, promoteurs d'expériences alternatives mais envisagés comme des hors-la-loi par les tenants officiels de l'écologie, pour qui l'écologie passe par le compteur Linky et une panoplie de taxes punitives, qui n'ont pas envie de s'attirer les foudres de Bruxelles en interdisant le glyphosate et le Round-up ni de perdre des voix en incitant à force de taxes les gens à laisser leur voiture au garage pour la substituer à un vélo. Qui ont compris à la faveur du mouvement des GJ que le Français qui en a encore les moyens ne renoncera pas à partir en week-end, que si on lui interdit de le faire de quelque façon que ce soit, ce sera l'insurrection. Il y a ceux, aussi, qui savent très bien que ce n'est pas parce qu'en France on interdira les moteurs thermiques que cela empêchera les habitants de New Delhi de se déplacer à bord des engins puants les plus insensés, de la bagnole de cent ans d'âge au triporteur, et qui savent très bien aussi que politique écologique ou pas, chaque jour quelque chose comme 80.000 aéronefs survolent la Terre, et parmi eux très peu de ballons dirigeables. D'autres, plus renseignés, et qui ont un peu voyagé, diront que depuis le temps qu'on débat en France du pour ou contre l'énergie solaire, ses tenants et ses aboutissants, certaines villes allemandes situées dans des régions pas particulièrement ensoleillées voient leurs toits recouverts de capteurs, et qu'on en voit aussi en Irlande et en Écosse. Les Scandinaves n'ont pas attendu la transition écologique pour se chauffer au moyen de calorifères alimentés au bois, tandis qu'en France, on surtaxe l'électricité alimentant les grille-pain qui nous tiennent lieu de moyens de chauffage très relatif, et ce ne sont pas les régions froides qui manquent dans notre pays, tandis qu'on n'arrête pas de parler de chauffage à granules de bois dont bien peu de locataires voient la couleur. On nous dira aussi que se chauffer au bois ça pollue, que le charbon ça pollue, à quoi l'on rétorquera que l'électricité d'origine nucléaire génère des déchets qui vont polluer pendant des millions d'années, que la gestion des centrales nucléaires s'opère dans une louche opacité. Bref, il faut se chauffer, les pauvres recourent au Kerdane surtaxé, un dérivé du kérosène, et au Butagaz pourvoyeurs de monoxyde de carbone et d'humidité ; les riches ont des climatiseurs et des inserts et les bobos des maisons écologiques, hé hé hé ! dûment isolées, équipées de panneaux solaires, de pompes à chaleur, d'éoliennes, de tout un attirail non-polluant propre à sauver la planète. Planète qu'on aura beau prétendre sauver à grand renfort de taxes, de culpabilisation, d'infantilisation des masses et de bourrages de crânes électoralistes, pour le commun des mortels, le vulgum pecus, la majorité d'entre nous, l'hiver il fait froid et comme on vit au XXIème siècle, paraît-il, on trouve anormal de devoir se peler contre son grille-pain pour complaire aux technocrates de Bruxelles, et pour aller de chez soi à son taf, de chez soi à sa famille, de chez soi à son lieu de vacances, quand il y a une certaine distance à parcourir et qu'il n'existe pas d'autre moyen, eh bien on prend sa voiture tant qu'on a encore les moyens d'en posséder une. Sauf à inventer la téléportation, mais on n'y est pas encore, et à développer le télé-travail, mais ça, on en parle depuis les années 90 et on n'arrête pas d'en parler pendant qu'ailleurs, ça s'est développé. Et quand bien même l'ouvrier de chez Renault disposerait chez lui de la machine-outil qui lui éviterait de polluer en allant à l'usine, les pièces qu'il fabrique, il faudrait bien à un moment ou à un autre qu'un camion vienne les chercher pour les transbahuter ! <br /> <br /> <br /> <br /> Donc désolé Diogène, mais sur ce coup-là, je ne te suis vraiment pas, même si je n'ai pas de contre-modèle à te proposer. Je crois qu'on est dans une période de profonde incertitude où chacun se raccroche à ce qu'il peut, que bien malin qui pourrait prévoir ne serait-ce que ce qui se passera le lendemain et surtout, qu'il serait vain de prétendre chercher des solutions dans un passé révolu.
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